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Identité de la femme et perspective
familiale.
Du juste au féminin [1]
par Jean-Marc
Trigeaud
Ce qui ne cesse d'attirer l'homme
"par en-haut" le sauve d'une existence solitaire et confinée, le
libère de son égoïsme, et lui ouvre les voies de la générosité du don. Or cet
"éternel" qui le séduit et l'élève ainsi selon l'expression
faustienne, n'est que la forme d'une essence qu'il faut tenter d'approcher et
de saisir, si imparfaitement que ce soit. Car la puissance qu'elle exerce
correspond à la finalité qu'elle traduit, à la tendance ou au mouvement du devoir-être
propre à tout acte d'exister: elle est inhérente à la personne sous
la nature où on la perçoit... Qu'est donc la femme ou la féminité dans
cette perspective? Par quels traits la définir?
La réflexion sur la justice commande
cette interrogation. Le juste qui peut convenir à la femme, en relation ou non
avec la famille, exige au préalable d'identifier certaines caractéristiques
communes. La démarche paraît artificielle et limitée. Mais celle d'un droit qui
procède de façon analogue et qui se prive de l'éclairage de la justice à défaut
des notions dont elle serait capable de partir, risque de sombrer dans
l'arbitraire. Et l'avantage de le soumettre à cette investigation préliminaire
est de lui éviter un dérèglement qui l'abandonne à la pure volonté et à
l'opinion contingente.
En un premier temps, il est
toujours possible d'écarter du moins les concepts inadéquats, méthode
dichotomique qui, socratiquement, est la condition d 'accès à la vérité. Ce
n'est qu'ensuite que l'on peut parvenir à dégager l'essence. L'objet même
qu'elle vise, dans son dynamisme orienté, recouvre la "chose juste"
ou le bien dont le droit réclame protection et qu'il se propose de faire
respecter dans toute son aire de développement.
Dès lors la recherche de l'essence
ne semble pas aussi hasardeuse et vaine qu'elle le serait dans un simple projet
de connaissance et de classification, détaché de tout souci d'une valeur à
légitimer et à assumer. Le besoin d'y recourir se justifie mieux encore. Et sous
cet aspect, la féminité constitue une sorte d'invariant phénoménologique:
elle ressort de l'expérience d'un donné concret progressivement dépouillé de
ses qualités circonstancielles, de sa facticité ontique[2].
Par là, on remonte à un type dominant de rattachement qui pourrait être calqué,
de manière saisissante, sur le type psycho-esthétique du théâtre, du roman[3]
ou de l'œuvre quelle qu'elle soit4. Ce type, en effet, n'incarne
personne en particulier, mais il désigne une réalité profonde en chaque individualité
empirique. "Je suis un mensonge qui dit la Vérité", aimait à affirmer
Cocteau : il en va de même du type féminin qui n'a la prétention ni de révéler
ce qui fait la substance de chaque femme ni d'en épuiser la singularité. En
outre, il existe un lien très fort entre le regard porté sur l'être humain, en
l'occurrence la femme, et la perception esthétique elle-même. Ce regard peut se
transformer en adhésion sensible, en véritable amour, et posséder par
conséquent une signification équivalente. Et si c'est une valeur de justice
que l'on essaye d'atteindre dans la femme, valeur assimilée à son propre bien,
nul doute qu'il y ait une parenté nouvelle à découvrir avec un sens
esthétique qui fut, dès les origines, la manifestation la plus éclatante du
sens de justices5.
Sans être nécessairement imbu d'un
préjugé nominaliste, l'on pourrait douter d'une essence ou d'un type féminin
aux contours rigoureux et précis, démarqué d'une masculinité où l'on s'évertue
parfois complaisamment à déchiffrer les signes de l'humanité dans son acception
générale, comme si "l'autre sexe" renvoyait à quelque marge floue du
discours. Pourtant. une permanence est incontestable; une ipséité se dessine;
une réelle identité de la femme prend corps, au plan onto-axiologique,
qu'attestent, à divers degrés, sociaux, culturels ou scientifiques
(psychologiques par exemple, de Buytendijk à Helen Deutsch)6, de
nombreuses enquêtes critiques contemporaines. Et ces résultats encouragent à
pénétrer dans un ordre métaphysique où ce ne sont pas uniquement des
correspondances qui peuvent surgir, mais où c'est un fondement qui peut
apparaître.
L'émergence d'un tel fondement
permet d'établir des principes de justice concernant la femme sur des bases
plus fermes que sur des faits fluctuants et variables, produits d'un
découpage quantitatif des phénomènes. L'essence ou le type abstrait s'entend
certes d'un élément rationnel qui pétrifie le vivant. Mais il ne s'agit pas de
s'enfermer dans une explication ou schématisation inévitablement insuffisante
de l'expérience : il s'agit d'induire la structure intelligible ultime qui rend
compte de l'existence de son objet, de sa provenance et, en un mot, de son pourquoi.
C'est se situer alors dans l'en-deçà de l'interprétation théorique.
On sait, depuis Aristote, que l' essence commune ne se confond pas avec
une notion générale et renvoie à la radicalité d'un principe d'être.
Le type féminin ne peut ainsi que
prendre ses distances avec tel standard publicitaire ou tel pattern statistique,
dérivé d'une fréquence de comportement, et visant, sous la pression occulte de
divers pouvoirs, à ériger un modèle préconçu. La femme doit être reliée à son
être original, source de tout acte, de toute conduite, qu'aucun acte, aucune
conduite, aussi répandue qu'elle soit, n'est en mesure de repousser ou de
modifier. Cette vérité sur son identité subsiste en dépit des apparences
susceptibles de la démentir7, comme une potentialité qu'il serait
toujours injuste de nier en chaque femme particulière. L'injustice la plus redoutable
consisterait sans doute à récuser une telle potentialité, en ramenant de force
l'individualité féminine à des identités partielles et trompeuses imposées par
de simples faits, en déclarant parallèlement que tout ce qui n'y correspond
pas présente le symptôme d'une pathologie psycho-sociale. Le sens de l'essence
ou du type féminin, dans un en-deçà du phénomène, comme sens métaphysique (ou
phénoménologiquement axiologique) de justice, dresse donc un obstacle à tout
glissement relativiste dans les zones de surface où viennent se dissoudre les
essences et les fins qu'elles connotent: où la femme n ' existe plus qu' à
travers une image médiatique ou un profIl de sondage et où son ipséité se
réduit à la capacité de s'identifier aux personnages fugitifs et éphémères
qu'on lui fait jouer, dans un univers phénoménal irrémédiablement coupé de tout
ordre des valeurs.
La femme embrassée par la mort
Sous l'emprise des faits, la femme
s'essentialise d'une certaine façon qui l'expose visiblement à un contrôle du
politique, et, plus encore, au pouvoir de la science dans la négation de ses
fins intrinsèques. Il faudra qu' elle se rende utile par la conformité à
un modèle éprouvé dont le fonctionnement réussit. Dans l'être humain, dans la
femme, si enracinée qu' elle soit cependant dans les rythmes organiques d 'une
nature biologique, sera exclue toute dimension sous-jacente aux faits
saisissables, faits répertoriables suivant une taxinomie pratique. Cette
démarche conduira à dénoncer l' essence ou le type que l' on prétend
"éternel" et où l'on a cru discerner un instant un principe de vie
irréductible dans l'intensité et les frémissements de son énergie en acte. De
cette tenace illusion, il conviendra de se débarrasser au plus vite, car elle
détourne d'urgentes nécessités : des modes de pensée établis, que l'expérience
commune ne ratifie pas toujours.
Déjà le
cartésianisme répugnait à distinguer le corps vivant du cadavre et il a préparé
cet esprit de scission qui est responsable de nouvelles lésions de la personne8.
Mais, dans le prolongement lointain de cette ontologie rationaliste, c'est tout
principe de vie, toute conception d'une essence ou d'un type adoptant ce
principe pour référence, que l'objectivisme moderne de la technique en vient à
discréditer. La méfiance et le soupçon sont désormais jetés sur ce qui dépasse
les faits où la vie affleure mais desquels elle peut se retirer aussitôt. La
vie même est condamnée. Et il est aisé de transposer en substituant au mot vie
le terme femme comme expression de la vie en sa force créatrice, en
la puissance d ' amour qu'elle suggère. Elle s'apparentera à ce
"grouillement de possibilités menaçantes contre lesquelles, note Gabriel
Marcel, on ne saurait trop prendre de précautions"9.
S'immuniser contre la vie et contre la tentation d'aller regarder et scruter
son visage: on ne pouvait mieux s'interdire d'entrer dans le champ du féminin
qui ne préfigure pas quelque imprévisible (d'après les préjugés
schopenhauériens), mais annonce tous les renouvellements...
C'est ainsi que la femme est
embrassée par la mort, dans la gravure hollandaise et allemande de la
Renaissance... ou chez Ensor! Mais c'est ce qui pourrait précisément recevoir
une interprétation méconnaissant une féminité essentielle ou typique qui vit
réellement sous les faits. L'amour promis à la mort est un mythe
classique entretenu par la légende des amants de Vérone, de Cornouailles ou de
Teruel; et il signifie un défi lancé à un inaccessible absolu, afin
d'essentialiser en l'hypostasiant ce qui est fragile et vulnérable au relatif.
Or cet amour, symboliquement associé à la femme, peut être atteint par la mort
d'une autre manière : il peut la dissimuler et n'être qu'une mort larvée qui
s'ignore. Et l'on aboutit par ce biais à la pire négation du principe de vie
que représente 1"'éternel" féminin; un éternel qui étreint le néant,
qui recouvre une absence de pensée ; une permanence ou une identité qui
lentement se décompose en s'ouvrant sur le vide aspirant d'un nihil. Voilà
le type féminin n'engendrant qu'amertume et nausée dans l'approche de Sartre
ou de Jean Genêt, et, plus explicitement, avec les accents du désespoir ou
d'une perte du sens de la vie, dans les analyses de Bataille. L'érotisme exalte
dès lors un instinct de mort. Il s'attache à une vie fictive dont seules
existent les structures qu'examine le savant et dont le principe caché n'est
qu'un germe funeste, opérant le déclin et la dissolution. Ce que l'on prend
soin de masquer en invoquant d'autres structures, demeurant abstraites, comme
les structures bio-médicales : celles de la transmission 10. La
continuité sur laquelle repose la transmission implique la naissance de
nouveaux êtres, mais, ce qui n'est pas dit, la mort de ceux qui les ont
précédés... Telle est, à son point extrême, une logique qui inverse celle du
vivant11. Le facteur créatif de la femme, expression du type qui la
caractérise, y est remis en cause jusque dans la maternité. Un jeu gratuit que
permet la disparition des axes de repères ontologiques et qui montre à quel
résultat mène l'engouement des seuls faits de la féminité lorsqu'on les
investit d'exigences métaphysiques longtemps refoulées.
Vocation familiale. Fonctions
conjugale et parentale.
Comme l'être est aussi devoir-être,
appel de son identité à se développer et à s'accomplir, il faut s'interroger
sur ce qui apparaît comme une vocation spécifique de la femme : la famille. Non
que cette vocation soit inéluctable, car d'autres peuvent lui être
éventuellement préférées ; non qu'elle soit exclusive de ces autres vocations,
car elle peut leur servir de médiation commune en les laissant libres de leur
mouvement; non qu'elle soit, enfin, entièrement originale, échue à la femme
seule, car l'homme a la même vocation bien que différemment comprise, et,
pourra-t-on dire à la lumière d'interprétations ultérieures, il vient en
quelque sorte "après" la femme si elle occupe le centre de la
famille, par la force de vie et de renouvellement qu'elle y introduit.
La famille a-t-elle cependant une
essence? Quand on parle de famille, l'on peut tout d'abord désigner l'union
conjugale, avec les relations de parenté qui en sont issues. Autrement dit, on
peut y voir la réalisation du principe de vie incarné par la femme sous la
forme de l'amour. On peut ainsi considérer la famille comme l'actualisation de
l'amour attaché à la femme, à son nom, à son type invariant Et c'est pourquoi, tout naturellement, la
femme est au premier plan de la réalité familiale.
Mais il découle également de ce
point que l'essence de la famille ne saurait être que subordonnée. On imagine
mal en effet qu'elle constitue un élément ontologique ultime dont on peut
partir en vue d'étudier les êtres qui la composent et surtout la femme. C'est
bien plutôt la voie opposée qui est à suivre : partir de la femme pour
regarder la famille comme une essence dérivée dans le prolongement de la
sienne propre. Il ne s'agit donc pas d'une essence ordinaire, exprimant un être
radical, puisque cet être appartient à l'essence des personnes qu'elle
regroupe. Mais elle n'en a pas moins un être et une essence dans le lien
qu'elle établit Essence relationnelle et formelle, qui ne préjuge en
rien des termes qu'elle unit, des personnes, et qui fixe et garantit les
fonctions révélant leur vocation profonde.
Il reste que dans la stricte
perspective du lien conjugal, l'union instaurée prend une dimension
communautaire qui déjoue tout ce que la raison profane pourrait entendre par
là. Cette communauté s'affirme dans l'ordre de l'amour, et élevée à son dernier
degré de signification par le sacrement religieux, elle- peut entraîner la
communion des personnes qui ne font plus qu'un. Et une telle unité, même
si elle respecte l'autonomie de chaque être singulier, est un donné
ontologique en elle-même, qui n'a par ailleurs aucun équivalent dans
l'expérience sociale ; la communauté formée avec les enfants, communauté parentale,
et. A fortiori, celle fondée sur
les rapports consanguins avec d'autres membres de la famille, obéissent à des
schémas distincts. La seule expérience dont elle peut se rapprocher, et dont
elle peut même traduire le mystérieux retentissement. est l'insondable expérience
de la révélation et de l'incarnation du Dieu trine 12.
Mais ce n'est pas la famille perçue
dans cette essence et au titre d'une espèce de personnalité morale, qui est le
sujet ou le siège des droits familiaux, qu'il s'agisse des droits conjugaux,
personnels ou patrimoniaux, ou des droits parentaux. La famille peut sembler
être, il est vrai, un centre de rattachement de ceux-ci. Mais elle n'est pas
maître de leur contenu, ni de leur direction téléologique. C'est eux qui lui
impriment leur orientation, et elle ne leur sert que de cadre pour se
stabiliser et s'épanouir .Leur centre demeure dans la personne de chaque époux,
chacun d'eux ayant, soit les mêmes droits, soit des droits particuliers,
adaptés à son essence : c'est ainsi que la femme doit pouvoir revendiquer le
cas échéant des droits en accord avec sa féminité, au-delà de ce qui lui est
octroyé en vertu d'une égalité tout abstraite et niveleuse avec son mari. À cet
égard, la famille joue un rôle d'intermédiaire. Elle se veut protectrice d'une
substance axiologique qui lui échappe. Elle médiatise les fonctions
correspondant aux droits en appuyant l'action ou le comportement qu'elles
déterminent.
Reconnaître une fonction, c'est
admettre un rapport intersubjectif qui sous-tend le droit comme
"chose juste" ou bien objectif: Si la femme observée dans la
famille possède des droits, ces derniers peuvent se structurer, se répartir et
se hiérarchiser d'après les fonctions qui les expriment en relation avec
autrui: fonctions conjugales, en relation volontairement consentie
avec le conjoint ; fonctions parentales, génératrices d'une deuxième union ou communauté
au sein de la famille, en relation de principe naturelle et organique
avec les enfants.
La famille est
constituée par les relations qui supportent, non les droits proprement dit,
mais leur exercice; relations qui mettent en présence titulaires et
destinataires, voire créanciers et débiteurs.
Mais les droits ne supposent pas
forcément une juridicité sanctionnatrice et patrimoniale en ce qu'ils
consisteraient en un dû exigible, comme les réductions kantiennes de la Doctrine
du droit en offrent l'affligeant spectacle13. Ils peuvent viser
le respect de la personne comme juste absolu, respect moral ne se prêtant à
aucune évaluation, distingué du respect de certains éléments tirés d'une nature
générique. Ils peuvent, aussi bien, quoique séparés de la personne qu'ils
manifestent dans son activité, ne réclamer aucune contrepartie
synallagmatique, dans l'esprit de cette фιλια à laquelle Aristote soumettait le domaine
familial14 ou de cet amour qui l'inspire dans la tradition
chrétienne quand elle ne cesse de rappeler que la personne est à la fois pour
soi (absolue) et pour le don gratuit d'elle-même.
En réalité, c'est en dehors de la
famille, tout en en présumant l'existence, que le droit prendra son maximum de
signification, démembré d'une exigence purement morale. Il assumera, d'une
part. un aspect rétributif et sanctionnateurs15, et, d'autre part.
un aspect vraiment synallagmatique. Si l'on considère alors les fonctions de
la femme en tant que mariée, et, éventuellement, en tant que mère, dans les
rapports qui s'établissent socialement avec des tiers, ses droits doivent se
préciser là encore avec certaines spécificités; mais, surtout, ils s'affirment
sur un plan obligatoire, sur le plan d'authentiques créances, dont elle peut
légitimement imposer la reconnaissance à toute instance socio-politique, et autant
au législateur qu'au juge. Certes, la femme peut souvent intervenir aujourd'hui
de façon impersonnelle pour représenter la famille, comme le ferait, à pouvoir
égal, son mari, qui est en même temps présumé agir à travers elle, qu'elle ait
à prendre des décisions scolaires relatives à un enfant ou à gérer un compte
bancaire... Mais elle peut avoir à entrer en relation avec des tiers de manière
propre et privilégiée, dans le cas de son travail, par exemple. À la différence
de son conjoint, elle pourrait en l'occurrence faire valoir la nécessité d'un
aménagement de son temps de travail, adaptation requise par l'intérêt de l'
éducation de ses enfants.
Dans cette perspective familiale en
quelque sorte extensive, l'on est sorti des rapports internes pour en apprécier
l'incidence sur des rapports extérieurs. Et la question de l'identité de la
femme est toujours de savoir si ses droits et fonctions sont
"justes": i.e. sont le reflet adéquat de ce qu'elle est et de
ce qu'elle doit par conséquent être. Que ses droits et fonctions soient donc en
toute rigueur internes ou externes à la famille, ils posent le même problème
d'une conformité au type féminin susceptible de donner naissance non seulement
à des révisions ou corrections opportunes, mais à des biens nouveaux: à des
droits nouveaux. Or, de même que l'institution familiale ne saurait faire écran
aux droits conjugaux et parentaux que la femme tire de son être essentiel, de
même la société ne saurait occulter le droit de la femme à être accueillie dans
son intégrité personnelle ni détourner ce droit de sa finalité qui s'inscrit
dans le prolongement direct de la famille. Par sa conduite, la femme marque son
dévouement pour le service de la famille et de la société. Ce qui
signifie qu'elle n'est pas, dans sa typicité personnelle, à leur service. C'est
au contraire la famille et la société qui ont à se modeler sur son essence
-comme, analogiquement, la nature doit se plier aux exigences
onto-axiologiques de la personne.
Au cours des dernières décennies,
les transforrnations de la société, liées à l' essor technologique, ont produit
des influences sur la famille. Et les évolutions que la famille a subies par contrecoup
risquent de se répercuter à leur tour sur la définition même des droits de la
femme16. Mais ces droits doivent peut-être s'augmenter d'autres
droits afin d'éviter tout conditionnement social et familial qui pourrait peser
sur eux en défigurant l'image de la personne féminine dont ils sont supposés
être porteurs.
Si l'on remonte, en tout cas, le
courant de l'histoire, une constatation d'évidence frappe vivement l'esprit.
Elle touche à l'origine même des difficultés qui ont surgi à propos du statut
de la femme : c'est la persistance dans les mœurs d'une disparité de traitement
dans les rapports entre l' homme et la femme au sein du mariage. Aussi ces
rapports doivent-ils solliciter avant tout l'attention. D'autant que les autres
rapports, parentaux ou extérieurs et sociaux, s'élaborent, ouvertement ou non,
à leur ressemblance. Ils constituent par là une référence ou un archétype
permanent. La façon dont la femme est perçue dans ses relations avec des tiers
multiples, à tous niveaux de la société globale, paraît imiter ou reproduire la
façon dont son mari lui-même est, pense-t-on, enclin à la considérer.
L'intérêt des évolutions récentes,
et notamment de la tendance de la famille-souche à se réduire à la
famille-couple, est précisément d'accuser une aggravation, parfois même une
exacerbation des situations de tension ou de conflit inter-sexuel entre les
époux et au préjudice de la femme. En avivant un mal irréversiblement ancré
dans les comportements, elles ont toutefois permis d'y apporter remède. Un
remède dont la formule juridique a été l'égalité de contenu des
fonctions ou des rôles entre les sexes. Mais la solution, d'ailleurs reçue
dans des conditions variables et contrastées, est toujours compromise par des
adaptations et des interprétations où l'on ne peut voir que l'effet d'une
cause délicate à extirper, celle-là même que la tradition théologique impute à
notre déchéance consécutive au péché d'origine. De plus, l'égalité retenue
souffre d'une généricité abstraite et repose sur la prédominance latente
qu'elle voulait écarter; elle appelle ainsi un dépassement et une ouverture à
la différence, ce qui oblige à reconnaître la personne individuelle,
son type, son essence, derrière une nature d'humanité commune.
Mais, dans l'ordre de la réflexion, c'est l'enseignement de
l'histoire des sociétés et des civilisations qui est à examiner en premier, en
montrant quelles réactions il a pu entraîner, quelles contestations il a pu
soulever et à quels renversements inattendus il a pu conduire, avant les crises
contemporaines qui ont provoqué ici ou là des modifications de statut en faveur
d'une imparfaite égalité.
La femme humiliée. Thématique de
l'infériorité.
Le juste requiert apparemment
l'égalité de la femme et de l'homme. Encore faut-il admettre que la femme,
dans son hypothétique identité substantielle, soit semblable à l'homme. Or, les
tendances culturelles les mieux établies favorisent historiquement l'état
d'infériorité où les mœurs l'ont placée. Si bien qu'il a pu paraître juste de
la maintenir au contraire dans cet état, ce dont l'Orient peut-être plus que
l'Occident a fait une vérité inébranlable et un objet de croyance intangible.
De cette idéologie largement
dominante, qui se présente comme naturelle, mais qui cache sa genèse coutumière
et volontaire, on peut saisir les meilleures expressions, demeurées tristement
célèbres, chez les penseurs allemands du XIXème siècle. Leur attitude
discriminatoire à l'égard de la femme n'a généralement d'égal que leur
ethnocentrisme et leur intolérance en matière raciale ; mentalités qui se
retrouvent aussi dans la France de la Révolution et du Premier Empire. Si la
femme prétend dès lors être victime d'une injustice, c'est dans la mesure où
elle s'aveugle sur sa propre réalité et ne perçoit pas qu'elle est
intrinsèquement génératrice de toute injustice. Peut-être est-ce une
réminiscence d'Ève erronément conçue comme auteur exclusif du péché...
"L'injustice (Ungerechtigkeit) est le vice fondamental de la nature
féminine", assure Schopenhauer17, après tant d'autres. La femme
est en effet portée à compenser sa faiblesse congénitale et à se protéger, en
usant de moyens nécessairement déloyaux, qui mentent sur ses dispositions
véritables. Elle a ainsi sans cesse recours à la feinte, l'injustice la plus
caractérisée dans les rapports avec autrui; et le paradoxe est que la
mystification ou la tromperie lui semblent être spontanément le juste pour
elle : elle s'y adonne, elle les emploie "comme son droit" (als
seine Recht)18. D'où l'absurdité de vouloir la libérer de
la sujétion qui lui est imposée et qui la soumet à l'autorité toute puissante
du mari. Dans l'incapacité de se suffire, à défaut donc d'une force qui lui
ferait fuir les expédients injustes du mensonge, elle se précipitera sous la
domination de nouveaux maîtres19, et l'on doit penser que c'est eux
qui commettront l'injustice à sa place, ne serait-ce qu'en la soustrayant à son
mari... Mais Nietzsche va encore plus loin dans cette critique qu'il prolonge.
D'un côté, il reproche sa dévirilisation à l'homme qui aurait l'ambition
d'affranchir la femme de sa servitude méritée et il estime que de tels projets
trahissent une anémie profonde des instincts naturels qui ne peut d'ailleurs
susciter que le mépris des "vraies" femmes (dont l'instinct
spécifique est demeuré intact). D'un autre côté, il montre que la femme ne peut
pas assumer des droits égaux à ceux de l'homme qui, finalement, ne possède de
supériorité sur elle qu'a fin de la préserver. Car si la femme obtient des
droits égaux, conformément à des revendications où Nietzsche décèle, à son
époque, "un signe infaillible de la platitude d'esprit"... des
"crétins mâles"20, elle est très vite portée, sans bien
s'en rendre compte, à tomber dans un nouveau type de servitude, une servitude
plus grave et plus douloureuse, puisqu'elle affrontera la dureté des tiers ou,
pire, l'hégémonie d'un système impersonnel, en l'absence des protections
maritales ; telle sera la "femme commis" avec son illusion
d'indépendance, dans la société industrielle21.
La véhémence, la violence de tels
auteurs laisse confondu l'esprit moderne. Mais c'est moins le sens de mises en
garde susceptibles de revêtir une dimension prophétique, que leurs présupposés,
qui heurtent la conscience. Les nouvelles servitudes que la femme risque à
nouveau de subir sont dénoncées avec une lucidité que les événements de ce
siècle permettent de vérifier. L'émancipation offerte à la femme n'a souvent
été qu'une occasion d'exercer un contrôle sur elle, et cette émancipation a été
d'emblée faussée par le fait que l'on a aligné son statut sur celui qui était
accordé à l'homme, sans lui en reconnaître un adapté à son essence.
Puis, l'aliénation la plus subtile,
au développement de laquelle le technicisme a contribué, a bien été celle
d'une opinion manipulée à travers la dictature des medias. Les prétentions
de la femme ont été récupérées et ont servi à l'attirer à l'intérieur d'univers
fictifs où les authentiques fonctions de responsabilité lui sont refusées
tandis qu'elle croit s'être rendue libre et qu'elle adore sans le savoir le
Veau d'Or ou le Grand Fétiche de l'idéologie dont elle est l'alibi22.
L'intuition nietzschéenne atteint de manière fulgurante les faux semblants de
ce destin tragique, plus net il est vrai en certaines sociétés que dans
d'autres où ne subsiste guère de traces de ces ascensions trompeuses.
Mais la clairvoyance n'enlève rien
à l'injustifIable : l'idée que la femme est constitutivement inférieure à
l'homme. Or cette idée est à l'arrière-plan des jugements critiques que l'on
vient de relever. Elle les inspire, elles les oriente. Et elle colore
singulièrement tout ce qui se rapporte à la femme en le rabaissant; elle
l'affecte d'une sorte d'indice négatif. Anthropologiquement, la femme est
ramenée à l'individualité empirique et sensible, vouée à la
"passivité" (dont cependant Auguste Comte a indiqué les vertus)23.
C'est dire qu'elle incarne seulement les puissances d'une nature physique,
abandonnant à l'homme le pouvoir moral de l'intellect. C'est reconnaître
qu'elle ne s'élève pas à la personne, ici rationnellement comprise, et qu'elle
n'est traversée que par le vouloir-vivre de l'espèce. Les élans qui puisent à
cette source détournent de la vérité s'ils osent s'adresser à la personne.
L'amour n'est ainsi qu'une manifestation de l'espèce précipitant les sexes l'un
vers l'autre. L'érotique n'est que du génésique, selon Schopenhauer. Et
Nietzsche de renchérir en affirmant qu'il crée l'illusion d'une profondeur de
la femme, illusion de sa personnalité24. Mais dans l'ensemble, ces
interprétations procèdent de schémas idéalistes inavoués, suivant lesquels la
personnalité de l'homme est tout autant offensée que celle de la femme, car la
personne y est confondue avec la nature, son acte d'être y est absorbé dans le
concept25. En témoigne déjà la version humanisante que Feuerbach
propose de la relation de l'homme à la nature : il ne s'agit que d'un rapport
de l'homme à l'homme, en tant qu'entité abstraite, en tant que genre ; et
la première expression d'un tel rapport correspond au phénomène de l'amour qui
n'est que l'attrait d'une sous-détermination abstraite (masculine) par une
autre (féminine)26. Le génésique est par là enfermé dans le générique,
et la rencontre des sexes n'évoque rien de plus que ces danses nuptiales
qu'observe le zoologue.
L'injustifiable, la maxima
iniuria à l'égard de la femme paraît patente. Mais elle doit ressortir dans
tout son relief d'une révision des arguments qui se rattachent implicitement à
cette approche naturaliste et dépréciatrice. L'injustifiable n'est pas en effet
tout à fait l'inexplicable, et diverses raisons, qui trahiront
rapidement leurs limites, semblent corroborer l'infériorité de la femme.
Première raison : la formation
tardive de l'identité sexuelle, la différenciation des sexes appartenant à un
strict processus naturel et non personnel. Ce qui confirmerait la possibilité
de réduire l'existence de la femme au mode de vie physique que l'opinion lui
assigne, en la bornant à l'activité de reproduction et à la maternité. Ce qui
s'accompagnerait en même temps d'une dévaluation de sa fonction sexuelle,
purement naturelle, par rapport à l'homme, et incapable de se régler et de se
maîtriser, d'où sa fréquente insuffisance ou atrophie. L 'homme jouirait en ce
sens de facultés supérieures, à travers le contrôle cortical qu'il peut exercer
27.
De telles faiblesses seraient à l'
origine de tous les comportements qui visent à traiter la femme comme un objet,
à défaut de pouvoir discerner en elle une fin au moins égale à celle de
l'homme. Cette objectivation révèlerait en permanence la subordination de la
femme qui perdrait le statut de fin parce c'est son être, sa nature qui le
commande ainsi. Des sublimations dionysiaques aux prostitutions sacrées28,
des projections libidineuses et troubles du voyeurisme littéraire29,
aux formes devenues usuelles de l'instrumentalisation publicitaire30,
l'image dégradée de la femme procurerait le reflet de l'infériorité à laquelle
son destin a depuis toujours été lié.
Une seconde raison serait métaphysique
et théologique. n est paradoxal d'observer que beaucoup d'attitudes
"féministes" de notre époque se sont fondées sur une conception
métaphysique latente de la féminité qui accrédite indirectement les thèses
d'une domination masculine. C'est en ramenant l'humanité à la naturalité,
coupée de toute dimension ontologique personnaliste, que l'on s'enfonce dans
une définition empreinte de généricité abstraite et que l'on en vient à faire
dépendre la détermination d'un sexe d'éléments extérieurs à l'humanité
elle-même. Quand Simone de Beauvoir proclame que 1"'on ne naît pas
femme" mais qu"'on le devient"31, ce propos n'est pas
si affranchi qu'il paraît l'être de l'esprit feuerbachien et schopenhauérien.
Il signifie certes la toute puissance créatrice d'une liberté qui peut se
soustraire à des rôles imposés par une culture et qui passent pour donné
essentiel ou de nature. Mais en niant la spécificité, c'est la personnalité
individuelle que l'on rejette, dans son enracinement en un acte d'être ou d'exister,
et c'est à un nouvel essentialisme coulé dans des normes fixes, immuables et
uniformes (et empruntées à la masculinité) que l'on prépare. Car "devenir
personne" est caractéristique de l'épanouissement, de l'accomplissement
d'un genre rationnel et, à la limite, de la fonction qu'une
autorité politique ou une production économique a dévolue32.
Mais théologiquement, enfin,
l'interprétation de l'essence de la femme, ou d'Ève, tirée de la "côte d'
Adam", prête parfois à malentendu dans quelques doctrines historiques
ayant opéré de singulières déformations du sens des Écritures, en
référence cependant à un état des mœurs marqué par l'hégémonie masculine et à
des connaissances scientifiques et biologiques peu sûres que les découvertes
postérieures ont ébranlées. Francesco D'Agostino s'est ainsi attaché à montrer
les limites des théories augustinienne et thomiste concernant la femme, égale à
l'homme dans l'ordre de la Grâce mais inférieure à lui dans l'ordre de
la nature33. Ce qui ne va d'ailleurs pas sans contradiction
avec ce que ces auteurs pensent de la personne comme exprimée dans la nature
dont elle actualise les potentialités et à l'intérieur de laquelle elle est
présente34.
De manière plus logique, qui s '
accorde avec les présupposés nominalistes de son anthropologie, la femme
apparaît chez Luther comme ne réalisant que des fonctions biologiques,
corporelles. Et ces fonctions l' absorbent à tel point que toute l'énergie de
son être risque de s'y épuiser selon l'évolution voulue par la nature : il est vain
de le déplorer et de compatir à ses souffrances35. Mais, comme
telle, elle offre à l'homme 1"'aide" (bibliquement parlant) et le
repos dont il a besoin, puisqu'elle symbolise une complicité avec les forces
physiques qu'elle épargne à l'homme d'avoir à dominer (lui qui domine simplement
sur elle), puisqu'elle lui évite tout autant ces tâches domestiques où elle
excelle, lui créant le foyer, le "nid", la "maison"
nécessaire à son bien-être36. Une métaphore qui rejoint, dans la
profondeur de l'inconscient collectif, l'association de l'habitat et du lieu de
naissance37, par une sorte de retour à la figure archaïque de la Terra
Mater... On ne saurait nullement ici contester la beauté de ces
comparaisons, ni, a fortiori, exclure les qualités qu'elles supposent,
recouvrant celles que l'on prête à la sexualité et à la matemité38.
Mais l'exploitation qui en est faite participe au même but: démarquer la femme
de l'homme en accusant toutes les faiblesses (utiles à l'élévation du mâle) qui
trahissent son rang inférieur dans la nature. Injuste est dès lors le sort de
la femme. Mais d'une injustice à laquelle la nature et non l 'homme la condamne, et en réparation de la
faute cachée dont elle est la honteuse responsable.
Ces raisons ne sont guère solides,
et elles ne peuvent valoir comme justification de l'injustice qui frappe la
femme. Mais ne seront pas davantage pertinentes les raisons qui tenteront de
fonder à l'opposé une infériorité de l'homme et donc un renversement de la
situation d'injustice à son détriment Elles contribueront uniquement à modérer
ce que la première tendance avait d'excessif, en portant un jugement aussi
négatif sur des aspects de la femme témoignant de sa spécificité, car cette
spécificité ne saurait être interprétée comme un signe de dépendance ou comme
une infirmité.
Pitié pour les hommes! Vers une
gynécocratie.
En investissant au contraire la
femme de la force que l'on retire à l'homme, et en dévoilant certaines
carences chez celui-ci, on peut reprendre la formule provocatrice de l'auteur
des Jeunes filles 39 et en inverser le sens.
Nombreuses sont les données qui ont
pu être regroupées afin de rehausser le prestige de la femme en altérant celui
attribué indûment à l'homme, et en modifIant le schéma dans lequel s'engage la
réflexion sur le juste.
Données bio-génétiques d'abord. La
différenciation sexuelle n'est-elle pas originaire? Ne remonte-t-elle pas à la
fécondation, à la rencontre des chromosomes qui forme l'embryon 40?
S'il en est ainsi, les caractéristiques du sexe sont antérieures à la nature
elle-même et contemporaines, comme nous y avons insisté à propos de la
fertilisation in vitro41, de la formation de la personne
humaine, personne confondue avec le principe informatif, porteur du message
génétique, tel qu'il est incorporé dans une individualité nouvelle.
La réalité de la femme déborde donc
celle de la nature et elle est personnelle comme celle de l'homme. On pourrait
même aller jusqu'à reconnaître à la femme une double supériorité sur l'autre
sexe. Les civilisations indo-européennes désignent l'homme spontanément comme
le "reproducteur"42, elles ne voient en lui qu'une
fonction naturelle et biologique, ce qui le plonge dans un état où il croyait
pouvoir placer seulement la femme. Or, même dans cette fonction, la disposition
manifestée par sa structure XY semble révéler au moins un trait
d'incomplétude ; première relativisation de la puissance dont on imagine
l'homme doté, face à la structure apparemment plus riche de la femme XX43.
En outre, si, génétiquement, le sexe est déterminé dès le début, morphologiquement
il ne se précise qu'au bout de cinq à six semaines: tout embryon demeure
par conséquent femelle en attendant44.
À cette démonstration, l'on ajoute
des données psychanalytiques. Dans l'activité sexuelle elle-même, la femme
aurait exactement le même contrôle cortical que l'homme dont la prédominance
cesserait dans la production de l'orgasme ; ce qui détruirait non seulement la
croyance qu'il y a un déséquilibre de maturation affective et sensible entre
l'homme et la femme, mais aussi certaines illusions qui ont cours sur le
phénomène de la frigidité féminine dont l'inconsistance scientifique paraît
avérée45. Dans le même mouvement, on allègue encore la bipolarité
fondamentale du type psychologique humain tel que Jung l'a présentée à travers
la subtile distinction des représentations féminines (anima) et
masculines (animus)46. La dualité sexuelle génétique
affleurerait au plan de l'inconscient, et y correspondrait à deux références
hiérarchisées en fonction du sexe dominant, chaque sexe se donnant
secondairement une référence inconsciente à son opposé.
Certes, voilà qui ne conduit à rien
d'autre qu'à affirmer deux parts égales, et non, comme pourraient y porter les
données strictement bio-génétiques, à un renversement du rapport des sexes au
profit de la femme pour attester de ses qualités plus hautes.
Mais l'on est proche d'une telle
version si l'on fait appel cette fois aux constantes d'une perception
esthético-littéraire de la féminité. La femme y est fréquemment, en effet, la
source d'un pouvoir qui subjugue l'homme: c'est l'irrésistible attrait de la
Lorelei ou de Circé. Cet effet séducteur ne serait, selon Kierkegaard47,
que la contrepartie d'une angoisse facteur d'irresponsabilité et dissimulant
la crainte de l'homme ; de sorte que, pour se défendre d'une injustice
potentielle, la femme fait subir à 1 'homme l'injustice de le dominer et de
lui imposer sa volonté. Mais l'on mesure très vite la gratuité de cet argument
Le contraire peut être soutenu aussi bien: éveillée à elle-même, la femme
manifeste la certitude de sa puissance rayonnante. Et c'est à l'homme qu'elle
peut retourner le grief qu'il lui adresse afin de ne pas s'avouer vaincu. Ne
lui reprochera-t-elle pas sans cesse précisément sa faiblesse et son
irresponsabilité48? Et ne pourra-t-elle pas faire admettre qu'il s'acharne
à refouler les témoignages vivants de cette force émanée d'elle, et qu'il
essaye de déjouer les prétentions à l'égalité juridique et politique qu'il
pressent et qu'il redoute, en la chargeant, par "transfert", de ses
propres défauts?
La force féminine est par là suspecte de provoquer chez
l'homme un système de défense où la mauvaise foi de la ruse triomphe de
l'impression d'être écrasé. L'homme se persuade d'être le plus habile et il
déploie ses calculs pour diriger et soumettre des mouvements qu'il s'évertue à
regarder comme l'expression d'une faiblesse exposant à la compassion, alors que
c'est à lui d'être l'objet et non le sujet de ce sentiment À la vérité, la
prépondérance de la femme serait le vestige du pouvoir qu'elle aurait détenu
aux temps préhistoriques, comme l'a exposé Bachofen49. La mémoire
atavique et les traditions mythiques garderaient obscurément le souvenir d'une
réelle gynécocratie à travers les symboles dont la littérature épique,
notamment, fait grand usage, de la Crète minoenne ou de la Grèce homérique à
l'Inde des Upanishad50. Et c'est afin de réfréner les
tendances expansives et l'ardeur insatiable de cette énergie de la femme que
l'homme aurait établi divers moyens de coercition en vue de son
assujettissement, lui enlevant la liberté sexuelle du choix de ses partenaires
successifs, lui retirant les facultés de gouverner la maison et la famille
(flottante à son gré) et, surtout, de régner sur la vie de la cités51.
L'assujettissement dont la condition d'infériorité actuelle de la femme dans
les mœurs maintiendrait les liens, serait donc volontaire et culturel, et il ne
serait nullement la conséquence d'une disparité constitutive des sexes en
faveur de l'homme. Mais l'on s'empresserait souvent d'affirmer l'inverse pour
prévenir au fond des revendications féminines qui seraient susceptibles
d'êtres étayées sur ces inquiétantes références à un passé de domination sur
l'homme. C'est pourquoi l'on décrirait la femme de l'Antiquité classique,
l'Athénienne par exemple, en projetant sur elle les grilles de la situation
d'aujourd'hui52; et c'est pourquoi l'on s'efforcerait de présenter
de la femme médiévale des cours d'amour et des romans chevaleresques une image édulcorée,
masquant des réalités plus crues, convenant peu à la sensibilité moderne53.
D'où une certaine inclination de la femme, poussée par des instincts dont elle
ignore le tréfonds secret, à retrouver finalement le pouvoir, les facultés
multiformes que l'histoire lui a retirées en la plongeant dans un état
subalterne.
Elle nourrit ainsi une velléité
constante à prendre sa revanche sur les déchéances subies du fait d'un homme
jaloux. C'est à lui que l'on tente d'ailleurs de l'opposer sur la scène de prédilection
du théâtre, quand elle affiche un rôle majeur selon des répertoires variés, où
la justice emprunte tantôt le visage du comique (satire aristophanienne de Lysistrata),
tantôt celui d'une idéologie abstraite (incantations brechtiennes de Mutter
Courage und ihre Kinder...). Une telle attitude sera cependant interprétée
comme la marque d'une authentique composante virile de la femme par rapport à
l'homme dont elle semble vouloir imiter et reproduire le comportement ; et cet
élément de 1"'essence féminine", que définit Helen Deutsch54,
montre au moins que la femme partage avec l'homme une structure mentale
identique, dans l'esprit de la bipolarité décelée par Jung.
Mais sans aller aussi loin que la thèse
d'une gynécocratie primitive le souhaiterait, on ne peut nier le phénomène,
curieusement tenu dans l'ombre, de fonctions exercées par la femme de manière
sans conteste dominante, et parfois exclusive, que ce soit à l'intérieur de la
famille, conjugale et parentale, ou à l'extérieur. Fonctions qui paraissent
traduire des droits consacrés par l'usage et entourés de reconnaissance
sociale, mais que les changements politiques de la modernité ne permettent pas
d'admettre tels quels, car les bases sur lesquelles ces derniers prétendent
s'être réalisés chancellent aussitôt Les changements opérés supportent mal en
effet le renvoi à un antérieur nécessairement considéré comme mauvais;
ils réclament alors, assez naïvement, une distinction primaire entre le passé
et le présent, qui rattache celui-ci à une influence bénéfique imputable au
changement lui-même, et qui cesse de situer ce présent dans la continuité de
ce sans quoi il ne serait pas de toute façon ce qu'il est. Les ruptures
artificielles introduites dans la vision de l'histoire, où l'on immerge la
nature de l'homme, excluent l'objectivité dans l'interprétation scientifique.
Et il importe de prendre quelque recul afin de se soustraire aux
conditionnements que le politique risque de faire peser sur le sens de la
vérité en toute enquête au sujet de la femme.
Pourrait déjà être révélateur dans
cette optique le recours à un matronyme plus qu'à un patronyme à une période
ancienne et en certaines régions, dont les vallées pyrénéennes55.
Cet usage montre suffisamment que la famille largement comprise repose sur la
femme. Parallèlement, les attributions domestiques et économiques de la femme
ont pu être des plus étendues, et le droit a pu leur servir de cadre et
d'appui.
La gestion des deniers par
exemple, la maîtrise des capitaux, a pu être traditionnellement échue à la
femme. Son rôle à propos de l'argent du foyer est depuis longtemps prétexte à
l'imagination littéraires56. Les pouvoirs féminins ont pu également
se tourner vers l'ordre social, administratif et politique, avant même les époques
"éclairées" où l'on a prétendu avoir affranchi la femme de sa
sujétion. C'est ainsi qu'elle a pu jouir d'une position privilégiée au
Moyen-Age57. Par contre, elle a subi un net déclin de ses
prérogatives dès le commencement des Lumières et, tout particulièrement, au
moment de la Révolution et dans le Code Napoléon58.
Il est cependant un domaine dans
lequel la présence de la femme paraît discrète: celui de la justice. Pourtant
elle en est le symbole, pourvue de la balance et de l'épée59. Signe
de la puissance médiatrice qu'on lui confère et de la référence absolue qu'elle
incarne. Ce qui se rattache à l'idée, examinée plus bas, d'une capacité
régénératrice de la femme, associée au principe de vie dans son incessant
renouvellement, et inspirée, suivant la théologie chrétienne, par l'intuition
du divin auquel elle est élevée par un mystérieux choix... Mais elle n'a jamais
participé au fonctionnement même de la justice dont elle semble habituellement
éloignée. D'où l'intérêt qu'elle suscite quand on observe que sa collaboration
est plus aisément permise et qu'elle tend à. se développer à l'inverse de la
collaboration masculine60. On prête toutefois un ascendant occulte
à la femme sur ce plan. On l'a certes confinée souvent aux rôles de courtisane
ou d'égérie pouvant soudoyer les juges et faisant ou défaisant les souverains
et les républiques. Mais, plus noblement, elle est celle dont on pense, non
seulement qu'elle recueille les confidences de l 'homme agissant, mais qu'elle
infléchit ou détermine le cours de l'action à laquelle cet homme la fait
coopérer. La superstition coutumière des "épingles" (gratifications)
offertes à l'épouse d'un fonctionnaire. et le cas échéant d'un magistrat, pour
obtenir d'elle quelque faveur d'influence, traduit bien cela61. Et
si l'on regarde la statuaire égyptienne de l'Ancien Empire, il n'est aucun
personnage important, du pharaon au scribe, qui ne soit représenté avec son
épouse, proche et complice.
Féminité et terreur. Le mythe de
l'Empuse.
Si elle ne possède pas de réelle
supériorité sur l'homme, la femme peut du moins se prévaloir d'indiscutables
puissances qui le laissent dans un état de passivité consentie, et même
fascinée. Mais elle peut aussi l'amener à être une victime. Non qu'elle agisse
alors au nom d'une justice châtiment, comme les sinistres harpies, ou d'une
justice qui s'accommode des intérêts égoïstes, comme Clytemnestre assoiffée de
vengeance et de pouvoir... Elle attirera uniquement pour détruire. Et c'est là
l'un des plus vieux mythes exploitant le thème gynécocratique. La femme est
ici l'auteur d'une violence imperceptible qui anéantit l'homme dans son
mouvement visant à l'atteindre. Il peut découvrir brusquement en celle qui l'a
ensorcelé ce que le jeune philosophe qu'évoque Philostrate, dans le récit
d'Apollonius de Tyane, voit soudain surgir avec effroi du corps de sa fiancée:
une "empuse", un monstre qui va le dévorer62. L'amour de
la femme conduit ainsi à la mort, comme dans la goyesque ballade: El Amor y
la Muerte! La mort cesse de signifier le néant de l'essence que l'on croit
saisir, car cette essence se manifeste bel et bien en sa profusion de vie. La
mort montre simplement que la puissance exercée a une fin précise:
l'accomplissement d'un être au prix cruel de la vie de l'autre qu'il sacrifie à
l'avidité de son plaisir. Tel pourrait être le point extrême, culminant, d'un
pouvoir supérieur de la femme en ce qu'il comporte d'injustice, par la rupture
qu'il entraîne dans le rapport complémentaire et harmonieux avec l'homme. La
légende de la femme qui provoque la mort révèle la vérité de cette injustice en
en forçant les conséquences. Mais elle exprime également l'idée que l'homme qui
orchestre tous les moyens d'assujettissement et d'humiliation de la femme et
qui prétend, d'autre part, recevoir d'elle les douceurs de l'amour , s'expose à
la sévère punition de son instinct d'accaparement envieux.
Plus que jamais significative est
l'illustration esthétique de ce type féminin. Il ne vise pas la femme qui cède
à ses passions et dont la conduite peut être source de désastres et
d'injustices pour son mari ou pour les tiers, qu'elle les ait ou non voulus
dans des instants d'égarement (Madame Bovary, Anna Karénine, Thérèse
Desqueyroux...). Le visage de la femme "fatale" est très différent Il
ressemble à celui des "diaboliques" aurévillyennes ou des
"sataniques"... "indolentes" baudelairiennes63...
Telles sont déjà les Salomé des Herodiades de Cranach, du Titien,
d'Andreas del Sarto, de Mathias Grünewald64... ou des musiques de R. Strauss
ou de Pl. Schmitt. Et la littérature, effectivement, abonde d'exemples
d'envoûtantes et ténébreuses Moïra65, comme la Carmen de Mérimée, la
Béatrix de Balzac66, ou l'Hécate de Jouve...
Précédemment, le tableau de la
gynécocratie présentait un aspect d'idyllique innocence: l'homme fIlait la
laine, pendant que la femme poussait la charrue et abattait les arbres67
.Mais voici que l'homme meurt aux pieds du bourreau féminin qui lui fait expier
son orgueil. C'est sans doute la leçon dont toutes ces figures d'anges noirs
sont porteuses. L'injustice est consommée à son degré le plus élevé, à travers
le déséquilibre maximum qui peut s'établir entre l'homme et la femme. Mais ce
renversement d'équilibre apparaît en proportion inverse de celui qu'implique, au
détriment de la femme, une androcratie somme toute mieux connue pour sapleonexia
ou ses tendances à l'excès.
***
Au-delà de ces modèles désignant
successivement une domination abusive de l'homme ou de la femme, il convient
donc de rechercher l'exigence du juste à partir de laquelle on peut espérer
parvenir à un véritable équilibre. Mais cet équilibre idéal est double. Il ne
saurait être seulement conçu comme une relation d'égalité ou de réciprocité quasi-synallagmatique,
d'ailleurs à nuancer, entre les deux sexes, dans l'union créatrice de la
famille. Car cette dimension intersubjective est seconde et dépend d'une autre
dimension plus profonde: celle de l'essence elle-même. Dans l'être humain, la
notion de personne sous-jacente à la nature impose le sens d'un irréductible et
incommunicable principe d'être qui est principe d'acte et de vie; et c'est en
considérant dans son prolongement la nature que l'on perçoit la relationnalité
qui lui est inhérente comme caractère médiat et superposé68. La
nécessité d'un premier équilibre se comprend dès lors, dans la mesure où il
conditionne les liens de l'homme et de la femme. C'est un équilibre de
contenu, distinct de celui qui recouvre ces liens et qui n'est qu'un équilibre
de la forme destiné à le protéger et à le garantir de manière égale. Ce
premier équilibre consiste ainsi en une rigoureuse adéquation entre l'essence
ou le type de chaque sexe, dans son dynamisme ou son énergie orientée, et les
rôles ou fonctions qui sont censés en constituer la réalisation, la Wirklichkeit
au sens de perfection concrète et effective d'un acte. D'où la question
posée au sujet de la femme. Du point de vue de la justice, il s'agit moins de
s'interroger tout d'abord sur une équivalence, demeurant abstraite, avec son
mari, que de se demander, indépendamment de son mari qui a sa personne propre,
quel est l'équilibre ou quelle est l'adéquation à respecter entre l'état de
la femme dans la famille et ce à quoi tend précisément son essence ou son
type, en tant que personne, et à travers les modalités d'existence que la personne
reçoit de la nature. Ce qui est juste pour la femme se situe d'emblée dans
cette correspondance avant que l'on ne se tourne vers son conjoint. Et ici
l'on doit se méfier de ce qui pourrait être attribué à la femme sous couvert
d'égalité et proviendrait de l'analyse d'une seule essence, l'essence masculine
servant d'étalon commun.
Dans l'ordre des fins, la femme
doit être supposée agir d'emblée pour elle-même et non pour la famille, et non
pour les composantes humaines de celle-ci : conjoint et enfants. En effet, elle
existe immédiatement en tant que personne, et la famille est une fin formelle
soumise à cette fin personnelle qui en fixe en même temps le contenu. Mais
"pour elle-même" n'a aucune portée égoïste, et si revenir à la
personne permet de retrouver la justice, c'est parce que la personne est
archétypique et complète69, et c'est parce que toute
forme de justice ne vaut qu'à partir de sa reconnaissance intégrale. "Pour
elle-même", radicalement entendu, pourra contenir un appel du "pour
l'autre" dans le registre le plus pur du don, anticipant sur un registre
naturel où ne règne que l'échange qui en est une traduction limitée.
Le retour incessant au type personnel
marque un souci de vérité et oblige à la critique permanente des approches
partielles ou erronées. Si l'on se prive de cet axe en quelque sorte vertical
(et reflet d'une transcendance où le concept même de personne prend théologiquement
son sens), l'on est amené à l'injustice vis-à-vis de la femme. Croyant dépasser
l'injustice d'une inégalité ancienne, l'on retombe dans une injustice nouvelle
qui réside dans l'attribution de fonctions extrinsèques à son essence. Il faut
s'abstenir surtout d'émettre des jugements ou de tirer des conclusions
affectant le domaine de la justice en se référant à des données extérieures à
la femme: en ayant a priori égard à sa famille, à son conjoint, ou à la
société... À un plan strictement phénoménal, on est par exemple incapable de
saisir le "pour soi" autrement que dans un but empirique et égoïste;
le personnel est réduit au naturel. Ainsi, que la femme ait un pouvoir de
séduction qui s'exerce sur l'homme et qu'elle use de moyens destinés à lui
plaire aboutit chez elle à des attitudes susceptibles de se corrompre sous
l'effet d'objectivations publicitaires et de schémas d'imitation ou de
concurrence avec le modèle masculin; mais laisser supposer qu'elle ne plaît
qu'afin de plaire à l'homme, dans la visée de cette aspiration à conquérir le
pouvoir qu'il détient, c'est nier que la séduction puisse exprimer un être
essentiel, c'est la faire dépendre d'un conditionnement, et c'est, par une
sorte de moralisme déplacé et intransigeant qui s'ignore, refuser à la femme
le droit fondamental d'exister.
Femme personne et justice
originelle
Tout l'effort de la réflexion doit
donc porter sur cette simple affirmation : la femme est une personne.
Affirmation qui requiert d'être explicitée métaphysiquement, avant de dévoiler
ses conséquences axiologiques et son .incidence sur la justice. Affirmation qui
contraint cependant à accueillir en préliminaire l'éclairage de la théologie de
la création.
Bien des interprétations sont à
réviser, qui se sont fondées sur des données bio-génétiques et
psycho-anthropologiques périmées71 pour développer des thèses
beaucoup plus en accord avec une définition de la nature qu'avec un réel sens
de la personne pourtant véhiculé par les Écritures et conforme à
l' enseignement classique sur la nature humaine comme expression du principe de
vie personnel.
Si la femme est personne, c'est en
tant que créature. Et cela signifie que son être est conçu, comme celui
de l'homme, à la ressemblance de Dieu, et qu'il est autonome, ayant le dominium
sui actus : la maîtrise de l'ensemble de ses actes, le pouvoir d'en décider72.
Du même coup, en rejoignant les données nouvelles de la bio-génétique rappelées
plus haut, la différenciation sexuelle appartient bien à la réalité
personnelle. Elle ne saurait se présenter comme un accident survenu dans les
modifications progressives de la nature. Eloigné d'ailleurs de la tradition de
l'Eglise, l'enseignement transmis par Aristote à saint Thomas est sur ce point
désuet73. Il en va ainsi, car la sexualité est déterminée par le
principe informatif lui-même au moment de la fécondation; or ce principe et la
personne ne font qu'un74. La fonction sexuelle s'enracine dans la
personne et en marque un puissant accomplissement, mais la personne la déborde
et s'ouvre à d'autres vocations, à travers d'autres fonctions. La femme peut
trouver l'une des meilleures réalisations de son identité dans l'exercice d'une
telle fonction, liée à sa spécificité d'être sexué féminin, mais son
identité n'en est pas moins d'un contenu supérieur et elle échappe à la
limitation que la fonction sexuelle pourrait lui imposer. Ce raisonnement
s'applique à t'union conjugale. Mais on peut le reproduire à propos de la
fonction maternelle, ancrée dans la personne75, dans son incidence
sur la famille parentale. La maternité et la génération d'enfants ne sont pas
davantage une fatalité de l'essence féminine, même si la femme découvre en
elles un parfait épanouissement, qui est généralement le plus répandu. Aussi
peut-elle s'engager dans d'autres voies que celles de la procréation, en
conservant les qualités attachées à son être propre dans sa force de vie et
dans sa différence.
La différence : là est le terme clé
qui procure l'accès à l'exigence d'un juste au féminin. La femme est
dès le commencement personne, et comme personne elle est le différent.
Elle est certes imago dei à l'instar de l'homme. Mais, comparée à
l'homme, elle est le différent. Pour la confronter à l'homme, il faut la
saisir au moment même de sa création, dans sa structure personnelle, en
faisant abstraction de tout ce qui exprime cette personnalité mais ne saurait
l'absorber, la fécondité par exemple. La recevant ainsi, elle parait identique
à l'homme, elle s'impose dans une parité totale avec lui ; mais elle ne se
trouve dès lors en situation d'être semblable à lui que par analogie. Car
l'égalité n'est qu'une forme garantissant le contenu qu'elle reçoit de
l'extérieur et qu'elle vise à respecter dans sa singularité. L'égalité est
celle du déploiement de chaque personne prise dans son irremplaçable
individualité en se soumettant à des conditions égales.
Le vocabulaire de la Genèse est instructif sur ces
aspects d'une égalité originelle qui détermine la valeur de justice. Ève est
posée comme "t'autre moi": l'expression ishsha atteste d'un
symptomatique redoublement à partir d'ish l'homme, invité à sortir de sa
solitude76. L 'humanité est donc commune à l'homme et à la femme,
substantiellement similaires, sans que la postériorité de t'apparition de la
femme par rapport à celle de l'homme puisse laisser à penser à une disparité de
statut. Démembrée symboliquement de l'homme, la femme désigne l'équivalent de
lui-même, la "côte d'Adam" renvoie à ce à quoi tous deux participent
de la même manière par don divin : l' humanité.
Cette humanité sert de trait
d'union entre les sexes. Elle révèle le fondement de la personne de chacun en
une instance créatrice unique, en Dieu dont l'humanité déposée en chaque
personne est proprement la création et l'image, l'icône. D'où l'idée que
l'homme et la femme sont naturellement conduits dans leur relation, quand elle
s'élève à la compréhension de leur humanité et par là de leur égalité, à ne
faire qu'un. Qu'ils ne fassent "qu'une seule chair" (Gn. 2,
24) dans le mariage s'éclaire à la lumière de la notion d'égalité.
Mais afin que "l'unité des
deux" soit réalisée sur ce modèle, encore faut-il interpréter la relation
entre l'homme et la femme en un sens bilatéral qui s'accorde précisément avec
la nécessité de l'égalité. Si la femme est l'"aide" dont l'homme désireux
de fuir sa solitude peut bénéficier, l'homme doit pouvoir être en retour
l'appui sur lequel la femme qui se dévoue à lui peut compter, de sorte que la
relation devient en toute rigueur "réciproque"77. L'aide
dont parle la Bible ne signifie rien d'autre. Elle est foncièrement
réversible. Et l'on ne saurait l'amputer de cette dimension mixte sans trahir
l'inspiration du projet de Dieu sur l'homme à la fois masculin et féminin
–comme Dieu Père l'est lui-même –, sans porter atteinte à la théodicée telle
qu'elle se lit dès l'ouverture de la Genèse. La justice divine suppose
que l'un et l'autre, homme et femme, soient personnes, reflétant l'être de Dieu
; que l'un ne soit pas sans l'autre, mais comme égal de l'autre, de telle façon
que l'attitude de l'un envers l'autre puisse être aussi l'attitude de cet
autre envers le premier. Telle est la solidarité que contraint à admettre
l'acceptation de l'authentique personne créée.
Un guide sûr peut être utilisé dans
le maniement de cette justice, qui dévoile par la même occasion la
compatibilité de l'égalité et du respect de la personne dans son individualité
réfractaire à tout nivellement. Ce guide découle du concept de ressemblance, d'imago
Dei. C'est la transparence et la pureté de cette image qui doivent se
maintenir. Or, comme la personne humaine, masculine ou féminine, reçoit une
telle image, on peut estimer que la justice est tout simplement blessée chaque
fois que, dans l'union des sexes, l'un peut se développer dans des conditions
inégales par rapport à l'autre, chaque fois que l'un peut invoquer une
priorité dans l'ordre des moyens qui lui permettent d'être ce qu'il est,
d'accomplir sa personne : chaque fois que l'égalité formelle est
compromise. De même, il va de soi que la justice est méconnue lorsque
l'égalité, tout en étant scrupuleusement assurée, empêche l'un de reconnaître
une possibilité d'épanouissement aux particularités personnelles de l'autre,
et lui sen presque d'alibi pour obtenir un alignement de l'autre sur lui,
faussant, par là. la portée de l'égalité qui ne peut être prise comme fin en
soi-même, mais qui vise à préserver les fins ordonnées à la personne.
La justice est-elle ainsi
inaccessible? Mais c'est oublier que dans l'état de la création qui est celui
des personnes, l'amour – dont la personne est le sujet et l'objet – surmonte ce
type de difficulté. En aimant la personne, c'est le principe dont elle procède
que l'on aime, principe qui unifie les personnes. En aimant la personne, c'est
l'égalité que l'on veut, mais comme un intermédiaire, car c'est l'intégralité
de la personne que l'on aime, et c'est à rechercher l'unité par don de
soi que l'on est enclin.
Il y a là toutefois deux points à
expliciter. D'un côté, l'amour humain reproduit en l'occurrence l'amour di vin
selon la loi de similitude d'après laquelle la personne réitère la personne
divine; et ce dont il est capable en réalisant l'unité correspond à ce dont est
capable l'amour de Dieu (Dieu qui se définit d'ailleurs comme Amour, Jn 4,
7, 8) dans la Trinité78. D'un autre côté, la personne doit être
intrinsèquement comprise dans son identité comme pourvue d'une double
vocation, caractéristique de son devoir-être : elle est tournée vers
elle-même, se percevant dans l'indépendance du dominium qui lui est
conféré, et elle sait se dépasser en adhérant à l'amour de l'autre, en
témoignant de son aptitude au don de soi, et en renvoyant par là l'image du
Dieu-Amour ; or, la femme peut se prévaloir ici d'une vocation spécifique qui
la différencie de l'homme, à travers la fonction maternelle79. Il
s'agit là d'une prédisposition à aimer. Et il conviendra de ne pas la refouler
lorsque se posera le problème du droit dans le prolongement de l'exigence de
justice, une exigence qui se déchiffre dans ce mouvement spontané de la
personne théologiquement valorisé.
Exister pour l' homme est le mode d'être
personnel de la femme, affirmant son identité, s'imprégnant de l'amour divin.
Et l'inéluctable corrélat est que l'homme, quant à lui, existe pour ta
femme. Dans la situation de la justice originelle, pré-lapsaire, la
coexistence de la femme et de l'homme s'harmonise comme telle dans le don
aimant et réciproque, qui parachève l'égalité par la vie unitive des
personnes. Mais cette situation sera viciée par la Chute, rendant peu aisée
les manifestations de la personne à travers la nature déchue et vouée à la
finitude. C'est pourquoi le Christ, régénérant l'homme, viendra comme Nouvel
Adam, donner l'exemple du don par son sacrifice ; et dans son rapport avec
l'Église, il rappellera le sens de l'amour qui consiste à "se livrer pour
elle" (Ep. 5, 25). Il ne saurait qu'en aller de même dans les
relations de l'homme et de la femme, que symbolise l'Église, avec ceci en plus
: l 'homme doit se soumettre à celle pour laquelle il se livre et qui, selon l'expression
paulinienne, se soumet à lui80. "Se soumettre" est la
norme de base du juste. La soumission précise et développe les conséquences de
l'égalité. Si tu es mon égal, me soumettre à toi, qui participe de la même
réalité d'humanité que moi-même, médiatisée par la personne christique, c'est
vouloir que tu sois aussi complètement que possible ce que tu es, c'est
favoriser ton devenir personne comme acte en attente de sa réalisation,
et c'est, en bref, ne rien faire qui crée un obstacle à ton dynamisme d'exister:
c'est accepter de demeurer soi-même passif, en retenant ses propres
épanchements existentiels, afin de préparer au mieux les conditions maximum de l'activité
personnelle de l'autre. Ainsi se traduit le don, par un consentement
incessant à l'être, à l'acte d'être de l'autre, aimé en tant qu'identique
à soi, mais en même temps différent et unique dans une
vocation qui est à promouvoir aux dépens de soi.
Mais les circonstances de
l'histoire et des mœurs ont entraîné à cet égard bien des transformations qui
ont gravement altéré l'exigence de cette justice originelle et qui ont réduit
la femme à un état d'infériorité dont il faut dégager les raisons.
L'injustice
naturelle ou l'unité rompue
Ce n'est pas la société, comme le
pense Rousseau, qui est responsable ici d'une déviation, d'un détournement de
la justice primitive. C'est la nature qui en est la cause, car elle est victime
de la Chute qui la précipite dans sa corruption en l'enfermant dans des
limites, en lui enlevant la "grâce" pour la ramener, selon la formule
de Simone Weil, aux forces de la "pesanteur", pour l'exposer à son
"mouvement descendant". Selon ce schéma, la personne est quelque peu
obscurcie sous la nature, bien qu'il n'y ait pas à désespérer d'en rétablir
l'image, qui est image divine. L'injustice règne dès lors dans cette condition postlapsaire
qui est la nôtre, et elle tient au mépris de la personne et à l'incapacité
de l'aimer: à l'inaptitude à reconnaître l'égalité et, a fortiori, à
faire de cette égalité des sexes un instrument de promotion de l'identité
singulière de chacun. Tel est l'effet général de l'injustice produite comme
attachée à une nature diminuée. Le fondement en est la faute initiale, faute
qui ne regarde en rien la sexualité et la relation de l'homme et de la femme,
lesquels en subissent simplement les répercussions; faute théologale, et
non éthique, qui fait procès à l'humanité créée, à la fois homme et femme, de
chercher à se diviniser par elle-même, sur la suggestion du Tentateur81.
Il en résulte, sous l'influence du caractère diabolique et donc, suivant
l'étymologie, "diviseur" du péché, une rupture de l'"unité des
deux" qu'étaient censés former l'homme et la femme82. Leur
union ne respecte plus ses promesses et débouche sur un rapport unilatéral,
et non plus réciproque, où la femme se trouve subordonnée.
C'est la femme qui pâtit de ce
changement Son identité est condamnée à ne pouvoir s'affirmer; ses aspirations
à jouir d'une puissance égale sont bafouées; et ses velléités à opposer à
l'homme le juste qui lui est dû, tendent à provoquer chez lui la réaction du
"maître" à l'égard de "l'esclave", suivant le processus
dialectique bien connu83. L'homme s'est abusivement érigé en maître!
Un mot qui restera dans la mémoire collective, resurgissant çà et là dans
les périodes où l'hégémonie masculine atteint son degré le plus haut : dans le
propos du Molière de L'École des femmes, au XVIIème siècle: "Pour
son mari, son chef, son seigneur et son maître!"84,... ou dans
le Code civil français de l'époque napoléonienne, reprenant les auteurs de
l'Ancien Droit, significativement imbus de jansénisme et professant un
scepticisme résigné sur la nature déchue, tel Pothier85.
L'assujettissement de la femme et
son infériorité sont entièrement imputables à la malédiction qui s'abat sur la
nature destituée de son état d'origine. Certes, l'injustice commise, dans ce
traitement inégal qui lui est imposée, est l'œuvre du seul homme. Mais cet
homme est l'instrument de ses instincts affaiblis et déviés de leur axe premier
qui fut le bien; il est mû par un faux amour qui ne porte pas sur Dieu ni sur
la personne dans sa différence (Dieu étant le différent par excellence
puisqu'il est le "Tout Autre"), mais qui s'attache à ses propres
intérêts, à ses passions égoïstes. Il voit la justice (comme le dira Paul),
mais son élan à la poursuivre et à la réaliser retombe aussitôt, s'il ne tend
pas sa volonté par la persévérance et la vertu de l'effort... "Lui
dominera sur toi", dit le texte de la Genèse (Gn 3,16). L'injustice
est par là dénoncée et presque montrée du doigt comme un destin prévisible.
Elle aboutit à la ruine de la communio personarum que la femme et
l'homme pouvaient spontanément constituer quand ils furent créés86. Et
cette injustice est en même temps présentée comme le fait de l 'homme. Mais
elle n'est nullement regardée comme l'expression d'une nature, dans laquelle
l'homme est immergé, et qui serait parée de toutes les qualités de la justice.
Au contraire: une telle nature a été affectée et souillée, et le fait de
l'homme est désigné comme un mal, une injustice, parallèlement aux maux et aux
injustices qui le toucheront spécialement
Cependant, la liberté subsiste.
S'il est difficile d'échapper aux tentations de l'injustice préfigurées comme
inévitables, il est toujours possible de n'y pas succomber. C'est la tentation
que l'on ne peut éliminer; ce n'est pas l'acte d'y céder qui est fatal, ainsi
que le croira la Réforme... D'où la perspective d'un redressement ; d'où
l'horizon d'un retour à l'égalité perdue et au respect des personnes.
Il peut ainsi être remédié à
l'injustice à laquelle incline de soi la nature, il est permis d'espérer la
corriger, grâce à une référence explicite à la personne qu'elle occulte. C'est à
ce prix que l'union de l'homme et de la femme peut s'ouvrir à l'amour qui est
le ciment de son unité et par lequel l'image de Dieu, déposée dans le secret de
chaque personne, se réfracte. La justice est accessible. Elle assure à la femme
tous les moyens d'épanouisse ment de son identité personnelle et elle
lui garantit d'être à la ressemblance de son Créateur.
Telle est la justification
théologique d'une philosophie du juste au féminin, dikè humaine
accordée à une théodicée. En l'absence de cet éclairage, la justice peut
être conduite à refuser un support naturel dans lequel elle ne relève que des
montages souvent artificiels et absurdes, mélangés, comme une première coutume,
aux produits d'une volonté de domination masculine. Et, dans le dédain de toute
nature, elle peut être amenée à vanter les bienfaits de la libre construction
d'une nature nouvelle, exempte des déséquilibres de l'ancienne, en fonction de
revendications concrètes, saisies en situation. Tel a été le projet de S. de
Beauvoir, dissimulant la nostalgie d'une pure nature, d'un status purae
naturae, et exaltant le pouvoir de détermination de la liberté axiologique.
Ce qui inverse la démarche qui s'oriente ici vers la reconnaissance et
l'acceptation d'une nature imparfaite afin de réintroduire ensuite en elle
l'énergie de la personne dont elle peut sembler coupée mais avec laquelle elle
conserve somme toute un lien puissant et régénérateur.
Il est dès lors étrange que
l'exigence du juste au féminin ait essayé de se frayer un chemin par d'autres
voies que celle de la perception lucide des données théologiques. Elle s'y est
prise de façon inattendue : en jouant de l'effet esthétique et littéraire d'une
représentation courante de la femme où celle-ci assume un caractère absolu et
sacré qu'elle emprunte au fond à la divinité. Et c'est au titre du respect que
ses qualités inspirent, que la femme est appelée à recevoir les égards dont
elle a été privée dans un état d'infériorité qui lui fait injure. En réalité,
c'est l'amour porté à la femme qui est lui-même valorisé ainsi. Mais il est
indéniable que l'être féminin en ressort grandi et que son visage y est pourvu
de traits qui, pour dérivés qu'ils soient d'une autre origine inavouée
(divine), n'en sont pas moins fidèles à sa véritable identité. Le thème de l'unicité
est particulièrement significatif, de nos poètes de la Pléiade, marqués
par un certain néo-platonisme dans l'esprit de la Renaissance italienne et
française, aux métaphysiciens et écrivains de tradition anglo-saxonne engagés
dans un idéalisme semblable et de formulation plus théorique à ce propos87.
Qu'est-ce que l'unique, sinon l'élément le plus caractéristique de la personne
et le plus méconnu88 chez la femme? Elément par lequel, pourtant, la
justice peut le mieux apparaître en ce qu'elle oblige à se soumettre à
l'expérience de l'être qui résiste, dans sa différence, à toute réduction
conceptuelle. C'est par ce biais qu'indépendamment des manifestations sociales
liées à des iniquités objectives, le sens du juste peut avancer, et peut
préparer à accueillir une définition de la femme personnalisée ou rattachée à
son type.
Mais encore faut-il savoir quelles
sont les formes contemporaines de l'injustice dont souffre la femme par
l'ignorance de son identité, et en conséquence de cette injustice inhérente à
la nature détrônée qui l'accable depuis des siècles. Encore faut-il savoir
aussi de quelles causes nouvelles elle peut être issue ou aggravée. Et l'on en
vient à s'apercevoir, avant toute réflexion sur la justice, que la femme risque
parfois, phénomène inédit, quand la technique est compensée par l'idéologie,
d'être prise en otage par de fausses promesses qui lui font considérer
autrement qu' elles ne sont sa vérité et sa fin : son identité même comme
personne unique.
Doxa. médias: avatars des tyrannies
de nature ...
La domination masculine qui
semblait pouvoir se réclamer des tendances de la nature ayant rabattu de ses
prétentions, une autre domination peut d'autant mieux s'établir sur la femme
qu'elle lui fait croire à son émancipation: telle est l'opinion qui cherche à
la rallier à un type qu'elle fabrique de toutes pièces et qui singe ou
caricature son type authentique. Et l'opinion sait qu'il faut arguer d'un type,
qu'il faut contrefaire une ontologie, qu'il faut, en un mot, imiter, comme l'
art, la nature, afin de conquérir un pouvoir efficace sur les individualités.
Sans doute en a-t-il toujours été ainsi. Mais l'opinion est aujourd'hui relayée
par le système médiatique qui lui donne une structure durable et qui la dote de
moyens de diffusion et de contrôle inusités jusqu'ici.
Les fonctions familiales de la
femme peuvent être compromises par des fonctions prépondérantes de l'homme qui
les étouffent, ou par une insuffisance de contenu et d'étendue qui les étiole.
Mais, en dehors de ces causes qui sont repérables comme rattachées à des causes
précises où l' on peut discerner la volonté masculine, il est des causes qui
agissent négativement sur les fonctions de la femme, en les détournant de la
fin inhérente au type qu' elles sont censées servir, et qui ne relèvent d'
aucune espèce de tyrannie volontaire, émanant du milieu masculin ou d'un
législateur : elles renvoient à un phénomène impersonnel et massif, dont il
n'est pas de meilleur exemple que le standard publicitaire. Ces causes
sont responsables d'une injustice plus grave, car en rendant ses agents anonymes,
kafkaiennement dissimulés derrière une technique apparemment innocente, elle se
produit avec une quasi nécessité matérielle qui la place constamment hors
d'atteinte. Et dans une morphologie psycho-sociale des causes de l'injustice,
on est ici en présence de la cause première, et même d'un nexus causarum englobant
dans sa logique toutes les autres causes.
L 'argument principalement employé
est d'affirmer, mais tout implicitement, un type, un nouvel éternel féminin,
conforme ou non à l' ancien. Il est de laisser à penser que l'image proposée
par le "on dit" médiatique est le reflet d'une opinion réelle, alors
qu'il ne s'agit que d'une opinion conçue aux fins d'obtenir un effet, un effet
qui se résume la plupart du temps à un résultat tristement commercial et
lucratif: qui se ramène à la production économique. Marcuse n'a pas eu tort en
ce sens de voir dans le "principe de rendement" le substitut moderne
du principe freudien de plaisir, quand il a dénoncé, dans Éros et
civilisation, l'inhumanité de ces schémas de profit où l'on veut enfermer
la femme, dans une course à la productivité entraînant le gaspillage d'un
surplus inutile89. Le slogan répandu de la "femme qui
gagne", même au foyer, considéré comme micro-entreprise, est la dernière
illustration de cette folie meurtrière des liens vitaux qui va jusqu'à
s'attaquer aux aspects organiques de ces liens, marginalisant comme
anachronique la préoccupation sexuelle! Quelques magazines occidentaux ont
ainsi vanté les mœurs puritaines d'étudiantes américaines constituant
l'équivalent de ce qu'Orwell appelle, dans 1984, la "ligue anti-sexe"
et affichant une morale de l'être-plus par l'avoir-plus (dans ce
prolongement, les diplômes comme valeurs patrimoniales sont remis à la façon de
"récompenses", et le désintéressement dans l'enseignement
universitaire tombe en discrédit..).
Certes, l' opinion en elle-même,
simple probabilité de vérité, incite naturellement à la méfiance. Cela a pu
être le cas de l'opinion sur la femme que la création culturelle, littéraire
avant tout, exprimait traditionnellement. Mais l' opinion prend en l'occurrence
un caractère très différent, puisque dans son origine elle est étrangère à la
société à laquelle elle s'adresse. Le troubadour des cours d'amour médiévales
ou le romancier du XIXème français interprétait des sentiments collectifs à
l'état latent. L'organisme publicitaire répond à des commandes en vue de
satisfaire une production (et de permettre une politique), et il a recours aux
mécanismes psychologiques comme ressorts ou leviers de son action. Dès lors,
c'est le sens même de la vérité, vérité sur la femme, sur son type, son
identité, sa fonction conjugale ou parentale, qui est repoussé. La vérité sur
ce point est dictée de l'extérieur sous l'apparence d'être une vérité qui
traduit l'intérieur de ce à quoi elle s'applique. C'est la raison pour
laquelle, si la vérité est un devoir, si la reconnaissance du juste au féminin
qu' elle détermine, est un devoir plus fort encore, le devoir majeur est d'opposer
une conscience critique au discours médiatique qu'il convient de soumettre à
l'exigence préalable de vérité et de justice que l'on connaît90.
Ce qui ne va pas sans le risque de se voir reprocher un manque de réalisme,
puisque l'on confond très vite le réel et le factuel, ou un dogmatisme, puisque
l'assertion de la vérité que toute vérité enseignée est dogmatique échappe
comme l'on sait au dogmatisme! Et dans cette perspective, les voies ouvertes
par des philosophies du droit qui s'élaborent significativement en pragmatique
(ex. de Habermas) et entendent se plier à un consensus (ce qui
rejoint aussi le libéralisme de Rawls), appellent les mêmes réserves. Car le consensus,
outre qu'il pourrait être le "gros animal" de Platon, implique un
dialogue des instances politiques entre elles, et non un dialogue en prise
directe avec le corps social, un corps qui n'est le plus souvent observé qu'à
travers des méthodes quantitatives d'enquête-sondage, préparant la question et
anticipant sur la réponse à fournir. La légistique de notre époque a dû faire
sienne de tels procédés ; ils montrent de manière générale le peu de poids du
législateur face à une opinion véhiculée par les médias, lié qu'il est
à des commissions d'experts répercutant ce message91. Si une
assemblée parlementaire intervient, c'est sur les conclusions de ces démarches
qu'elle va se prononcer. L'opinion sur la femme risquera fort d'être sécrétée
clandestinement par un groupe initié où aucune femme réelle ne saurait
apercevoir son visage.
Les manifestations concrètes de
l'injustice nouvelle qui frappe la femme consistent en une altération de ses fonctions
personnelles dans la vie familiale. D'un côté, ses fonctions demeureront
en-deçà de leur développement normal ; elles seront mutilées, car l'opinion
accréditera un statut juridique de la femme qui en fait l'égale de l'homme mais
n'en continue pas moins à ignorer sa spécificité et se contente d'aligner ses
droits sur ceux qui ont été déterminés en faveur de l'homme. Par exemple, ses
fonctions conjugales et surtout parentales seront atteintes du seul fait
qu'elle ne jouit dans l'aménagement de son temps de travail d'aucune condition
lui permettant d'accomplir un minimum de tâches en vue de son foyer92.
De ces tâches, on entend la délivrer, mais il n'est pas sûr qu'elles soient nécessairement
des charges comme on le lui suggère, la première tâche pouvant s'appeler
simplement : présence, acte de communication et d'échange. Puis, on peut
toujours discuter de l'opportunité de ce que la femme peut faire accomplir par
d'autres (les soins apportés à son enfant, l'organisation de sa maison), car
ce qui ne lui apparaît pas frustrant peut non seulement l'être pour les autres,
mais pour elle-même sans qu'elle s'en doute, engendrant des processus de
compensation : elle fera à son tour chez les autres ce qu'elle eût aimé
inconsciemment pouvoir faire chez elle sans soupçon... D'un autre côté, et ce
sera là l'incidence majeure du phénomène médiatique et de sa doxa, la
femme en viendra à réaliser de pseudo-fonctions, ou des fonctions d'emprunt.
d'où sa pire aliénation, son personnage n ' étant plus en accord avec sa
personne. Si la personne est en effet différence et individualité, il ne
s'agit pas d'affubler la femme de rôles qui d'abord sont strictement ceux des
hommes et qui ne peuvent que décevoir ses attentes profondes, provoquant à cet
égard aussi des attitudes de rejet indirect Le résultat en pourrait être
analogue à celui du port d'un vêtement dans le style de l'uniforme asexué – ce
que même les "Marin' s" femmes n'ont pas voulu accepter. La
masculinisation de la femme dans le monde contemporain n'a cessé d'être un
thème de critique acerbe. Mais l'on a prévu les imminentes réactions de la
femme et annoncé, comme Rilke, un retour en force de la féminité pulvérisant
ces contraintes conformistes93. Reste à savoir si, dans le domaine
professionnel, la femme peut espérer obtenir des fonctions qui ne reproduisent
pas dans leurs structures celles des hommes quand elles exigent le respect
d'une spécificité, ce dont souffrent, semble-t-il, les femmes qui ont surtout
une activité culturelle ou artistique94. Il y va en même temps de
l'équilibre des autres fonctions à l'intérieur de la famille. Mais tout excès a
son mal : la masculinisation ne saurait servir d'a1ibi pour refuser des aspects
positifs du type masculin, dans la mesure où ils s'accordent avec le type féminin,
avec la personne même qui les reçoit. Tout jugement a priori pourrait
être ici tout autant destructeur que l'iniquité qu'il dévoile. Ainsi, beaucoup
d'activités pourraient passer pour purement masculines qui ne le sont pas
nécessairement ou ne l'ont pas toujours été d'ailleurs dans l'histoire. Et,
plus radicalement, la notion même d'activité pourrait être suspecte de
masculinité, par une sorte de vieille réminiscence androcentrique... La femme
qui cède à la polarité virile de son psychisme, n'est-elle pas selon Helen
Deutsch, la femme "active", développant avec une fébrilité passionnée
son complexe de domination par imitation du mâle? Sans doute est-ce une forme
de l'action sujette à déplacements et transferts qui est alors décrite95.
Mais il y a indéniablement quelque absurdité, voire une injustice fondamentale,
à refuser à la personne qui est acte d'exister, la possibilité d'un acte
accomplissant son être propre, en donnant à penser qu'il s'ignore dans sa
passivité et ne s'agite que par désir d'apparaître semblable. S'il peut y
avoir une "forme" également de passivité caractéristique de la femme
– et conditionnant son activité, au degré le plus élevé, comme sa sensibilité
particulière aux atmosphères et à l'immédiateté des éléments naturels dans la
création poétique –, la femme n'est pas destinée, au mieux de sa situation, à
devenir l'absente objectivée que symbolise la Geisha, une déconcertante
désœuvrée noyant ce manque dans le vide de distractions futiles, qu'elle soit
tirée d'un Van Dongen ou, plus prosaïquement, des hen-parries califomiennes,
ou des thés ou bridges "pour dames" ! ...
Parmi les rôles inadéquats, il
faudrait faire enfin une place à tous ceux qui se fondent sur l'illusion de la
nouveauté et de la fuite d'un modèle complaisamment décrié. C'est l'exemple de
la pratique du concubinage, lorsque, après s'être intensifiée, elle a connu un
net déclin dans les années récentes, tandis que le mariage était en pleine
ascension. Le rôle de "concubine", bien que le mot soit suranné,
désigne une situation où la femme a cru pouvoir s'affranchir de liens
prétendument asservissants, pour tomber la plupart du temps dans une situation
en tous points analogue dans son contenu, à défaut de pouvoir suivre des
prototypes de vie jadis réservés à un petit nombre, puis soudainement banalisés
sous l'effet publicitaire et souvent cinématographique. Et c'est généralement
la naissance de l'enfant qui a entraîné un phénomène de consolidation, de
réintégration progressive dans le cadre auparavant écarté. Un rapatriement qui
fait redécouvrir la substance d'un lien ainsi que les fondements qui le
justifient, en montrant qu'on ne le quitte d'une certaine façon que pour son
analogue: c'est L ' Ingénue Libertine de Colette, retrouvant son
époux comme véritable amant. Mais un tel exemple permet de considérer
maintenant l'injustice telle qu' elle se manifeste dans ce qui forme la base de
la famille où la femme révèle sa première fonction : la relation conjugale,
dont dépend ensuite le rapport parental.
Atteintes aux fonctions familiales.
L'injustice dont la femme est
aujourd'hui menacée dans la création du lien conjugal ne tient guère à un
risque de déséquilibre, d'ores et déjà anachronique, avec son conjoint, mais au
fait de pouvoir être détournée de ce lien grâce à l'incitation provoquée par le
modèle précédent, même si l'expérience en a trahi les limites et ébranlé la
crédibilité. Cependant, la femme a toujours en quelque manière à se défendre
de projections indirectes ou implicites des anciens schémas d'infériorité qui
resurgiront d'autant plus facilement que le sens de sa personne est
oublié sous sa nature. Car c'est le sens de sa personne qui exclut d'avance
toute idée de domination masculine, tout traitement dégénérant dans une
objectivation avilissante96. Et c'est au contraire l'attachement à
une nature abstraite qui peut aboutir aux disparités injustes relevées dans le
kantisme97, ou, en évoluant vers une généricité absolutisée, à une
indifférenciation telle que la femme est réduite à l'espèce98, et
ainsi à une fonction sexuelle ramenée elle-même à son aspect animal et
empirique, quand cette fonction n'est pas socialement ritualisée et érigée en
signe patrimonial, comme la femme turque des films d'Y. Güney en donne l'image
douloureuse et tragique. La fonctionnalisation s'opère à partir d'une
conception de la nature générique, et elle est précisément celle de l'univers
technologique, car il n'envisage les individus qu'à travers une cote imposée
par la grille de production et l'utilité sociale. Paradoxalement, il subsiste
une attitude qualifiée d'individualiste (et non de personnaliste, ce qui la
voue à la frontière de toute universalité morale), et elle démarque la femme
dans cet esprit de tout groupement humain, d'Orient en Occident, qui serait peu
porté à reconnaître une quelconque valeur particulière, individualisée, et
par là irremplaçable, à l'être humain dans l'un et l'autre sexe99.
Mais il faut aller bien plus loin.
La justice qui doit être rendue à la femme dans le mariage suppose de la
percevoir comme personne, au sein d'une union conjugale qui est communauté de
personnes. Or cette dimension personnelle et donc individuelle, dans la
spécificité de l'acte de vie, est à la fois ce qui conditionne l'amour
et ce à quoi il est ordonné. Seule la personne peut aimer, seule la
personne peut être aimée, et seul cet amour assure la justice par une égalité
de l'homme et de la femme, laissant libre le développement de chacun dans la
recherche d'une unité commune. D'où l'assimilation de l'ordre de la justice à
l'ordre de la personne100. D'où, surtout, la
définition du mariage centré sur la personne et sur l'amour de celle-ci, ce qui
suffit à le légitimer, à le justifier, à l'encontre d'usages multiséculaires
qui ont déplacé l'axe du mariage en condamnant l'amour dans son caractère
incontrôlable et individuel101. Il va sans dire que cela oblige même
à réviser l'opinion, souvent présentée comme incontestable, d'après laquelle la
fin du mariage et de la famille est dans la fécondité et dans la descendance,
ce qui est confondre le conjugal et le parenta1102. Non que les
enfants ne puissent constituer une fin. La communauté des personnes, comme
communauté d'amour au plan conjugal, correspond à une réalité propre en ce
qu'elle tend à une unité indécomposable dont seul l'amour de l'homme et
de la femme est capable 103. Et c'est d'ailleurs saisir là le motif
même de l'indissolubilité du lien établi. Si le mariage implique un devoir
d'amour qui va à la personne et qui s'efforce de faire abstraction des
susceptibilités et des étroitesses de "l'amour de soi" (au sens de s.
Augustin et de Pascal, avant que ne s'en empare Rousseau), on ne saurait, sans
contradiction, invoquer une cause de rupture de cette unité qui refuse toute
possibilité de communication avec le conjoint et lui enlève toute faculté de
redressement d'une situation qu'il a pu compromettre: on ne saurait s'enfermer
dans l'irrémédiable. Le témoignage vivant à suivre pourrait être, dans cette
optique, celui du Christ sur la Croix lorsqu'il canonise en quelque sorte le
larron repenti104 : il donne à comprendre que l'amour est au-dessus
des calculs temporels, et qu'un seul instant rachète les autres, et que ce
serait une injustice, et une négation de l'amour d'opposer toute attitude qui
fixe et éternise une fin de non-recevoir comme l'est le divorce. Admettre par
conséquent que le manquement à l'amour d'un conjoint puisse fonder une action
en divorce serait tolérer qu'une absence d'amour ponctuelle peut justifier
l'injustifiable : une autre absence d'amour qui est de ne pas s'ouvrir à ce qui
transcende le temps et a vocation à l'absolu et à l'infini105.
L'amour conjugal tel qu'il est
classiquement abordé à travers le thème de la fidélité, vertu de l'esprit et
non de la lettre, hegemonikon créateur et non simple constance106,
le démontre avec force. Mais c'est la nature et l'expression de cet amour qui
doit alors attirer l'attention. S'il ne saurait sombrer dans la passion
égoïste, corporelle ou sentimentale, c'est, pour reprendre les célèbres
discussions d'A. Nygren, qu'il n'est ni génésique ni proprement érotique,
mais agapique. Seul en effet l'amour de l'Agapè au sens
hellénico-chrétien, s'adresse à la personne reconnue dans son individualité et
de manière désintéressée, à travers le don de soi. Et s'il prend la structure
morale d'un devoir-être, c'est la volonté juridique qui peut le traduire ainsi
en assumant sa normativité intrinsèque107. C'est elle qui, en
fondant le mariage institution, assigne un cadre extra-temporel à l'amour, en
lui garantissant la stabilité et la durée qu'il exige. Et certes, cet amour
peut ne pas être réellement vécu et l'institution peut servir de paravent
hypocrite à des relations de résistance tenace au respect de l'autre, voire à
des écarts pervers ou masochistes qui s'inspireraient de la figure féminine
instrumentalisée de La philosophie dans le boudoir. Mais aucun argument
ne peut en être tiré à l'encontre d'un principe que son ineffectivité ne
saurait miner.
L'injustice peut donc consister ici
à insinuer une autre conception de l'amour impliquant une autre approche de la
femme réduite à sa nature ; conception visant à faire dépendre les fonctions
conjugales qu'elle est portée à exercer, d'un sentiment d'entente empirique
avec son conjoint qui ignore sa dignité de personne; conception fragile et
vulnérable dans son contenu à toutes les influences médiatiques pouvant
déterminer de nouveaux modèles dans lesquels les rôles matrimoniaux sont
invités à se mouler.
L'éventuel reproche dirigé contre
un époux aux fins de dissoudre l'union conjugale, en fait sinon en droit, sera
moins d'avoir brisé une communauté de vie phénoménalement comprise dans
laquelle aucun souffle d'amour ne pouvait dès le départ s'introduire, que
d'avoir transgressé une norme socio-culturelle diffuse dont le rayonnement
fascine et paralyse les conduites. Les spécialistes du divorce savent bien
quel est le poids de l'opinion dans la perception des causes alléguées. La
domination du générique est double : à travers le collectif indifférencié du
"on" et le pattern projeté arbitrairement sur la femme dans la
psychologie masculine ou sur l'homme dans la psychologie féminine-pattern conditionné
par une loi de comportement de l'espèce, loi conservée dans les enceintes
sacrées de quelques grands instituts de publicité et magazines auxquels ils
collaborent.
Cette analyse n'est pas destinée à
dévaloriser l'apport potentiel de tels organes ni la pertinence des faits
qu'ils prétendent recueillir et interpréter. Il s'agit simplement de rappeler
que la question de justice qui semble devoir orienter la question juridique
repose sur une question morale, axiologique, laquelle est tributaire
à son tour d'une question ontologique: centrée sur la personne. Le
langage de l'amour dans le mariage est inintelligibile à ceux qui ne s'élèvent
pas à cette dimension personnaliste. Le devoir-être de l'institution n'a de
sens que s'il se réfère à la personne derrière la nature. Et rendre justice à
la femme oblige en premier lieu à imposer cette manière de voir, seule apte à
saisir son être propre. Ce que l'on peut utilement dénoncer dans les pratiques
précédentes, c'est qu'elles admettent de prendre parti sur un plan, celui de la
normativité juridique, en partant d'un donné purement factuel et ontique qui
est privé par essence de toute virtualité de valeur. C'est ainsi commettre un
véritable paralogisme naturaliste, ou, si l'on prétend justement échapper à ce
grief, tomber dans l'empirisme auquel il se substitue. Un paralogisme est en revanche
impossible si l'on s'attache à l'être sous le phénomène, si l'on regarde les
attitudes sensibles à la lumière d'une valeur d'amour comme valeur personnelle
qui les inspire. Quand Montherlant, interrogeant sa vie passée, et devenu
perplexe sur son premier roman Le songe, demandait: "Mais
aimons-nous ceux que nous aimons?"108, implicitement, sans que
cela apparaisse dans le champ de conscience d'un auteur qui n'est pas l'un des
meilleurs exemples à cet égard, le problème du fondement ontologique de
l'amour personnel ou agapique était posé – le seul problème à
poser lorsqu'un choix de valeur est requis. Autrement dit, une exigence
critique imposera sans cesse le respect d'une dualité des ordres. Seul un tel
respect peut servir de rempart protecteur à la femme pour ce qu'elle a de plus
précieux à défendre : l'image d'elle-même, de sa dignité, devant laquelle
peuvent venir se profiler des ombres trompeuses, qu'elles soient dérivées d'une
nature livrée à ses tendances autonomes et coupées de la personne, ou d'un establishment
de l'opinion sociale, ritualisant ses modes d'exister comme dans les plus
vieux fétichismes. "Sûrement, dit le Livre de Job, il est des lieux
où les hommes trouveront l'or et l'argent, mais découvriront-ils jamais le
siège de la conscience?" Il est aisé de remplacer "or et argent"
par nature et "conscience" par personne, et d'appliquer ce propos à
la femme.
Certes, une telle démarche peut
paraître insuffisamment spécifiée et adaptée à la femme, et peu capable de
fournir directement des solutions concrètes. Mais, d'un côté, la vérité la plus
haute que l'on doit dégager a un caractère formel, et elle indique avant tout
négativement, comme toute réflexion métaphysique le propose, ce que n'est
pas l'être recherché avant de scruter ce qu'il est; et, quant à ce qu'il
est, elle procure le guide essentiel: celui de la personne comme acte,
comme sexe déterminé, et comme singularité irremplaçable, la valeur s'en
déduisant étant de le laisser être dans tout mouvement qui se rattache
à ces racines... D'un autre côté, il n'est pas dans le but d'une telle étude de
fixer autre chose que des principes onto-axiologiques: ils sont des principes
directeurs (et par là absolus) des solutions, mais ils ne sont guère
constitutifs de celles-ci : ils ne sont pas des principes théoriques (et
donc relatifs) desquels elles pourraient se conclure. Le juste personnel n'est
pas le droit naturer109, et ce droit d'ailleurs doit affronter, dans
ce domaine familia1, des limites inhabituelles qui tiennent aux frontières du
privé et du public110.
Ce qui atteint, enfin, à la base la
fonction conjugale, se répercute sur la fonction parentale. Inutile de décrire
les effets du divorce sur les enfants : ils sont singulièrement aggravés
lorsque la disparition du lien matrimonial peut s'opérer brutalement et au gré
de chacun des époux, et, tout autant, lorsque les deux en conviennent dans une
sérénité qui est le fruit de l'égoïsme et de l'absence de scrupule, même si des
défauts analogues peuvent se manifester en présence d'une institution solide,
ou une fois que l'on considère l'éducation comme achevée. De tels défauts
portent visiblement trace de la carence d'amour, et c'est l'inexistence de cet
amour entre les personnes, aveugles l'une sur l'autre, qui déteint dans les
rapports avec les enfants, et qui peut prolonger longtemps ses retentissements
bien au delà du temps où ceux-ci ont vécu avec leurs parents. On peut estimer
dès lors qu'une institution pénétrée de néant, et qui n'est que simple façade,
est la source d'un mal équivalent à celui que son abolition provoque. Mais le
cadre formellement maintenu a l'heureuse vertu de servir d'appui aux élans
affectifs qui sont plus prompts à s'exprimer chez les femmes. Il devra du moins
subsister une structure de rapprochement dont l'aspect concret, tel que la
cohabitation, facilite la renaissance et le développement de tout ce qui s'enracine
dans un tissu organique et quasi-biologique. Pour la femme, en tout cas,
l'abandon du foyer, la rupture d'une continuité de vie en commun, avec son
conjoint et ses enfants, ne peut qu'entraîner l'atrophie d'une fonction
parentale qui demande à s'exercer dans des conditions excluant l'artifice au
nom d'un prétendu épanouissement. On le vérifie chez la femme désormais seule,
ayant conservé la garde de ses enfants, ou de l'un d'entre eux, et que son
travail absorbe à tel point qu'elle est contrainte de s'en remettre à des tiers
pour"s'occuper" de sa famille. De ces faux équilibres, les enfants ne
sont pas dupes, qui subissent, en témoins muets, une souffrance qui durcira
souvent leur attitude, quand ils auront, ce qui est surtout l'exemple de la
psychologie féminine, à entrer plus tard eux-mêmes dans les liens du mariage.
L'idée du lien "à l'essai" leur paraîtra séduisante. C'est que d'avoir
été plongés dans un univers de fictions les rend inaptes à saisir les exigences
incarnées d'une situation d'expérience. L'illusion va jusqu'à détruire, avec
les meilleures intentions, le sens même de tout engagement, de toute volonté
morale, qui s'installe dans la durée de l'être et qui peut faire en sorte que
le moi voulant du premier moment soit demain le même, parce qu'il affirme que
rien dans les circonstances ne saurait renverser sa détermination, et parce
qu'il est lucide et courageux sur le risque, sur les tentations, dont les
circonstances fluctuantes peuvent être porteuses. Il sait qu'il n'est
d'engagement qu'à travers ce risque, et que la vie conjugale est
création, construction de la personne, et non prévision scientifique d'une
norme ni répétitive uniformité dans laquelle la personne, ramenée à la stabilité
de la nature empirique d'un moment, chancelle, dès qu'une autre stabilité lui
paraît préférable. De cela même, la femme semble conduite à avoir une intuition
immédiate, quand les tourments d'une enfance mal-aimée et gâchée, quand l'abus
d'interrogations abstraites fréquemment produites par l'influence des médias,
et quand un manque de rationalisation culturelle et de discernement de
l'origine de ce type d'influence dans un projet politique ou mercantile de
domination, ne se sont pas conjugués pour établir un voile opaque entre sa
nature et sa personne. Les rôles qu' elle envisage de prendre peuvent être,
sans qu'elle s'en doute, de ces fonctions d'emprunt factices qui demeurent
extrinsèques à sa vocation. La femme supporte encore une injustice, mais
consentante et persuadée qu' elle est son vrai bien.
Quant à la fonction parentale prise
sous l'angle de la maternité, elle appelle des remarques semblables, et l'on
s'inspirera à nouveau, dans tout jugement sur l'injustice dont la femme est
victime, des considérations précédentes sur l'effet publicitaire et sur le mode
de vie masculin susceptible de s'imposer comme modèle de référence. En grande
partie, ce qui apparaît comme une libération de la femme n' est qu'un moyen de
mieux la soumettre à une norme productive implicite ou de l'aligner sur la
fonction virile rattachée à un homme qui reste au fond l' arbitre du jeu. Et,
insidieusement, de nombreuses raisons pourront être convaincantes ; elles
tiennent effectivement à une injustice subie par la femme (misère sociale de la
mère délaissée, de la femme qui a trop d'enfants ou qui est au contraire
stérile...). Mais elles sont détournées de leur portée et utilisées aux fins
d'engendrer une autre injustice. Le mal ne saurait justifier le mal, i.e.
l'injustice de ce qui tue dans son principe, en en niant le fondement personnel
; une fonction parentale de la femme, procréative par exemple, ne saurait être
déclarée juste, sous prétexte qu'elle permet d'effacer d'autres injustices que
l'on répugne à intégrer dans une conception hiérarchiquement ordonnée. Le cas
typique, entre tous, est celui de l'avortement, quand il pose le problème de
la survie de la mère ou de l'enfant. L'ordre va de soi, lorsque la continuité
est respectée dans le mouvement même de l'amour des personnes: il indique
apparemment le sacrifice de la mère à son enfant Mais ce renoncement cruel et
en soi injuste de la femme à sa propre vie, "moindre-mal" eu égard
aux principes, pourra être évité en situation d'épreuve réelle. Il suffIra de
reconnaître qu'il en est ainsi sur initiative privée, et d'invoquer ce que
Suarez nommait une "dispense" divine, Dieu dispensant de la matière
de l'acte, dans 1e mystère de sa Grâce, mais non de sa forme111.
C'est dire qu'il n'est pas nécessaire de déclarer l'injustice de
l'avortement dorénavant "juste", pour parvenir à ce résultat. C'est
admettre que la règle morale ou juridique qui incorpore le principe de
l'injustice de cet acte, parce qu'elle est destinée à tous, ne fait nullement
obstacle à ce que, par choix individuel, l'injustice soit commise. La
loi d'amour du Sermon sur la Montagne n'est guère suivie : est-ce à dire
qu'il faut adopter une loi opposée? Si la femme n'est pas sûre de pouvoir
garder l'esprit d'amour dans la mesure où il conduit au don ultime de sa propre
vie, faut-il pour autant qu'elle cesse de se référer à ce qui est le sujet et
l'objet de l'amour: sa personne et la personne de l' autre? Mais la difficulté
qui se présente, en même temps, est celle de concevoir toujours un décalage
entre le juste personnel, dans l'ordre moral et juridique, et le droit
naturel et positif, puisque, d'un côté, l'on affirme des exigences
indivisibles, totales ou absolues, qui ne peuvent être modifiées que par
comportement strictement individuel – en toute rigueur "privé" et
échappant à tout contrôle –, alors que, d'un autre côté, l'on découpe et limite
en fonction d'une généralisation abstraite nécessaire à une application
collective, et le comportement individuel déviant, lorsqu'il est avéré, expose
directement à la sanction prévue. Mais les droits naturel et positif, en tant
qu'ils visent des solutions par conséquent, n'en sont pas moins fondés,
justifiés par le juste directeur qui les transcende, et les divisions qu'ils
sont forcés de créer ne doivent compromettre aucune valeur telle que
l'intégrité de la vie. Tel est le point d'ordinaire incompris dans le débat
sur l' ensemble des questions touchant la maternité, maternité autrefois
refusée, maternité de substitution aujourd'hui... Il est une exigence première
qui peut aboutir, si toute solution est inévitablement finie et imparfaite,
à laisser des injustices sans remèdes – bien qu'il y en ait d'extérieurs (prise
en charge améliorée des enfants non voulus) –, et cette exigence est objective:
elle est l'exigence même de la personne comme acte d'exister, juste
radical, la personne étant non seulement pour soi mais pour l'autre, comme
don sans retour; et "l'autre" désigne soit le conjoint dans
cette union que scelle l'amour matrimonial, soit l'enfant dont la naissance
même est don commun, par la voie naturelle et personnelle de l'acte sexuel112,
don qui peut se perpétuer d'autant mieux que la personne qui a pris forme n'est
telle qu'en l'absence de toute dépendance ou sujétion... Toutes les atteintes
relevées suscitent une nouvelle formulation de la valeur du juste au
féminin. Une formulation d'emblée négative: elle paraît condamner les
lésions qui diminuent ou subvertissent des fonctions féminines, entraînant une
déperdition, un appauvrissement de l'être personnel. Mais cette requête
s'adresse avant tout à la conscience critique afin de l'éduquer culturellement
et de la soustraire aux prestiges des médias, voire à des entreprises de
colonisation qui importent des schémas de comportements unilatéraux, dignes
d'être approuvés pour la seule raison qu'ils font passer le service des biens
matériels et de la technique avant celui de la personne humaine; et c'est
l'honneur, la grandeur de cette personne, "roseau flexible", de
résister, de ne pas céder à un avilissement par rapport auquel celui des
totalitarismes de ce siècle ne marque qu'une différence de degrés.
Positivement, la justice au féminin
est de reconnaître la nécessité d'efforts législatifs afin de faire disparaître
tout ce qui peut être exploité dans le sens d'une altération des fonctions que
la femme doit assumer, quand, étrangement, la manipulation d'opinion parvient
à la conditionner au point de lui faire éprouver un sentiment de liberté dans
le ghetto de ses contraintes. Mais la justice est d'aller encore plus loin dans
une orientation très précise: l'affirmation de la femme dans son individualité,
dans sa sexualité originaire en tant que personne et non en tant que
nature.
C'est à partir de là que les législations
récentes qui ont admis, après de longs tâtonnements, l'égalité de l'homme et
de la femme dans le mariage, sont invitées à un dépassement. Car l'égalité
proclamée est tout abstraite et générique, ainsi qu'on l'a vu, et elle calque
au surplus le statut de la femme sur celui de l'homme. Les idées de
"co-direction" (du ménage, des enfants..), de "co-gestion"
(des biens dans le mariage...), qui apparaissent en divers pays dans les codes
civils (à travers les expressions consacrées: "les époux s'obligent",
"assurent ensemble", "ne peuvent l'un sans l'autre", ou:
"chacun des époux a le pouvoir..."), prétendent traduire une
"communauté de vie", une "coexistence", mais ne l'entendent
que dans l'acception d'une communauté de natures rationnelles soumise au
règne de l'identique. Voilà sans doute un pas important en faveur de la femme,
lui épargnant des discriminations dont elle était auparavant l'objet ; mais il
reste insuffisant, puisque beaucoup d'actes en cause ont été définis et
répertoriés, dans leur contenu, en fonction de l'homme, qui peuvent ne pas
convenir à la femme et dont on sait que, selon la pratique sociologique, elle
ne les accomplira pas, les abandonnant à son mari, conduit à les réaliser seul
avec son accord latent; même s'il est d'autres actes qu'elle doit partager avec
son époux, alors que parfois ils lui ont été traditionnellement dévolus à elle
seule par les mœurs les plus anciennes. Il est ainsi peu fréquent que la femme
prenne la gestion d'un portefeuille de titres boursiers (par une sorte de mésintelligence spontanée
entre elle et l'argent qui a son côté démoniaque113!), tandis qu'en
revanche la femme a pu avoir à décider de manière quasiment exclusive de
tout ce qui relève de l'économie domestique ; et la distinction des actes
d'administration et de disposition. actes qui réclament, selon leur
qualification, la volonté d'un seul ou des deux, n'est que la projection de
principes patrimoniaux requérant une adaptation dans le domaine conjugal :
pourquoi la femme n'aurait-elle pas une faculté privilégiée de passer
des actes de disposition, tant qu'il n'est pas prouvé que ceux-ci ont
effectivement porté atteinte à un intérêt commun sous-estimé par elle114?
L'intervention du juge est cependant de mauvais augure s'il y a litige, car si
les litiges évoqués exigent une solution, ils n'en émergent pas moins à partir
d'un seuil où la confiance des époux, comme expression de leur amour
réciproque, a été rompue et où commence de planer l'ombre d'un effondrement du
mariage lui-même.
Enfin, le défaut de spécialisation,
d'individualisation, se fait sentir dans la pauvreté des nuances qui ressort
des listes d'actes proposés. Il est des actes proprement féminins. Or,
lorsqu'ils ne sont pas indiqués, ils font partie d'une masse d'actes relevant
des deux pouvoirs : celui de la femme et celui du mari, alternativement (mais
indistinctement) ou cumulativement (système du double consentement formulé).
Actes portant tout d'abord sur les moyens matériels ou moraux du développement
corporel ou intellectuel (ce qui englobe la santé) et d'une activité
professionnelle ou créatrice (sans qu'il y ait forcément un revenu à gérer) ;
actes s'appliquant aussi à l'organisation de la vie domestique, aux divers
modes de subsistance (alimentaires voire vestimentaires, s'agissant de la femme
et de ses enfants) et d'aménagement ou d'entretien du lieu d'habitation, qui
comporte ou non un espace réservé à l'autonomie de chacun… Dans la civilisation
technologique, la femme a tendance à prendre en charge ces aspects variés qu'un
droit monolithique et figé a ignorés, puisque le progrès le plus spectaculaire
de ce droit a été de suivre le passage d'un capitalisme industriel à un
capitalisme financier et à ses lois de marché! Pourtant les actes impliqués
par ces situations où la femme a l'initiative, et l'a seule le plus
souvent, ne sauraient être intégrés sans abus dénaturateur dans une série
d'actes réunis pêle-mêle en référence à l'unique critère de leur incidence
économique, dans la perspective d'un patrimoine familial regroupant celui de
toutes les personnes (époux et enfants) ayant par le foyer même un intérêt
commun. De tels actes reposent sur un droit objectif encore innommé de
la femme, mais qu'à la différence du système romain, le droit moderne ne permet
guère de retenir en l'absence d'un principe général d'interprétation y
autorisant115. La justice est donc créatrice de droits. Mais, en l'
occurrence, ce résultat n' est pas seulement dû à une ouverture de l'égalité
sur la singularité féminine qui aurait pu historiquement se produire déjà, si
l'égalité avait mieux été perçue dans sa signification respectueuse des
personnes. Il faut en effet tenir compte des données de l'époque. Dans le prolongement
des anciennes, des tâches nouvelles ont été assignées à la femme, à travers
lesquelles tout manque de reconnaissance et d'indépendance peut être générateur
de formes inédites d'inégalités et de dominations. La femme doit pouvoir ainsi
bénéficier d'une latitude spécifique dans les rapports que régit un droit dit
aujourd'hui de la "consommation", car les objets de consommation sont
par prédilection ceux qu'elle acquiert et utilise dans la quotidienneté
domestique et familiale. Et les services qu'ils lui rendent ont beau
correspondre à celui de centaines d'automates ou d'"esclaves
mécaniques", pour reprendre l'expression de Gheorghiu116, ils
sont à l'origine de problèmes qui étaient jusqu'ici imprévisibles, qu'ils
soient à la fois devenus indispensables et d'un accès onéreux (que la politique
des droits fiscaux ne favorise pas au sein de la famille), ou qu'ils mettent en
présence (contractuellement) des forces inégales, la spécialisation d'un
partenaire en arrivant à être admise (vendeur professionnel), celle de l'autre
(femme mariée ou mère) n'étant pas sur le point apparemment de voir le jour.
Pour qui veut y réfléchir, guidé par le concept de la personnalité féminine,
mais à un plan socio-juridique et de droit naturel, il y a dans la richesse
des moyens nouveaux mis à la disposition de la femme, moyens qui
coïncident avec des situations originales (professionnelles) ou avec des biens
que l'on n'aurait pu jadis soupçonner, des potentialités de droits à
discerner. Mais c'est à condition de surmonter l'uniformité présente de
traitement entre l'homme et la femme, c'est au prix d'une individualisation de
l'égalité établie, que l'on peut s'acheminer vers leur reconnaissance.
..."Zieht uns hinan"...ou
les promesses de justice
La justice au féminin pourra
consister, en dernier lieu, à établir de nouveaux droits, en conséquence des
caractères individuants qui sont le reflet de la personne de la femme dans sa
différence irréductible. Sa différence peut être négativement perçue, et
assimilée à une absence des qualités dont peut se prévaloir l'homme : d'une
certaine force physique à la fermeté de prévision des calculs rationnels qui
dirigent son oeuvre pratique, institutionnelle par exemple. Mais cette
différence est ici à saisir du point de vue distinct des qualités positives
dont il se trouve que l'homme est privé.
Ainsi s'accomplissent les promesses
qui semblent inscrites dans l'être féminin, dans ce type qui, selon la formule
finale de Faust, "nous attire par en-haut". Et, certes, il
s'agit de reconnaître un juste destiné à la femme et qui lui profite dans le
développement de son essence appliquée à toutes les virtualités de sa nature,
enrichie elle-même, dans ses possibilités d'action, par les apports
d'évolutions récentes. Mais si, pour paraphraser R. von Jhering, "son droit
est le droit"117, la femme peut être considérée comme la
médiatrice de tout juste, y compris du nôtre, sans faire acception de
sexe : homme inclus. Médiation signifie alors que l'on est reconduit,
grâce à la femme, à la source personnelle parfois obturée ou tarie par une
nature ingrate ou rebelle à son inspiration.
La femme intervient donc pour
indiquer la voie de ce retour et de la régénérescence qu'il recouvre. Ce qui
s'accorde avec l'aura dont elle est parée, que ce soit dans l'iconographie
qui représente la justice, ou, une fois encore, dans les images esthétiques où
elle est contemplée sous le signe de l'amour, dotée de cette fascinante
"puissance de régénération" dont parle André Breton118,
en lointain écho au mythe dantesque de Béatrice, et en rejoignant l'onirisme
littéraire du XIXème siècle, celui de l'Aurélia de Nerval ou des visions
de feu de William Blake... Cette puissance est de création (comme l'attestera
la maternité) et de vie ou d'être, comme acte d'exister en son expression la
plus achevée, ce qui dément toute idée d'un néant et d'une nausée refoulés119.
D'où l'assimilation de la femme au devoir-être inséparable de l'être qui
culmine en elle. Et le devoir-être est cette justice dans
laquelle Platon condense et résume déjà l'objet immuable et unique de toute
expérience axiologique.
Par là, la femme cesse d'être un "complément" de
l'homme pour être restituée à son entière humanité: elle s'affirme en tant que
personne, elle se découvre comme "une forme complète de vie"120,
le quid completum caractéristique de la persona121 . Et c'est avec ce visage de la
plénitude de l'être qu'elle a fonction de montrer le chemin, comme Senta à
l'adresse du Hollandais égaré dans Le Vaisseau Fantôme122...
Mais voici précisément un geste
quasi salvifique, visant à sauver non l'humanité féminine mais toute
humanité de ses corruptions et de ses déchéances. Ce que la symbolique des
éléments qui sont associés à la femme a toujours traduit123; ce qui
répond surtout à une donnée idéologique classique au plan de la sotériologie.
"Il t'écrasera la tête et tu l'atteindras au talon" (Gn 3,15).
La victoire de la femme sur le serpent est la marque de ses dons particuliers
qui préfigurent la rédemption par le Fils de l'homme, rachetant le monde ; l'Alliance
nouvelle commencera en elle, à travers Marie, avant de s'accomplir dans le sang
du Christ124. La tradition patristique, grecque et latine, a
souligné à plusieurs occasions ce rapprochement devenu usuel entre Ève et
Marie, et il a même pu être ultérieurement repris sur un mode épique qui fait
de la nouvelle Ève l'instrument de la théodicée, le moyen par lequel la
justice de Dieu se fait comprendre comme la "réconciliante", l'unifiante
justice personnelle, ainsi qu'on le voit dans le saisissant dialogue d'Ève et
de Myriam de La Messiade de Klopstock125.
Et un tel rôle régénérant est au
cœur des Évangiles, chez la plupart des femmes, dont le type ou la
vérité est en Marie, bien qu'elles n'y correspondent que très imparfaitement ;
dans cette perspective se situe le récit de la Résurrection et s'interprète la
rencontre inattendue du Christ et de Marie de Magdala126. Toute
femme pouvant s'inspirer du modèle marial par la médiation de son type, par la
portée surnaturelle de son authentique identité, peut assurer cette fonction
salvifique, de conversion au juste. L ' exemple de la sainte, telle Catherine
de Sienne, demandant à être chargée de toutes les souffrances provoquées par
l'injustice pour enlever le poids de cette injustice, qui débute dans le rapport
de l'homme et de la femme au sein du mariage, est à cet égard révélateur. C'est
aussi la mystérieuse action que dans une suggestive fiction par Lagerkvist
attribue à sa Mariamne sur les tourments du roi Hérode à l'agonie127.
On ne saurait
oublier que les vertus de la femme sont transférées au mariage qui les possède
au même titre qu'elle et par elle : il est donc médiateur de l'accomplissement
des personnes qu'il unit mais, dans la même mesure, de l'accomplissement de
toutes les personnes aux yeux desquelles il fournit le témoignage de la
justice128. La justice dans la famille conjugale passe à la famille
parentale, puis passe au monde, selon une génération qui déploie la personne en
son identité. .
Dès lors, il ne faut pas être
surpris si, dans l' attente de la justice qui lui est due, comme dans l'attente
de toute justice, la démarche de la femme revêt un caractère hautement
emblématique. Comme dans le théâtre de la Grèce antique, il est un êros de
justice129 qui est invariablement le propre de la femme. Ce
mouvement ou cet élan immédiat vers la justice peut cependant voisiner avec des
manifestations de forces obscures ; il paraît guetté par la mort, mais en un
sens inédit, tout à fait étranger à celui que nous avons précédemment relevé,
en traitant de la vacuité d'une essence féminine selon certains auteurs, ou de
la proximité de l'amour et d'un destin fatal... Antigone se sacrifie à la
justice pour la reconnaissance de la dignité personnelle de son frère
Polynice. Electre incite Oreste à tuer leur mère Clytemnestre pour la châtier
du meurtre de leur père Agamemnon. Et le chœur des femmes argiennes, dans Les
Suppliantes d'Euripide, implore le respect du droit des gens pour obtenir
la sépulture de leurs fils glorieusement tombés devant les Sept portes de
Thèbes... Et l'on peut voir, de même, dans une mise en scène de fortune,
suivant des rites sacrés, des femmes réunies en syndicats, se regrouper sur la Plaza
de la Luna, la grande place de Mexico, pour réclamer, en alternant avec des
chants funèbres, rendant hommage aux victimes du dernier tremblement de terre,
et sous le regard d'ombre de quelques figurines aztèques,... la justice du
relogement des familles à laquelle l'inertie et la résignation masculines
semblent avoir renoncé.
Voilà qui laisserait volontiers à
penser que le type féminin connote des tendances dont il convient de se méfier.
Mais les réactions de cette nature échappent au "suffragisme" primaire
ou au militantisme activiste, et elles ne sauraient par ailleurs déclencher
quelque violence ou quelque perturbation que ce soit de l'ordre social, ce qui
est généralement le fait de l'homme que l'affrontement du désordre attire.
Elles sont simplement un rappel : le rappel, selon une sorte de liturgie de
la personne qui ne dit pas son nom, du sens de la justice comme principe
directeur et idéal transcendant de conduite; le rappel, selon des formes
empreintes d'une gravité tragique, que la justice pour laquelle intercède la
femme n'est pas uniquement pensée mais vécue, n'est pas qu'un concept qui se
démontre mais un sentiment spirituel, ou, selon le mot de Dostoievski, une
"idée-sentiment"130 qui s'exprime.
1 Ce texte en version fr., - qui soutient l'idée
d'une différence de personnes singulières au-delà des traits de nature
communs qu'il juge réducteurs et insuffisants dans l'ordre du droit
(critique des limites de la DDH, symbolique en l'année 1989) - ,
reproduit sans modification ou actualisation la partie VI "Différence et
féminité", chapitre 17, p. 243-287, de l'ouvrage de mon ouvrage : Persona
ou la justice au double visage, publié à Gênes, en 1990, au Studio
Editoriale di Cultura, "Biblioteca di Filosofia Oggi", dir. pr P.P.
Ottonello. Les renvois aux autres chapitres, pages et notes de ce livre y ont
été laissés tels quels. Ce même texte a paru dans d'autres versions (actes
colloque), et notamment en langue espagnole, dans la traduction de Rosa
Azparren (Univ. Pampelune), in revue Persona y Derecho, Pamplona, Ed.
Univ., 1996, vol. 34, p. 201-275.
Qu'il me soit permis d'honorer
ici la mémoire du père Joseph de Finance, s.j. (1904-1997), qui, après avoir
professé en divers continents, de l'Amérique à l'Inde, fut longtemps à Rome
doyen de la Grégorienne, et dont l'œuvre immense et mondialement connue peut
inspirer bien des réflexions en notre domaine. Il est notamment l'auteur de L'affrontement
de l'autre, Citoyen de deux mondes et, en 1992, de : En
balbutiant l'indicible, puis en 1993, surtout, de : De l'un et de
l'autre. Essai sur l'altérité (Rome, Ed. pontif. Univ. Gregor.) (diffusion
en France : Ed. Beauchesne, Paris).
J.-M. T.
Conférence
présentée au Colloque international "Masculinidad y Feminidad en el
pensamiento contemporaneo", dir. pr Fr. D'Agostino (Catania, Italie) à
l'Instituto de Ciencias para la Familia (dir. pr P.J. Viladrich) de
l'Universidad de Navarra, Pamplona, 28 septembre 1989. Ces développements
renvoient implicitement au schéma méthodologique: "Présupposés
critiques et axes de recherche", que nous avions exposé lors du Symposium
préparatoire de Pampelune, le 1l mars 1989.
2 Au sens schélérien ou
rnarcellien. Cf. encore, M.Henry, L'essence de la manifestation, Paris, P.U..F.
(Epiméthée), 1963, t.I, p. 40 s. (sur !'être de la réalité humaine).
3 Cf. le vieil essai, toujours
suggestif, de J. Calvet, Les types universels dans la littérature française,
Paris, Lanore, 1932 ; cf. aussi, P .H. Simon, Le domaine héroïque des
lettres françaises, Paris, A. Colin,
1963 (typologie des héros).
4
Cf. ainsi "l'idée concrète" dont parle Boris de Schloezer, Introduction
à J.S. Bach, Paris, Gallimard,
1947.
5 Cf. nos diverses études sur la perception esthétique de la
justice, dans l' Antiquité grecque notamment.
6
Cf. F.J.J. Buytendijk, La femme. Ses modes d'être, de paraître, d'exister, Paris,
Desclée de Brouwer,
1967; H. Deutsch, op. cit., infra.
7 Le sens de l'identité ne
saurait être celui d'une identité simplement corporelle (naturelle), s'il est
sens de la personne métaphysiquement, onto-axiologiquement. Comp. A. Rorty , The ldentities of Person, Berkeley-Los
Angeles, Univ. California Press, 1976.
8 Cf. nos études sur le foetus
et l'embryon ("Dualité ou unité de l'homme", Membra disjecta...). La
théorie de l'union de l'âme et du corps chez Descartes n'entraîne aucun
changement décisif à cet égard. Cf. dans nos Essais, p. 203, et supra,
p. 215.
9 G. Marcel, Homo Viator, Paris,
Aubier-Montaigne, 1963 ("Le voeu créateur"), p. 148-149. Comp. sur la
réduction du vivant à la pensée, Bergson, La pensée et le mouvant, in Oeuvres,
Paris, P.U.F. (éd. Centenaire), 1963, p. 1250 s.; et, sur la façon de poser
le problème dans les sciences de la vie, G. Canguilhem, La connaissance de
la vie, Paris, Hachette, 1952, p. 8 s.
10 Cf. G. Bataille, L'érotisme,
Paris, ed. Minuit, 1957, p. 64 s. Ce qui s'inscrit dans une perspective
cartésienne d'indifférenciation corps mort/cadavre : comp. note 4, supra, et
C. Tresmontant, Le problème de l'âme, Paris, Seuil, 1971, p. 116 s. Chez
Sartre et Genêt, ainsi que chez Witold Gombrowicz, on relève en parallèle la
tendance à l'identification beau/laid appliquée toutefois plus à I'homme
qu'à la femme.
11 Si l'on reprend la formule du
biologiste François Jacob. Ce qui ne signifie pas que le vitalisme ou le
"panbiotisme" ait une valeur explicative et, encore moins, une portée
consolatrice (camp. VI. Jankélévitch, La mort, Paris, Flammarion,
1977. p. 442 s.).
12 Cf. infra.l'interprétation
de cette notion de communauté d'amour à propos des injustices de l'inégalité à
dépasser et à propos de l'indissolubilité du mariage. Et cf. la référence à
Rosrnini, note 103, chez lequel on peut d'ailleurs trouver une heureuse
formalisation de la distinction du conjugal et du parental (ibid).
13 Cf. Kant, Doctrine du
Droit, 1,1, 4, 7, 24, 26 in fine, et Remarques explicalives de
l'Appendice. D'un côté, la communauté conjugale se réduit à une communauté
sexuelle; de l'autre, malgré l'affirmation de l'égalité dans le couple, elle
implique un pouvoir unilatéral du mari sous la forme d'une faculté morale
exigible et susceptible de se traduire dans les termes de la possession intelligible
ou nouménale qui s'applique aux choses matérielles. L'acquisition
de la femme se présente d'ailleurs en parallèle avec les autres acquisitions
patrimoniales (la femme étant un "propre"...), telle que la vente...
Il s'agit là d'une caricature de la communauté d'amour sur laquelle repose
chrétiennement le mariage, comme communauté des personnes (v. infra). Mais
c'est la défInition de la personne du kantisme (cf. nos diverses études sur le
concept de persoone) qui conduit, en raison de son abstraction générique, à de
telles monstruosités.
14 Cf. Aristote, Ethique de
Nicomaque, VIII, 7 s. (bien qu'elle puisse comporter, notamment entre
époux, des liens de subordination, selon le Stagirite). Camp. L
Lombardi-Vallauri, Amicizia, carità, diritto, Milano, Giuffrè, 1967; et
cf., du même auteur, sur les limites du droit dans la conception d'un
"nous" non-exclusif : "Communisme matérialiste, communisme
spiritualiste, communisme concentrationnaire", Arch. philosophie du
droit (Paris, Sirey), 1973, p. 203 s.; et cf. sur le dépassement des
notions kantiennes dans une perspective phénoménologique, p. 187 s.
15 Cf. F. D'Agostino, La
sanzione nell' esperienza giuridica, Torino, Giappichelli (RR), 1989. Nous
distinguons fréquemment ainsi juste absolu (moral et premier) et juste
relatif. Cf. par ex., notre conf. "L'unité de l'expérience des valeurs
morales et juridiques...", (Rome 1988) Riv. internaz. Filos. Diritto (Milano,
Giuffrè), 1989, I. Cf. supra, p. 146 s.
l6 Parmi de nombreuses études,
mais, à notre sens insuffisamment philosophiques (dédaignant implicitement de
s'interroger sur une réelle identité de la femme axiologiquement) et juridiques
(sous-estimant l'importance historique du droit dans les structures
familiales), retenons comme plus proches de nos préoccupatioos et décrivant
l'effet des dernières transformations de la société industrielle et
technicienne: P.M. Kapehammer, Die Frau, Mutter und Hausfrau in der mod.
Gesellschaft, Wien-Graz, 1956; R. von Ungern-Sternberg, Die Frau der
europ. Gegenwart, 1960 ; P.H. et M.J. Chombart de Lauwe (et alii),Images
de la femme dans la société, 1962; J.E. Havel, La condition de la femme,
Paris, A. Colin, 1962. Cf., plus généralement: T. Parsons & R.P. Bales,
The Family socialization and inter-action process, Glencoe, 1955; R.
Hill, A Critique of contemp. marriage and family Research, 1955; A.
Michel, Fonctions et structures de la Famille, 1960; M. Kephart, The
Family, society and the individual, Boston, 1961; A. V. "Réfontes du
droit de la famille", Archives de philo. du droit (Paris, Sirey),
1975; A. V. "Matrimonio e Famiglia ne11a riflessione contemporanea",
a cura di G. Campanini, Roma, Città Nuova (Idee-21), 1977; L. Roussel, La
Famille incertaine, Paris, Ed. O. Jacob, 1989.
17 Schopenhauer, Parerga und Paralipomena, Leipzig,
Reklam, Griselbach, § 367 s.; trad. P. Godet, in La pensée de
Schopenhauer, Paris, Payot, 1918, p. 390-391.
18 Schopenhauer, op. cit., ibid.
19 Cf. Schopenhauer, § 371, et,
dans la trad. citée, p. 395.
20 Nietzsche, Jenseits von Gut und Böse, § 238-239.
On
"ne peut penser au sujet des femmes qu'en Orien
taI" (238).
21
Cf. Nietzsche, § 239.
22
Une idéologie qui peut coïncider avec celle du rendement et de l'efficacité,
qui se combine d'ailleurs fort bien avec des adhésions irrationnelles à des pratiques
magico-religieuses, comme on le voit dans les entreprises les plus
sophistiquées, des U.S.A. au Japon (romans de Fumio Niwa...).
23
Cf. J. Lacroix,La sociologie d'Auguste Comte, Paris, P.U.F., 1967 (3è
éd.), p. 83 s.
24 Cf.
Nietzsche, Le Crépuscule des Idoles, Paris, Mercure de France, trad. H.
Albert, § 27 s. (Maximes etpointes).
25 Cf. nos
conf. "Personne", (Paris II, 1988)
Archives de philo. du droit (Paris, Sirey), 1989 et "La
nature transcendée par la personne", (Univ. Pamplona 1989), Actes des
11 Jornadas internac. de Filos. Derecho, Parnplona,1989, et cf. supra,
p. 185 s.
26 Cf. L.
Feuerbach, L'essence du christianisme, Paris, Maspéro, trad., 1968 -
dont on sait l'influence sur Marx. La vision stirnérienne de
l"'individuel" n'est pas si éloignée de ce mode de pensée enfoncé
dans le générique, et condamnant la femme à cette "existence
d'ombre" dont parle Scheler, formelle et vide...
27 Cf. réf.
dans les ouvrages cités infra réfutant ces analyses.
28 Cf. par
ex. Julius Evola, Métaphysique du sexe, Paris, L'Age d'Homme (Essais),
trad., 1989, p. 241 s.; et, sur les "images signifiantes", F.
Duyckaerts, La formation du lien sexuel, Bruxelles, Dessart &
Mardaga, 1977, nouv. éd., p. 272 s. ("La femme, enfant de l'homme").
29 Cf. Ph. Sollers, Femmes, Paris,
Gallimard, 1983, ou J. Laurent, Les Bêtises, Paris, Grasset, 1971.
30 Cf.
Baudrillard, La société de consommation, Paris, Gallimard (Idées), 1979,
p. 225 s.
31 C'est ce
propos qui définit l'orientation de son livre Le Deuxième Sexe, 2 vol.,
Paris Gallimard (Nrf), 1949. "Quand j'emploie les mots 'femme' ou
'féminin', ajoute l'auteur (en Introduction du tome second L'expérience
vécue), je ne me réfère évidemment à aucun archétype, à aucune immuable essence;
après la plupart de mes affirmations il faut sous-entendre 'dans l'état actuel
de l'éducation et des moeurs'. Il ne s'agit pas d'énoncer des vérités
éternelles mais de décrire le fond oommun sur lequel s'enlève toute existence
féminine singulière". Voilà bien cependant une démarche humaniste qui,
misant sur ce "fond commun" en quelque sorte phénoménologiquement
approché, se situe aux antipodes des interprétations structurales ultérieures,
et, surtout de l'empirisme aujourd'hui répandu.
32 Sur cette tendance, en
rapport avec les concepts hégéliens puis freudiens de reconnaissance et
de regard d'autrui, cf. nos ét. sur la personne, dont la conf. précit. "Personne"
("l'homme générique", "l'homme fonctionnalisé..."). Cf. supra, p. 57 s., p. 60 s.
33 Sur saint Augustin et saint
Thomas d'Aquin, cf. Fr. D'Agostino, "Maschile et Feminile, tra paradigmi
teologici e paradigmi filosofici", schéma provisoire de la relation au
présent Colloque, présenté au Symposium de Pampelune, le 10 mars 1989,
aux numéros 2 et 3.
34 Sur la personne chez saint Thomas, cf. nos diverses études sur la
personne, dont "Le cercle sans origine...", Archives de philo.
droit (Paris, Sirey), 1988, p. 222 s. et les réf.
35 Cf. Luther,Jugement sur
les vœux monastiques, in Oeuvres, Paris, Labor et Fides, III, p. 248
s.
36 Cf. Luther,op. cit,. ibid. Comp. Otto Weiniger, Sex und Charakter, Wien, Braumüller, s.d.
37 Comp. G. Bachelard, La
terre et les rêveries du repos, Paris, J. Corti, 1948, p. 96 s.
38 Dans la prolifération des images
esthétiques, littéraires en particulier, le même style de métaphore apparaît
analogiquement : les formes de l'arche, de la conque, de la nef, du coquillage
- autant d'habitâcles protecteurs -sont souvent évoquées ; ce qui peut être
rattaché à la vertu régénératrice de la femme attirant vers l' ailleurs qu'elle
médiatise (infra, dans cette étude). Chez les poètes, relever Claudel ou
Saint-John-Perse (Vents, Amers, etc.). Et cf. notre essai Une
peinture de l' expectative, Verona, Accad. Cignaroli, Padova, Piccin Editore, in fine. Quant à la
portée proprement religieuse de telles images, cf. les analyses de la
symbolique romane (M.M Davy, par ex).
39 Henry de Montherlant a composé les quatre volumes qui forment Les
Jeunes filles entre 1936 et 1939. Le second volume, Pitié pour les
femmes, vise peut-être à tourner plus en dérision le comportement d'une
mère voulant marier sa fille que l'attitude de la fille elle-même (relativement
au mariage que Montherlant appelle "l'Hypogriphe").
40 Cf. M.J. Sherfey,Nature et évolution de
la sexualité féminine, Paris,
P.U.F. (Le fil rouge), trad., 1976, p.50 s.
41
Cf. notre art. "Membra disjecta. Des séparations fatales à l'unité
de la chair", Rivista
rosminiana di filosofia e di
cultura (Stresa, Sodalitas), 1987 (IV), p. 369 s. Et cf. supra, p.
215 s.
42 Cf. E.
Benveniste, Le Vocabulaire des institutions indo-européennes, Paris, Ed.
Minuit, t.I, 1969, p. 23 s.
43 Nous
laissons la discussion et l'interprétation de cette question controversée à nos
collègues spécialistes intervenant dans ce Colloque : cf. ainsi, surtout, les
rapports de Guillermo Lopez, Aquilino Polaino et Jacinto Choza.
44 Cf. Sherfey, op.cit., p. 52 s.
45 Cf. Sherfey, op.
cit., p.48 s. (dont les vues ont anticipé sur les conclusions de la célèbre
enquête de Masters et Johnson).
46 Cf. C.G. Jung, Types
psychologiques, Paris, Buchet/Chastel, 3è èd., 1967, trad. ; Métamorphoses
de l'âme et ses symboles, Paris, Buchet/Chastel, 4è. éd., 1978, trad. Dans la
perspective de la complémentarité du féminin et du masculin, l'approche de
Gertrud von Le Fort prolonge ce point de vue à un plan poétique et métaphysique.
47 Cf.
Kierkegaard, Journal, Paris, trad. Ferber et Gateau, t. I, 1941.
48 Il est permis de se référer ici à la
convergence de diverses enquêtes-sondages pratiquées auprès des
fernmes célibataires, mariées et divorcées, dont les
résultats démontrent que les qualités masculines attendues et recherchées, par
dessus toutes les autres - leur absence étant génératrice de crise et de
séparation - sont la force physique et morale, procurant un sentiment de
sécurité, et une responsabilité qui se mesure fréquemment à l'intérêt et au
soin apportés à l'éducation des enfants (Le Figaro, 1989).
49 J.J.
Bachofen, Das Mutterrecht, Basel, Benno Schwabe, 1897 (Iére éd.: 1861);
et cf. Lewis H. Morgan, Systems of consanguinity and affinity of the human
family, Washington, 1871. Il subsisterait des traces de ce pouvoir chez les femmes
spartiates (comparées aux Athéniennes ; cf. Orr, à la note 50) et, pensons-nous
aussi, chez les femmes étrusques (cf. I. Heurgon, La vie quotidienne
chez les Etrusques, Paris, Hachette, 1961, p. 46 s., 64 s. 103 s. - sur
Tanaquil.
50 Comp. Ch. Baudoin, Le Triomphe du Héros, Paris,
Plon, 1952.
51 Cf. Bachofen, op. cit., et cf.
D.W. Orr, in La sexualité féminine
controversée (Bamett et alii), Paris,
P.U.F. (Le fil rouge), 1976,
trad., p. 252 s.
52 Cf., ainsi, à
propos de l'historien anglais Kitto auquel l'on reproche d'appliquer les
schémas de l'époque
victorienne : Orr, art. précit. ibid.
53 Cf.
G.R. Taylor, Sex in History, New York, Vanguard Press, 1954. Il suffit de se
reporter aux Lais de
Marie de France ou, plus tard, à l'Heptameron de Marguerite
d'Angoulême.
54 Cf. H. Deutsch, La
psychologie des femmes. Etudes psychanalytiques, I, Paris, P.U.F. (Bib.
Psycha.), 1974, trad., 3è éd., p. 248 s. Ainsi, à ppropos de George Sand - "Madame de Musset" -, p. 255 s.
Cette représentation de la femme contraste étrangement avec celle qui ressort
des plus belles pages littéraires composées pas des écrivains femmes et
attachées à montrer la faiblesse et la passivité (deux thèmes
majeurs) en tant qu'exploitées par un homme arrogant et peu scrupuleux qui
n'attend rien d'autre que la reconnaissance de sa supériorité de comportement
ou de jugement : cf. S. de Beauvoir, Le Deuxième sexe, t. II, op.cit.,
p. 528 s. ; M. Yourcenar, Les Mémoires d'Hadrien, Paris, Plon, 1951,
p. 93 s. ; M. Duras, L'amant, Paris, Ed. Minuit, 1984 (voir sur le
"laisser" être du corps, du "dire" etc.).
55 Le phénomène est connu et les
études en sont nombreuses. Il est le reflet d'un incontestable matriarcat pour
ne pas dire gynécocratie - unique dans l'histoire et déjà signalé dans
l'Antiquité, au point de vue successoral surtout : cf. Strabon, Géographie,
III, IV et cf. note 59 in fine.
56 Cf. H. de Balzac, entre
autres : Paris marié. Philosophie de la vie conjugale, Paris, Hetzel,
1846 ; Scènes de la Vie privée, Paris, Marne, 1830-32, etc., et M.
Jouhandeau, Chroniques maritales, Paris, Gallimard, 1962. Cf. aussi le
personnage plus sombre de Génitrix chez F. Mauriac. Mais le regard de la
femme s'agissant de l'argent peut être implicitement désapprobateur de tout
attachement passionnel, comme le montre la peinture : cf. notre art.
"L'argent ou la justice aux enfers", Corps écrit (Paris,
P.U.F.), 1987 p. 21 s., et en version anglaise: "Money or Diabolical
Justice", in Revista argentina Univ. Rosario. Et sur la perception
masculine de la femme à travers l'argent, cf. le personnage de Thomas Pollock
Nageoire, dans L ' Échange de Claudel.
57 Cf. R.
Pernoud, La femme au Moyen-Age, Paris, Stock, 1987. Et comp. Ellul, infra,
note 58.
58 Cf. Fr.
Olivier-Martin, Histoire du droit français des origines à la Révolution, Paris,
Domat-Montchrestien, 1951, 2è tir., comp. p. 412, n. 312, et p. 655, n. 490.
L'auteur conclut, concernant ce mépris des femmes, en regrettant que l'on
"n'ait su garder... la générosité pour les faibles que le sentiment
chrétien avait inspirée, malgré les rudesses du siècle, aux juristes
contemporains de saint Louis" (p. 655). Il n'est reste pas moins que la
femme investie de diverses responsabilités, de "général" de paroisse
- circonscription administrative -, par exemple (en un temps où "le
suffrage n'était pas lié à la personne elle-même, comme dans le droit issu de
la Révolution, mais à l'existence d'intérêts séparés, si modestes
soient-i1s"- p. 412) n'était pas considérée nécessairement comme un être
"faible". Comp. J. Ellul,Histoire des institutions, Paris,
P.U.F. (Thémis), t. 3, 1969, p. 123 s., 182 s. (à propos de la situation
médiévale). Sur l'esprit de la codification française de 1804 et de la première
grande réforme globale des régimes matrimoniaux (1965), avant la reconnaissance
totale de l'égalité entre époux, cf. J. Carbonnier, Essais sur les lois, Paris,
Rép. Defrénois, 1979, p. 40-50 ; F. Terré, "La signification sociologique
de la réforme des régimes matrimoniaux", Année Sociologique (Paris,
P.U.F.), 1965, p. 3 s.
59 Cf. O.R. Kissel, Die Justitia. Reftexionen über ein Symbol..., München, C.H.
Beck, 1984, p. 1l s., 55 s. Une exception confirmant le rôle considérable de la
femme dans les traditions pyrénéennes mentionnées supra, note 55 :
Plutarque relève avec étonnement que les soldats d'Hannibal, franchissant les
Pyrénées, se sont vus imposer des conditions de jugement par des femmes,
spécifiquement déléguées aux fonctions judiciaires (De Virtute Mulierum).
60 Cf. K. Sessar, "Die Frau vor den Toren der
Jurisprudenz", Strafrecht, Strajprozessrecht und Kriminologie in Festschrift
Pz Pallin, herausgeb. Melnizky & Müller, Wien, Manzsche/Univ., 1989, p. 401
s. (et les réf.).
61 Sur cette coutume, cf. F. Nicolay, Histoire des
croyances..., Paris, V. Retaux, 1. ill, s.d., p. 93 s.
61 Sur cette coutume, cf. Nicolay, Histoire des croyances…,
Paris, V. Retaux, t. III, s.d., p. 93 s.
62 Cf. Vila Apoll., IV, 25,
trad. Chassang,
1862 : cf. R. Caillois, "Le mythe et le monde", in Le mythe et
l'homme, Paris, Gallimard, 1938, p. 70 s. (ainsi que sur les moeurs des
mantidés ).
63 Cf. chez Baudelaire ce que Pierre Emmanuel a appelé "la
mystique du gouffre": P. Emmanuel, Baudelaire, Paris, Desclée de Brouwer,
1967, p. 61 s.. Cette image satanique de la femme (par ailleurs aisément convertible
comme le sont toujours pascaliennement les extrêmes) ressort aussi de la
jurisprudence des tribunaux répressifs médiévaux, s'agissant des criminelles
auxquelles l'on réservait la peine significative (kathartique) du feu : cf. Y.
Bongert, Histoire du droit pénal. Cours de doctorat, Paris, CD, 1974 ;
Anony., L'Ancienne France. La justice et les tribunaux, Paris,
Firmin-Didot, 1888, I, II.
64 Comp.
notre ouvrage Une peinture de l'expectative, op. cit., à propos du
personnage d'Ildico chez le peintre Federico Bellomi.
65 Titre du
roman de Julien Green, publié en 1950 (où le héros réagit à la fascination
féminine par le meurtre).
66 "la dame angélique de Dante,
mais virée au noir", comme le dit J. Gracq, Préférences, Paris, J.
Corti, 1961, p. 212. Comp. aussi, R. Barthes, "La Sorcière" (à propos
du livre de Michelet), in Essais critiques, Paris, Seuil, 1964, p. 113
s. À l'opposé de cela, on peut évoquer le silencieux dialogue avec la mort,
avec les ombres, qui s'attache mystérieusement à ta présence sentie de la
disparue : comp. Y. Kawabata, La danseuse d'Izu, Paris, A. Michel, 1973,
trad. La femme semble triompher au contraire de la mort, du moins en démystifier
l'injustice pour l'homme en l'obligeant à en apprivoiser l'idée comme celle
d'une continuation. Elle l'aide à franchir le pas, ce qui pourrait en somme
s'intégrer à sa fonction médiatrice et régénératrice (cf. inf.). Il y a
cependant aussi, selon les grands mythes et la littérature épique que nous
évoquions tout au début de cette étude, une sorte de promesse de mort dans
l'amour porté au plan absolu (comp. Le Roman de Tristan et Iseut, ch. IV , in fine - éd. J. Bédier,
Paris, Ed. Art, 1946, p. 57 : "... vous avez bu l'amour et la
mort..."; et cf. Ronsard, Hélène, n. 78 : "Car l'Amour et la
Mort n'est qu'une même chose..."). D'où l'ardeur à un combat visant à
éviter l'abandon aux forces qui pourraient entraîner à cet anéantissement ;
combat où la femme prend parfois le dessus pour revendiquer son égalité avec
l'homme : cf., à propos de l'Orlando Furioso du Tasse, V. Mathieu, Phénoménologie
de l'esprit révolutionnaire, Paris, Calrnann-Lévy, trad., 1972, p. 281
("Le combat d'amour").
67 Cf. Nicolay, op. cit., p.
326 s. (sur certaines sociétés africaines et sur l'exemple du Yucatan).
L'auteur traite aussi deta situation de la femme chinoise et indienne, dont on
connaît l'état d'assujettissement extrême. Pour une ample bibliographie
relative à des publications récentes sur ce sujet, et sur la condition féminine
dans les pays arabes, consu1ter: A. Cuvillier, Manuel de sociologie, Paris,
P.U.F., t. II., dernière éd. -sur les par. 179181 (Sociologie domestique) et
dossiers IMA/Ec. HESS/Le Monde.
68 Cf. nos
diverses études sur la personne, ainsi "Personne", précit.
69
"Persona nominat quid completum", dit saint Thomas, I, Sent., d.
33, q. 1, a.3 et cf. notre texte précit. in
fine, note 66 ; cf. supra, p. 65 s.
70 Cf. Baudrillard, op. cit., p. 141.
71 Cf. sur saint Augustin et surtout saint Thcxnas
(que nous visons implicitement ici), Fr. D'Agostino, document provisoire précité
(note 32), aux n. 3-4, avec les reférences ncxnbreuses (notamment à Bôrresen...).
72 Sur le premier aspect : l'imago dei, cf. surtout Jean
Paul II, Mulieris Dignitatem. Lettre apost., trad., Paris, Cerf, 1988,
n. 6, p. 28. Sur la domination sur soi et sur la création, cf. la même
lettre, ibid., et sur le concept thomiste de dominium sui actus,
cf. notre texte précit. "Personne" , in fine et
note 65, ainsi que K. Wojtyla, Personne et acte, Paris, Le Centurion,
trad., 1983, p. 127 s.
73 Cf. Fr. D' Agostino, document provisoire précit., n.
5. Sur la tradition de l'Eglise, cf. les réf. données par Jean-Paul II, op.
cit.
74 Cf. notre art. "Membra
disjecta...", précit. (note 40) et C. Tresmontant, op. cit., (note
9). Cette sexualisation dès la personne ainsi comprise montre en même temps l'individuation
profonde de la femme, d'où sa spécificité (cf. en ce sens, C. Lavaud, "Le
différend de l'homme et de la femme", Communio (éd. fr.), 1982, p.
21). Nous nous sommes précisément attaché sans cesse à ne pas dissocier -
contrairement à Aristote, et dans une perspective où l'enseignement de Rosmini
est précieux - la personne de l'individualité, ce qui explique du
même coup le caractère ontologiquement irréductible de la personne (cf. notre
conf. "Le cercle sans Origine…", Archives de philo. du droit, 1988,
p. 222 s.). Il peut paraître insuffisant de définir l'individualité sans
distinguer nature et personne, et sans au surplus relier la différenciation
individuelle à la différenciation élémentaire des sexes comp. G.
Simondon, L'individuation psychique et collective, Paris, Aubier, 1989).
75 C'est Marie "Theo-tokos" qui le prouve : l'union
à Dieu accordée à la Vierge Marie, nouvelle Eve, archétype de la femme,
concerne en effet sa personne, non sa nature, son corps - cf. le Concile
d'Ephèse, en 431, et Jean-Paul II, op. cit., n. 4, p. 22-23, ainsi
que la p. 68. Une littérature de style journalistiqu, s'est emparée de ce thème
facile de la gratuité de la maternité pour montrer - en en restant à une
conception strictement mais paradoxalement naturaliste et substantialiste -
que l'instinct maternel est aussi relatif que le faisaient apparaître les
enquêtes, - à resituer dans leur contexte épistémique et herméneutique -, de C.
Lévi-Strauss, dans les Structures élémentaires de la parenté, Paris, P
.U.F., 1949.
76 Cf. Jean-Paul II, op. cit., n. 6, p.
28-29, et les réf.
77 Cf. Jean-Paul II, op. cit., n. 7, p.
30.
78 La relation entre l'homme et la femme imite
donc la relation trinitaire et tend à la même unité. Cf. JeanPaul II, op.
cit., ibid. et p. 31. Comp. R. Brague, "Métaphysique de la volonté et
théologie de l'amour", Résurreclion,1972(38), p.136-137.
79 Cf. Jean-Paul II, op. cit., n. 18,
p. 68.
80 Cf. Jean-Paul II, op. cit., n. 24, p.
85. Comp. H.U. von Balthasar, "De la haute dignité de la femme",
trad., Communio, 1982, p. 27 (sur la comparaison, en outre, des
relations homme/femme avec les relations Père éternel/Fils éternel).
81 Cf. G. Martelet, Libre réponse à un scandale.
La faute originelle, la souffrance et la mort, Paris, Cerf, 1987, 3è éd.,
p. 54-55.
82 Cf. Jean-Paul II, op. cit., n. 9, p.
38.
83 Cf. G. Fessard,
"Dialectique de la société", Recherches de science religieuse, 1948,
p. 168 s.
84 Molière, L 'École des femmes, tirade
d 'Arnolphe, Acte III, scène 2.
85 On trouve chez Pothier 1'affirmation
complète : "La puissance du mari sur la personne de la femme, consiste,
par le droit naturel, dans le droit qu'a le mari d'exiger d'elle tous les
devoirs de soumission qui son dûs à un supérieur" (Traité de la
communauté, t. I, Paris-Orléans, Debure/Rouzeau, l770, I, I, p. 2).
"Droit naturel", mais d'une nature non référée à la personne !
"Communauté", mais de subordination unilatérale !
86 Sur cette disparition de la communion des personnes comme
communion d'amour, et sur la perte de l'égalité qui s'en suit, cf. Jean-Paul
II, op. cit., n. 9-10, p. 39 s.
87 Cet unique hypostasié comme absolu et divin peut donc revêtir
l'aspect de la femme : cf. Bradley, MacTaggart, Bosanquet, ou les romanciers
E.M. Forsters, Ch. Morgan (Sparkenbroke, Fontaine, Le Fleuve étincelant...).
Quant à Ronsard et J. du Bellay, ils font en quelque sorte pendant à Botticelli
et non à Léonard qui suit la voie empiriste occamienne...
88 Comp. Cl. Mauriac, Toutes les femmes
sont fatales, Paris, A. Michel, 1957, p. 293.
89 Cf. Marcuse, Éros et Civilisation, Paris, Ed. Minuit,
trad., 1963. Il est symptomatique d'une certaine "mauvaise
conscience" qu'engendre la technique dénoncée d'invoquer, à l'opposé de ces
vues, la "machine désirante" consacrant la mort de l'homme, la fin
de toute perception humaine accusée d'anthropomorphisme: cf. G. Deleuze et F.
Guattari, L'Anti-Oedipe., Paris, Ed. Minuit, 1975, p. 350 s.
90 C'est ce à quoi exhorte précisément Jean-Paul II, Familiaris
Consortio, Exhort. apost., n. 4
(trad. fr., Paris, Le Centurion, 1981, p. 9). Sur le règne de l'opinion
et la crainte d'agir en opposition à elle qu'elle suscite, dans l'esprit retenu
ici, cf. Kierkegaard (Discours chrétiens, III), Scheler (L' homme du
ressentiment - cela pourrait être la femme ...), et G. Marcel, Homo
Viator. op. cit., p. 138.
91 Cf. la précieuse synthèse d' A. Viandier, Recherche de
légistique comparée, Fondation Européenne de la Science (Strasbourg) (dir. S. Strohölm): "Le processus législatif",
Berlin/Heidelberg, N. Y., Springer Verlag, 1988.
92 Comp. J. Fourastié, Les 40.000 heures, Paris,
Denoël-Gonthier (Médiations), 1972, p. 200 s. Sur les effets de l'opinion
publicitaire, cf. J. Baudrillard, op. cit., p. 149 s. On peut
aussi méditer les réflexions anticipatrices de Gabriel de Tarde, L'opinion
et la foule, nouv. éd., Paris, P.U.F., 1989. Ad. du point de vue des
conditionnements du corps féminin et de son image, les études de Packard: La
persuasion clandestine, Le sexe
sauvage, Paris, trad. fr. aux éd. Calmann-Lévy.
93 Cf. R.M. Rilke, Lettres à un jeune
poète, Paris, Grasset, 1965, trad., p. 81 s. ; comp. J. Guitton, L
'amour
humain, Paris, Montaigne, 1948, p. 233 s.
94 Comp. l'appréciation excessivement négative
(vis-à-vis de la femme) de S. de Beauvoir, op. cit., p. 547 s.
95 Cf. H. Deutsch, op. cit., p. 248 s.
(ex. de la femme ainsi portée au rejet des enfants).
96 Cf. Jean-Paul II, Mulieris
Dignitatem, op. cit., n. 10, p. 42.
97 Comp. supra, note 12, sur Kant.
98 Comp. Schopenhauer, supra, et cf. Hegel,
Phénoménologie de /'esprit, Paris, Aubier, trad. Hyppolite, t.
II, 1947, p. 25 s.
99 Cf. S. de Beauvoir , op. cit., p. 217 s. - Sur la
fonctionnalisation par la généricité et son refus de l'individualité, nous
nous sommes déjà expliqué dans nos art. et conf. Précit. : "Le cercle sans origine...",
"Personne", etc. Et cf. la notion de personnalité
socio-métrique chez D. Riesman, La foule solitaire, Paris, A.
Arthaud, 1969, trad. fr. C'est sans doute le point qui a été peu compris dans
la critique de Kafka visant les aliénations bureaucratiques et l'impossibilité
d'un lien de reconnaissance entre les
personnes (drame de ses ruptures successives comme Kierkegaard).
100 Comp. Jean-Paul II, op. cit., n. 29,
p. 97, et Redemptor Hominis, n. 10.
101 Cf.
Jean-Paul II, ibid. C'est l'originalité du mariage tel que l'a compris
et osé l'affirmer le christianisme, comme le montre parfaitement J. Guitton, op.
cit., p. 199 s. ; et cf. également, D. de Rougemont, L'Amour et
l'Occident (1939), G. Thibon, Ce que Dieu a uni (1955)... - Comme
test significatif de cette singularité de conception à l'encontre d'une
conception génésique ou patrimoniale (mariage-reproduction : cf. la pièce de G.
Marcel : Croissez et multipliez!, Paris, PIon, 1955, ou mariage-union
des fortunes : cf. Boileau, Beaumarchais ou Mauriac...), il faut rappeler le
conflit qui a historiquement opposé, en France comme ailleurs, le pouvoir royal
à l 'Eg1ise romaine en matière de liberté du consentement au mariage!
102 Cf. supra. Cette opinion se trouve habituellement
illustrée par la tradition littéraire (ex. de Montaigne, Essais, III, V
- mais, sur les contradictions de l'auteur, typique à cet égard, lire les
belles pages de J. Starobinski, Montaigne en mouvement, Paris,
Gallimard, 1982, p. 169 s. - "Le moment du corps"). Mais on la trouve
parfois aussi chez des penseurs chrétiens (ex. M. Blondel, L'Action, Paris,
Alcan, t. II, 1936, p. 262 s. Par contre, cf. Marcel, op. cit.).
103 Cf. supra, et cf. Jean-Paul II, toutes les réf.
précédemment données. Cette unité est le reflet de l'unité trinitaire (cf. supra).
Quant à l'effet d'une telle unité qui assemble l'homme et la femme dans leur
nature et dans leur personne, il ne saurait être de faire disparaître, ou en
quelque sorte fusionner radicalement, les persoones métaphysiquement parlant,
dont le principe de vie en son acte incommunicable subsiste canme tel. L'unité
désigne un "troisième terme", unificateur et médiateur. Sur la subsistence
des personnes, cf. Rosmini, Filosofia del Diritto, Padova, Cedam, t. IV,
1969, n. l065 s., p. 1019 s., et sur la discussion à propos de ce point, cf. G.
Ambrosetti, "Matrimonio e famiglia nell'aspetto filosofico e
giuridico", in La società domestica, Rana, Città Nuova, 1982.
104 Cf. Jean-Paul II, Audience du 16.XI.1988, trad. fr., Disc.
921 (Paris, Téqui), n. 7, citant s. Thomas (IaIIae, q. 113, a. 9, ad 2):
un "instant de grâce vaut bien plus que tout l'univers" ...
105 Sur l'indissolubilité de la communauté des
personnes en tant que communauté d'amour en ce sens : cf. Jean-Paul II, Familiaris
Consortio, n. 18 s. (et sur la notion de communauté, cf. D. von Hildebrand,
Metaphysik der Gemeinschaft, Regensburg, 1975, p. 155 s.)
106 Distinction marcellienne (cf. Marcel, Essai de philosophie
concrète, Paris, Gallimard, 1940, p. 220 s.),la distinction précédente se
situant dans la perspective commune des études de Le Senne, Nédoncelle, Jankélévitch.
Cf. aussi, plus littérairement, D. de Rougemont, J. de Bourbon-Busset (Le
jeu de la constance, Paris, Gallimard, 1972). Ad, notre conf,
"Promesse et appropriation du futur", Le droit et le futur, Paris,
P.U.F., 1985, p. 65 s.
107 Cf. J. Hervada, "Libertad,
naturaleza y compromiso en la sexualidad humana", Persona y Derecho (Pamplona),
1988 (19**), p. 110. Ce qui renforce l'indissolubilité, cf. réf. note 105 supra
; ad.: Familiaris Consortio, n. 20; constit Gaudium et
Spes, n. 48, et Fr. D'Agostino, "Matrimonio e indissolubilità",
in Diritto e Secolarizzazione, Milano, Giuffrè, 1982. - Les raisons qui
conduisent au rejet du divorce justifient le rejet de la répudiation : cf.
Jean-Paul II, Mulieris Dignitatem, n. 12, p. 52 (commentant le :
"C'est en raison de la dureté de votre coeur...") ; et cf.
analogiquement, à propos de la femme adultère, l'homme étant co-responsable
d'un péché pour lequel elle est seule à payer : Jean-Paul II, op. cit., n.
14, p. 57. - Nous écartons en tout ceci l'annulation de mariage permise par le
Code de droit canon qui se fonde sur l'atteinte précisément à la
"communauté d'amour", dont l'interprétation se situe dans cet
esprit-même qui est de ne pas occulter les facultés de se
"reprendre": il peut y avoir inaptitude totale à toute reprise du
seul fait d'un mariage vicié par erreur, crainte révérentielle, calcul patrimonial
avéré etc. Cf. les publications fr. de L'Année canonique (Paris) et Revue
dr. canonique (Strasbourg) ainsi que les diverses études parues sous la
dir. du prof. P.J. Viladrich à l'ICF de Pamplona ; ad. Ius Canonicum, (dir. J. Hervada),
périod. Pamplona, Eunsa.
108 Montherlant, Mais aimons-nous ceux que
nous aimons? , Paris, Gallimard, 1973. M. n'est pas l'\m des meilleurs
exemples étant donné la préférence (comme un Jules Romains) pour une nature au
sens stoïcien.
109 Comp. nos analyses dans divers écrits,
dont "L'unité de l'expérience des valeurs morales et juridiques...",
(conf., Rome, 1988), "La nature transcendée par la personne" (conf.,
Pampelune, 1989) ; cf. supra, p. 185 s.
110 Comp. S. Amato, Sessualilà e corporeilà. I limiti
dell'idenlificazione giuridica, Milano, Giuffrè, 1985 (col. Univ.
Catania - 106), p. 165 s., et les divers art. publiés dans le numéro spécial de
la revue Philosophy and Public Affairs (Princeton Univ. Press), 1975.
111 Cf. Suarez. De Legibus II, 13 sq., et
M. Sanchez Izquierdo. in Estud. Legaz y Lacambra. Univ.
Compostela, 1960, t. I., p. 433 s. et G. Ambrosetti, La filosofia delle
leggi di Suarez. Roma,1948.
112 Cf. notre art.
"Membra disjecta...", précit., ainsi que notre note critique
"Génétique et droit" (à propos de l'ouvrage de F. Terré, L'enfant de l'esclave, Paris, Flammarion, 1987), Archives
de philo. du droit, 1988, p. 379 s.
113 Cf.
notre ét précit. "L'argent ou la justice aux enfers". La femme
aura toutefois de plus en plus vocation à gérer des valeurs mobilières par
profession, qu'elle soit conseillère sociale, notaire, ou, phénomène nouveau,
agent de change. Mais elle est en position d'intermédiaire et n'agit plus pour
elle-même et sa famille. Nous ne prétendons naturellement relever ici que
simples tendances dominantes, variables selon les pays.
114 La
distinction technique administration/disposition, comme l'enseignent les
ouvrages de droit des régimes matrimoniaux, tient compte de l'incidence de
l'acte sur le capital que forme le bien objet de l'acte, de sorte que l'acte
qui porte sur un élément du revenu est librement autorisé à un seul des époux
comme acte d'administration (vente de récoltes ou bail).
115 Comp. F. Terré, L'influence de la volonté
individuelle sur les qualifications, Paris, L.G.D.J., 1956. C'est dans le
domaine de la protection sociale (aide aux jeunes mères par ex.) ou de la
législation sur le travail (interdiction du travail de nuit ou des activités
dangereuses pour les femmes, voire priorités accordées aux femmes pour
certaines fonctions) qu'un minimum d'individualisation a pu apparaître. On peut
concevoir (comme c'est le cas pour certains soins médicaux ou para-médicaux et
pour l'économie sociale et familiale), des filières professionnelles
spécifiques, au-delà même de l'idée d'un accès égal aux professions que les
hommes peuvent aussi rechercher.
116 La Vingt-cinquième heure.
117 Der Kampf ums Recht (1872) ("mon droit est le
droit"). En bref, comme l'écrit G. Apollinaire (La femme assise, Paris,
Gallimard, Nrf, 1948, p. 143) : "... pour sauver la race humaine, il faut
bien que la femme ait les mains libres".
118 Arcane 17 (1947). Ce n'est pas qu'à
la femme, c'est à l'amour de l'homme et de la femme, sous l'efficace féminin,
que Breton attribue cette puissance, en des termes proches d'ailleurs
d'Evdokimov cité infra.
119 Contra : G.
Bataille, cf. supra, note 10.
120 Rilke, op.cit., p. 83 (jouant sur le
passage du "complémentaire" au "complet").
121 Définition thomiste de la personne comme
ayant le dominium sui actus, cf. supra, note 72.
122. Cf.
R. Wagner, Mes oeuvres, Paris, Corrêa, 1942, trad., p. 132 : "De
l'horreur de la détresse, il marche vers la rédemption ; dans l'épouvantable
désert humain de son existence, seule, une femme lui apportera le
salut!"... - Cette scène symbolique se situe aux antipodes de celles où
la femme paraît responsable de la mort (bien qu'il y ait ici aussi une mort qui
rôde mais qui sera dépassée...) ; à l'opposé également des scènes d'humiliation
ou de ridiculisation de l'homme, dont l'intensité tragique n'a jamais été si
forte que dans L'Ange bleu, lorsque Marlène Dietrich expose à la
risée publique le professeur Unrath...
123 Cf. notre essai Une peinture de l'expectalive, op. cil.,
passim. (exemple de l'eau, féminine par défmitioo, qui est aussi celle
sortie du côté du Crucifié...)
124 Cf. Jean-Paul II, op. cit., n. ll, p. 45-46 (dans le
Christ, au surplus, "1'opposition réciproque entre l'homme et la femme -
héritage du péché originel - est fondarnentalement surmontée. 'Tous vous ne
faites qu'un dans le Christ Jésus', écrira l'Apôtre Ga 3,28.)".
125
K1opstock, La Messiade, trad. Kouzrock, vol. III, Paris,
Henrichs, An IX, Chant XV, p. 388 s. Quant à la tradition patristique, elle est
si bien établie que l'on peut s'étonner du jugement imprudent de S. de Beauvoir
quand elle affinne qu'au contraire elle voue la femme à l'entretien du foyer et
à l'immanence, tandis que l'homme
se réserve la transcendance! (op. cit., p. 200).
126 Cf. Jean-Paul
II, op. cit., n.16, p. 62 s. et les réf.
127 Cf. P. Lagerkvist, Mariamne, Paris, Balland, trad.,
1981. Et sur le rapport à s. Catherine, cf. M.A. Raschini, in Renovatio,
1989 (2), 288.
128 Sur ce thème, cf. Dom J. Leclercq, "La femme dans la
théologie monastique au Moyen Age", Communio (éd. fr.), 1982, p. 66
(en réf. à Rupert de Deutz et, surtout, à s. Bernard). Cf. aussi, exaltant la
force que l'amour tire de l'unicité comme trait spécifique de la personne, P.
Evdokimov , Le Sacrement de /'amour, Paris, Desclée de Brouwer, rééd.
129 Sur l'"éros" rattaché au juste et comme condilion
de l'action polilique, cf. St. Tzitzis, "Eros et justice chez
Platon", in Éros et Droit en Grèce classique, Paris, Belles-Lettres
(Études de philosophie et d'hist. du droit), 1988, p. 95 s.
130 Comp.
Dostoievski, L'Adolescent (les méditalions de Versilov).
Jean-Marc
Trigeaud, n. 28 déc. 1951 à Bordeaux, philosophe et juriste de formation,
lauréat et docteur d’État de l’Université Panthéon-Assas (Paris II), il
est professeur de philosophie du droit à l’Université Montesquieu Bordeaux IV.
Il appartient à
diverses institutions scientifiques internationales et académies étrangères (il
est notamment Membre d’honneur de l'Académie Royale Espagnole (section
législation et jurisprudence), de l’Académie des lettres et arts de
Modène et Correspondant de l’Académie nationale de droit et sciences
sociales de Cordoba/Arg., co-fondateur de la Société internationale pour
l’unité des sciences). Il figure au comité de direction scientifique de
nombreuses collections et revues internationales (il est ainsi co-rédacteur en
chef. des Archives de philo. droit; Paris, Sirey).
Traduit en
plusieurs langues, il est l’auteur de plus de deux cents publications
principales en philosophie du droit, dont plus d’une dizaine d’ouvrages
fondamentaux. Plus de huit mille pages publiées ayant donné lieu à plus de cent
cinquante articles de recension et recherches
universitaires dans le monde. Son domaine essentiel demeure la
philosophie juridique, politique et morale dans une orientation résolument
métaphysicienne et soucieuse d’une ouverte à la théologie. Il s’est enfin
engagé, suivant les mêmes thèmes et perspectives, dans l’approche comparée des
mythes et des cultures et dans la critique esthétique.
Aspects
bio-bibliographiques : American Biographical Institute et Philosopher’s
Index ; Justice et tolérance : chap. X.I ;
Métaphysique et
éthique... : chap.10.
DU MÊME AUTEUR,
hors B.P.C.
La possession des
biens immobiliers, nature et fondement, (prix Picard Université de Paris II),
préf. F. Terré, Paris, ed.Economica, 1981, X-632 p.
Essais de
philosophie du droit, Gênes, Studio ed. di Cultura (col. “ Bib. Filosofia
Oggi” –35), 1987, 350 p. (épuisé)
Une peinture de
l’expectative. Essai sur l’esthétique de F. Bellomi (bilingue),
trad. Vittoria Ambrosetti-Salvi, Vérone, Accad. Belli Arti, Cignaroli, 1988
Philosophie
juridique européenne. Les institutions. (dir. J.-M. T.), L’Aquila-Roma, ed.
Japadre (col. « Categorie Europee » - 16), 1988, 216 p.
Persona ou la
justice au double visage, Gênes, Studio Editoriale di Cultura (col. « Nuova
Bib. Filosofia Oggi » - 1), 1990, 300 p. (épuisé)
Notices de
philosophie du droit à l’Encyclopédie de philosophie universelle, Paris,
P.U.F., volumes « Notions », 2 t., 1990, et « Œuvres », 2
t. 1991, et au Dictionnaire de philosophie politique, Paris, P.U.F.,
1996