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DE PHILOSOPHIE COMPARÉE
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MIGUEL
REALE
Traduction de
Giovanni Dell’Anna,
Préface de
Candido Mendes,
Présentation de
Jean-Marc Trigeaud.
Ouvrage publié
avec le concours de l’Université « Candido Mendes » de Rio de
Janeiro et du Conseil international des Sciences sociales de l’Unesco .
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Préface : Miguel
Reale, l’œuvre et la maîtrise achevée.
Présentation.
Introduction.
I. Préliminaires au criticisme
ontognoséologique
II. Sens de la pensée de notre
temps
III. Logique et ontognoséologie
IV.
De la culture en tant qu’objectivation et positivité
V.
De la phénoménologie à
l’ontognoséologie
VI.
Dialectique et culture
VII.
Valeur et expérience
VIII.
Nature, Histoire et Culture
IX.
A la frontière de la métaphysique
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Œuvre de synthèse
de l’un des plus importants philosophes, juristes et poètes brésiliens de ce
siècle, pour la première fois traduit en français. Parmi les quelque soixante
volumes de l’Opus Reale qui comptent avant tout des essais métaphysiques biens
connus des spécialistes mais aussi des études de théorie juridique et
politique, cet ouvrage aborde le problème essentiel des conditions de la
connaissance à partir du concept d’expérience et sous l’éclairage d’une
axiologie, en marquant un dépassement de l’historicisme, de la phénoménologie
et des philosophies existentielles. Il saisit ainsi l’axe autour duquel
gravitent les diverses formes de création culturelle, de l’esthétique au
juridique.
Membre de l’Académie
Brésilienne des Lettres, Président-fondateur de l’Institut brésilien de
Philosophie, Directeur de la Revue brésilienne de philosophie, Président
honoraire de l’Association internationale de Philosophie du droit et de
Philosophie sociale (IVR), ancien
secrétaire d’État et ancien Recteur de l’Université de São Paolo, il a aussi
marqué profondément l’histoire politique et constitutionnelle de son pays.
Ayant connu des engagements intellectuels variés, trotskystes dans les années
trente, invité spécial des congrès internationaux de philosophie, Venise,
Vienne, Mexico, Sofia, Düsseldorf, Brighton…, il est à l’origine du mouvement
culturaliste et de l’école française des sciences humaines qui s’est formée São
Paolo à l’époque de Tristes tropiques.
Des mélanges lui
ont été offerts à trois reprises dont récemment pour son quatre vingt dixième
anniversaire par l’Université de Porto Alegre. L’Académie Brésilienne
lui a consacré une exposition photo rétrospective durant l’hiver 2000-2001, à
son siège de Rio de Janeiro.
De nombreuses
recensions et études ont été publiées sur Reale, dans des revues françaises,
notamment aux Archives de philosophie du droit
Miguel
Reale est venu présenter publiquement cet essai en juin 1990 à Bordeaux, où il
n’a cessé de revenir régulièrement depuis.
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La compréhension
de la culture en tant que processus d’objectivations et de positivations n’est
plus que le dédoublement dans le temps historique d’une caractérisation
essentielle à tout acte de connaissance, car, en dernière analyse, penser
est objectiver, ce qui démontre que la praxis n’est pas antérieur
ni postérieure au moment théorétique car les deux aspects sont inséparables de
la même prise de conscience du monde, ce qui ne signifie pas, bien entendu,
qu’il y a eu, dès le début, une expression de rationalité, originairement
impossible.
Mais reprenant
l’étude de la connaissance dans l’état actuel de l’évolution de l’espèce, où la
connaissance aboutit à un « acte conceptuel », dans l’objectivation
d’un jugement ou d’une inférence, il convient de chercher ce qu’il représente
dans la fonctionnalité « subjectivo-objective ».
Le fait que nous
pouvons rien dire d’ « aliquid » jusqu’à ce qu’il ne soit perçu
ou pensé ou en cours de perception ou de cognition, ne nous autorise pas à
inférer que la seule réalité concrète soit celle de la pensée elle-même dans
l’acte de penser. Cela reviendrait à dire que, comme rien n’est susceptible
d’être perçu sans la lumière, la lumière est, in concreto, l’être de toutes
les choses. La pensée est toujours pensée d’« aliquid », à savoir
un moment de l’appréhension de quelque
chose en tant qu’objet qui se pose, qui devient positif dans le
temps.
La pensée (et en
parlant de la pensée j’englobe l’acte de perception qu’elle dépasse et intègre)
par sa propre structure, ne pose pas, d’une manière absolue, l’objet en
l’extrayant tout entier d’elle-même, parce qu’elle présuppose ou implique
fonctionnellement quelque chose comme possibilité infinie du penser même.
La pensée ne
pense pas soi-même, posant quelque chose comme simple moment de sa
« réflexion » ni ne repense quelque chose de déjà pensé comme moment
du penser abstrait, mais, au contraire, elle ne peut penser que dans la mesure
où quelque chose est motif ou condition de penser, et la pensée est à son tour
condition que quelque chose puisse avoir une réalité, ce qui en totalité
démontre que l’acte de penser est essentiellement un acte objectivant
lorsque même la conscience devient, par l’introspection, objet
d’elle-même………………p. 86
Si (…) nous ne
partons pas de l’identité entre sujet et objet, mais de leur dualité
fonctionnelle et opérationnelle, en reconnaissant qu’ils sont des termes qui ne
s’opposent pas ni ne se conçoivent abstraitement, mais plutôt s’impliquent dans
une relation essentielle de mutuelle polarité, alors le processus
d’objectivation spirituelle apparaît comme tension entre les deux facteurs.
C’est pourquoi il subsiste toujours comme « processus ouvert » dans
un enchaînement plurilinéaire de synthèses ouvertes et relationnelles, étant
donné que les termes ne coïncident jamais, en se réduisant l’un à l’autre, mais
que l’un se réalise par l’autre, demeurant distincts, ce qui nous mènera conclure que le criticisme ontognoséologique
et l’historicisme axiologique sont des termes corrélatifs, traduisant
substantiellement la même compréhension dialectique et concrète du réel.
Il me semble donc
que, la culture étant le fruit (et que l’on ne voie pas dans l’inversion de ces
deux termes une pure casualité, mais au contraire le signe de leur
dialecticité) d’interactions subjectivo-objectives, elle se confond avec
l’objectivation de l’esprit en tant que celui-ci devient positif comme
histoire, dans le dialogue des générations. Ce dialogue présente tantôt le
cours tranquille des fleuves coulant dans la plaine tantôt la précipitation
abrupte d’eaux agitées dans des cataractes et des rapides, mais les comptes
apurés dans le bilan inexorable de la distance temporelle, on constate que dans
ce calme-là fermentaient de vigoureux contrastes, de même que dans les chocs et
les conflits subsistaient de résistantes et précieuses valeurs de la tradition.
On pourrait dire que la culture, jusqu’à un certain point, se confond avec
l’expérience même.
Il faut donc que dans
le plan éducationnel, qui est celui de la communication culturelle, on ne voie
que ce qui représente l’aventure (qui est autant aventure que mésaventure)
d’être homme. C’est sur la tonique de l’innovation et du muable que quelques
pédagogues éminents insistent unilatéralement, comme l’on peut déduire de cet
avertissement séduisant : « Même la plus traditionnelle des
éducations jette aujourd’hui quasi inconsciemment un regard vers l’avenir
(…) ».
Se préparer à
l’aventure de la vie ne peut cependant signifier, et je ne crois pas que ce
soit l’invention des maîtres cités, que l’on doit oublier la valeur de ce qui
s’est converti en « constantes axiologiques » ou « invariantes
d’estimations » qui représentent les colonnes de la tradition conçue comme
mémoire de l’histoire et, comme celle-ci, ouverte à de nouvelles conquêtes de
biens à mémoriser et à conserver.
Si l’on pensait
que la culture est, en même temps, amour d’acquisition de nouveaux biens,
associé à ‘amour des biens déjà conquis, la pédagogie actuelle recommencerait à
accorder plus d’attention aux valeurs de la mémoire de plus en plus éclipsées
par le propos de n’éduquer que pour la transformation du monde et l’aventure
existentielle……………………………………………………………………………………p. 91-92.