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L’euro, la Porte
et le Pont :
hommage à
Georg Simmel[1]
par Gabriel
Poulalion
Professeur à l'Université François-Rabelais (Tours)
Directeur du Centre d'Économie Régionale et
Européenne
Les citoyens de la zone
euro se sont familiarisés avec les billets exprimés en euros qui circulent
depuis le 1er janvier 2002. Ces billets de 5, 10, 20, 50, 100 et 500
euros apparaissent comme un résumé de l’histoire de l’Europe à travers son architecture,
depuis les temps de la romanité jusqu’à notre troisième millénaire encore à
venir[2].
Car l’avers de ces billets nous présente des portes, le revers des ponts.
Certes, les portes et
les ponts des billets européens ne se
rencontrent jamais, puisqu’ils apparaissent sur le recto et le verso de
chaque billet. Mais comment ne pas songer à la célèbre métaphore du sociologue
allemand du tournant du dernier siècle, Georg Simmel[3], et
dont l’ouvrage le plus connu du public français est intitulé Philosophie de l’argent ?[4]
La porte, tout au
moins lorsqu’elle est ouverte (c’est le cas sur les billets de la monnaie
unique), donne accès au monde extérieur, elle “ouvre sur l’infini”, nous dit
Simmel. Le pont crée la liaison entre
deux rives; il est lien, il est passage aisé. La porte ouverte angoisse, car elle procure l’incertitude de
l’inconnu; le pont sécurise, au
contraire, parce qu’il unit ce qui est disjoint. Là où le passage était
périlleux (le gué peut entraîner la noyade !), le pont le rend facile et sans danger. Mais le passage de la porte procure l’inquiétude, car il nous
fait quitter le milieu douillet de l’intérieur du logement, pour affronter soit
la canicule, soit la froidure extérieures. La porte signifie l’angoisse, le pont
signifie la sécurisation. La porte
est ce qui disjoint, le pont est ce
qui unit. La porte est le passage
difficile, le pont le passage facile.
Dans l’optique simmélienne, toute œuvre de civilisation est, en
même temps, porte et pont[5]. Car,
tout ce qui est créé par l’homme, être social, tend à devenir figé,
c’est-à-dire se transforme en institution
[6] Dans Philosophie
de l'argent, il montre que l’argent, la monnaie, ne saurait échapper à
cette réalité. Création des hommes se livrant à l’échange, expression de leur
liberté fondamentale, l'argent se fige dès qu’il existe. Autrement dit, son
existence s’oppose à la liberté fondamentale de l’homme, qui lui a donné
naissance. Œuvre de la culture, il exprime le tragique de la culture.
En effet, Simmel affirme par l'emploi de l'expression tragique de la culture que, d’une part,
toute institution, qui est le fruit de la liberté existentielle de l’homme
vivant en société, est réducteur de liberté dès qu’elle existe, mais que,
d’autre part, l’existence de l’institution accroît l’interdépendance des
hommes. Et ceci est d’autant plus vrai que la société est moderne (au sens où Simmel entend la modernité, et dont nous parlerons plus bas).
L’argent est porte et pont en même temps, nous dit Simmel. Il
est pont, parce qu’il favorise
l’interdépendance dans l’échange. Il est porte,
parce qu’il est totalement impersonnel,
abstrait; il est même ce qui existe de plus abstrait dans la société; il
s’impose en dissimulant totalement la liberté individuelle qui lui a donné
naissance: en un mot, il est tragique.
En outre, la civilisation devient de plus en plus urbanisée, en ce sens que, dans les
grands pays industriels, le grand
ensemble urbain s’accroît au détriment de l’espace rural et du petit ensemble
urbain. Dans ses études sur la ville,
dont les sociologues de l’École de
Chicago feront ultérieurement l’exégèse, Simmel montre que la grande ville,
en favorisant en même temps l’impersonnalité et l’interdépendance, accroît
aussi ce tragique de la culture.
L’euro, qui est originellement un panier de monnaies,[7] est
un instrument complexe, caractéristique de la société industrielle avancée. Il
n’est pas le fruit de traditions qui se perdraient dans la nuit des temps, mais
il est né des spéculations intellectuelles d’experts financiers internationaux.
En conséquence, il serait bien une expression de cette modernité simmélienne
Parmi tous les éclairages apportés sur la monnaie unique
européenne, l’éclairage simmélien peut être intéressant. Certes, comme tous les
éclairages, il est inévitablement incomplet et, dans une certaine mesure,
partiel et partial. Mais de quel droit peut-on refuser de regarder l’euro avec
l’œil d’un sociologue original, disciple infidèle de Gœthe et de Kant et
disciple tardif de son contemporain Bergson ? Qu’a à nous dire ici un
philosophe inclassable, dont la méthode est l’intuition, et le principe
fondamental la liberté individuelle ?
Le but de ces lignes est d’appréhender des éléments
d’appréciation de la dimension culturelle de la monnaie unique européenne. En
quoi l’euro est-il une expression de la modernité ?
En quoi est-il porte ? En quoi est-il
pont ? En quoi exprime-t-il le tragique de la culture européenne au
seuil du IIIe millénaire ?
Auteur complexe, très célèbre de son vivant, bien que rejeté par
la communauté universitaire allemande de l’époque, oublié pendant plusieurs
décennies après sa mort, révélé au public français par Raymond Aron[8],
qui l’aurait mal compris, présenté par l’école française de l’individualisme méthodologique [9]
actuelle comme un auteur de premier plan, Georg Simmel est encore mal connu du
public français [10].
Le refus de la suprématie de l’histoire conduit Simmel à mettre
en avant une connaissance intemporelle du social. La modernité est donc en même temps une attitude du sociologue
observant le social et le résultat de ses observations, c’est-à-dire un
concept.
1°/ En tant
qu’attitude, la modernité est à
l’opposé de la volonté de connaître les textes philosophiques passés, car elle
rejette toute considération historique et tout relativisme historique ou
rétrospective: quand on utilise certaines assertions philosophiques passées,
c’est uniquement en les prenant dans leur signification présente. Cette
attitude est indissociable de la construction des formes. Cette attitude de Simmel paraît à son époque d’autant plus moderne que l’Allemagne de la fin du XIXe
siècle connaît un très fort intérêt pour l’historicisme[11].
Au moment où Simmel écrit, la modernité a une connotation assez négative[12].
La modernité se
développe avec l’individualisme, qui sécrète une inquiétude permanente, et
débouche sur le tragique[13].
Elle prend assise sur l’intériorité humaine individuelle, et s’appuie sur la
psychologie. Dans les sociétés traditionnelles, la force du groupe social ne
permet guère au moi de se constituer,
et s’il se constitue, il trouve facilement sa place, qui lui est assignée par
la société. dans la société moderne, le moi
apparaît avec force, mais il se met en quête d’un sens conforme aux réactions
de l’intériorité. Ce faisant, l’affirmation du moi se fait au prix d’un accroissement de l’inquiétude[14].
En refusant l’historicisme, très à la mode dans l’Allemagne de
la fin du XIXe siècle, Simmel est moderne. L’essence de la modernité
est dans l’individualisme, dans le psychologisme. En ce sens, Pour Simmel, Kant
et Goethe sont modernes. De façon
plus générale, le romantisme a fondé l’individualisme moderne, et par
conséquent la modernité.
L’individualisme, c’est aussi l’existence indépendante, car deux
choses individuelles ne peuvent pas être parfaitement identiques:
l’individualité humaine est irréductible. C’est pourquoi, la modernité, d’abord attitude du savant,
devient ensuite concept.
2°/ Partout où
règne l’individualisme, il y a modernité.
Mais l’individualisme est d’autant plus fort que le contrôle social s’effondre.
Il est plus fort en milieu urbain qu’en milieu rural, car, en ville, on ne se
connaît pas: les relations de voisinage sont d’autant plus faibles que la ville
est grande[15].
La grande ville[16],
qui est un des deux grands thèmes de prédilection de Simmel avec celui de
l’argent[17],
entraîne une dépersonnalisation des rapports humains. Ses traits dominants sont
l’individualité et l’intellectualisation.. Elle est moderne, parce qu’elle facilite ce
développement de l’individualisme, c’est-à-dire le refus de l’individu de se
faire absorber ou utiliser par le groupe. L’intellectualisation provient des
très nombreuses sollicitations adressées à l’individu, qui doit sans cesse
s’adapter. Car, seul, l’intellect s’adapte facilement. Le citadin doit
s’adapter aux très fortes contraintes secrétées par le milieu urbain: c’est le
conformisme. Mais, pour pouvoir se distinguer des autres individus, il se crée
une originalité superficielle (la mode entre dans ce processus). La citadin est
blasé, parce qu’il gomme les
différences individuelles[18].
Plus la ville est grande, moins elle contraint l’individu, car le lien social
est plus distendu. En contrepartie, la grande
ville rend possible la solitude extrême[19].
Dans cette grande ville,
où se développe l’individualisme moderne, celui-ci n’est pas un simple moyen:
c’est la valeur suprême. En cela, Simmel apparaît bien comme l’héritier de la philosophie des Lumières et du romantisme.
La liberté individuelle, ce n’est pas l’anarchie du moi, c’est reconnaître que l’homme doit se dépouiller pour
redevenir ce que la nature l’a fait. Les hommes libres sont alors égaux, mais
cette égalité fondamentale est un principe avant d’être des droits[20].
Autrement dit, l’idée de modernité
est paradoxalement associée à des idées qui s’opposent: celles
d’individualisme, d‘intellectualisation, d’anonymat et d’interdépendance. Et
Simmel démontre que l’argent, de façon analogue à la grande ville, est une institution
moderne.
II - L’euro et La philosophie de l’argent (1908)
La Philosophie
de l’argent [21]se
présente comme un ensemble de réflexions sur l’échange et la valeur[22].
Il est le seul ouvrage de Simmel composé selon un plan net: il est structuré en
deux parties: la première est intitulée tout simplement Partie analytique, tandis que la seconde est intitulée Partie synthétique. La première partie
traite de la valeur et de ses fondements, alors que la seconde démontre que la
monnaie, en devenant un instrument figé, illustre parfaitement la tragédie de la culture dans un contexte
de modernité.
Dans la préface de l'ouvrage, Simmel indique que, dans la première partie, qui est analytique, il montre ce qui donne à l'argent "son sens et sa position pratique". Refusant l'approche historique, dont il méconnaît l'intérêt, il s'intéresse uniquement aux rapports sociaux causés par l'existence de l'argent. Et c'est dans la création de ces nouveaux rapports que l'argent trouve sa légitimité. Dans la seconde partie, qui est synthétique, l'auteur indique qu'il analyse l'influence de l'argent sur la culture de la société dans laquelle il circule. Ainsi l'argente influe sur la culture, et la culture !influe sur l'argent.
Dans cette préface, Simmel prend également soin de dire que son
ouvrage ne relève en aucun cas de l'économie politique, qu'il se situe à un
autre niveau, car l'argent est beaucoup plus qu'un simple moyen dans l'échange,
c'est aussi ce qui excite les passions et la convoitise ; il exprime les
rapports existant entre "d'une part, les phénomènes les plus extérieurs,
les plus réalistes, les plus accidentels, et, d'autre part, les potentialités
les plus idéales de l'existence, les courants les plus profonds de la vie
intellectuelle et de l'histoire"[23] . Le
propos de l’auteur concerne donc les conséquences sociales de l’invention de la
monnaie. En quoi l’invention de la monnaie a-t-elle changé les relations
interindividuelles ?
Simmel fournit une cascade de réponses, qui sont autant de formes (au sens où nous avons définies
celles-ci). Ces réponses figurent dans la première partie de l’ouvrage si elles
sont d’ordre strictement individuelles, dans la seconde partie, si elles sont
davantage d’ordre social. Il est totalement impossible d’en donner la liste,
tant elles sont nombreuses.
Simmel s’intéressant à ce qui est purement concret et empirique,
La philosophie de l’argent relève de
cette démarche: l’argent, symbole abstrait, facilite l’échange et universalise
la valeur. L’argent, au même titre que la coquetterie ou l’art, a un caractère
relationnel, il exprime une intersubjectivité. L’homme n’est que partiellement
un être social, car le social ne saurait masquer ce qui est subjectif ou
singulier. Aussi la société hésite toujours entre une tendance à la continuité
et une tendance à la discontinuité.
Disons simplement que, en se substituant au troc, l’échange
monétaire accroît paradoxalement et en même temps les effets
d’individualisation et les effets d’interdépendance[24],
par l’intermédiaire de l’intellectualisation de l’argent. Simmel montre que le
lien social suscite toujours une référence à des valeurs: l’argent devient alors un symbole abstrait qui rend possible l’échange
en universalisant la valeur.
En effet, l’échange caractérise le lien social. Il crée la
valeur, qui naît du désir d’assouvir des passions ou des besoins. Ces passions
sont souvent violentes, mais les interactions individuelles en modèrent
l’intensité. La valeur naît du sacrifice que la civilisation impose dans la
modération des satisfactions. La dynamique de ces relations interindividuelles
s’inscrit dans le contexte de l’échange des biens et des services.
L’apparition de la monnaie va totalement perturber les relations
sociales, car l’introduction du numéraire accroît les possibilités de conflit
sociaux. Ainsi, si le serf fournit à son seigneur des prestations en nature,
cela signifie la dépendance du serf vis à vis du seigneur, qui impose au serf
les types de culture choisis par lui. Si la prestation en nature se transforme
en impôt, le serf recouvre le choix des cultures. Le versement en numéraire
signifie l’indépendance du serf, et peut-être aussi le début de conflits avec
le seigneur, qui ne feront que s’amplifier avec le temps.
Aussi l'argent s'est peu à peu dématérialisé, à tel point qu'il
est actuellement pur symbole, sans lien avec ce qui faisait sa substance: il
est simplement fonction. Il est caractéristique de l'intellectualisation des
sociétés modernes[25].
"La civilisation opte pour l'intellectualité [...] .L'accroissement des
capacités intellectuelles d'abstraction caractérise l'époque où l'argent, de
plus en plus, devient pur symbole, indifférent à sa valeur propre".
L'argent devient totalement abstrait[26].
En contrepartie, l’argent accroît bien l’interdépendance, car il
exprime la relativité des objets les uns par rapport aux autres. En cela, il
est un préalable à l’échange. Il n’est pas lui-même une marchandise[27].
Il est bien et seulement un symbole matériel et conventionnel.
Or, cela va en opposition avec une certaine démarche
universitaire, qui présente traditionnellement l’argent comme permettant la non
synchronisation des dépenses et des recettes individuelles[28].
On ne peut s'empêcher de relier Philosophie de l'argent, même s'il n'est pas un traité d'économie
monétaire, à l'ouvrage de Don Patinkin, La
monnaie, l'intérêt et les prix[29].En
disciple de Walras, Don Patinkin admet de principe de l'équilibre général et la
fixation walrassienne du vecteur des prix relatifs. Mais il se rapproche de
Simmel lorsqu'il semble admettre que toute monnaie est fiduciaire[30].
Aussi la monnaie ne tire pas son utilité de son éventuel caractère de
marchandise (puisque ce n'est pas une marchandise[31]
!); elle ne correspond pas à ce qu'Alfred Marshall appelle "utilité
marginale de la monnaie" et qui n'est que l'"utilité marginale du
revenu monétaire" ou, mieux,
l'"utilité marginale de la richesse monétaire"[32].
Reprenant L. von Mises[33],
qu'il cite, Don Patinkin écrit: "Nous nous intéresserons à l'utilité de détenir de la monnaie et non pas à
l'utilité de la dépenser"[34].
Pour Simmel, l'argent s'est dissocié de son support matériel, suivant en cela
une loi de l'histoire qui l’a conduit du troc des origines de l’humanité aux formes (et ce terme est à entendre sous
son acception ordinaire comme sous son acception simmélienne) les plus
sophistiquées secrétées par la civilisation moderne.
L'argent est bien aujourd'hui le signe de la modernité. Au même
titre que la ville, l’argent crée la
distance et l'intellectualisation croissante. Si la monnaie de métal répond
encore à la logique de l'échange entre deux individus, le billet apparaît comme
un renforcement de l'intellectualisation; mais le crédit (la monnaie
scripturale) témoigne de l'abstraction croissante. Le billet porte encore la
marque de la banque centrale (ou tout au moins de la banque d'émission), et
cette marque est inscrite sur le billet lui-même. Le crédit ne porte que la
marque d'une banque commerciale, et encore cette marque se fait-elle discrète,
puisque le crédit n'a qu'un support matériel très lointain, qui ne présente
aucune similitude avec le billet. La pièce repose sur la confiance dans le
Prince, le billet sur la confiance dans la banque d'émission (qui est, en
général, une émanation de l'Etat), le crédit repose moins sur la confiance dans
la banque commerciale, qui n'est qu'un intermédiaire, que sur la confiance dans
l''émetteur du chèque. L'évolution des signes monétaires exprime bien
l'atomisation de la société. Désormais, l'argent n'est plus substance, il est
symbole.
L’euro est une monnaie sophistiquée. Issue du dollar européen, monnaie de compte
adoptée dans le cadre de l’application du Plan Marshall, et de l’ECU, auquel il
se substitue, il n’a aujourd’hui comme supports matériels que les défuntes monnaies
nationales, encore en circulation, mais que ne sont plus que des expressions de
lui-même. En conséquence, il est une monnaie moderne, et cela est à entendre dans le sens ordinaire et dans le
sens simmélien.
L’euro, pourrait nous dire Simmel, est moderne au sens où la grande
ville l’est. Celle-ci, nous l’avons vu, est le lieu de l’individualisme et
de l’intellectualisation, ce faisant elle rend les hommes solidaires. Les
utilisateurs de l’euro sont analogues aux citadins décrits par Simmel.
Les différents pays de l’Europe de l’Ouest et de l’Est ne sont,
certes, pas tous entrés dans l’ère de la consommation de masse. Mais, s’ils n’y
sont pas, ils y aspirent. Or, les pays de l’espace monétaire unique européen
sont dans le peloton de tête pour le niveau de vie. L’euro apparaît ainsi comme
la monnaie d’un espace géographique, d’une société où la division du travail
très poussée a rendu en même temps les hommes indépendants et solidaires, où la
démocratie politique et parlementaire, causé par l’individualisme, a favorisé
un individualisme accru.
Mais la modernité,
nous dit aussi Simmel, et l’individualisme qui l’accompagne, favorisent
l’angoisse. L’euro fait encore peur. Il est là quotidiennement dans nos mains.
Mais la plupart des citoyens refusent de le voir: ils ne voient que ces
défuntes monnaies nationales, qui, au mieux, sont en sursis. Comme le loup
garou, on n’en parle pas, de peur de l’attirer. Et cependant, il est bien là,
l’euro, avec ses institutions et ses spécialistes. Il partage déjà notre quotidienneté.
Il défraie constamment la chronique de nos journaux. Il alimente le discours
des hommes politiques. Mais ces propos sont parfois imprégnés de considérations
non scientifiques[35].
Simmel nous apprend que toute monnaie est à la fois la Fée Mélusine et le Mistigri. L’euro peut-il échapper à cette réalité ?
Toute institution, nous dit encore Simmel, est à la fois porte et pont. L’euro est fait pour durer: il est donc une institution. Il
est même la plus proche de toutes les institutions secrétées par la
construction européenne. Il est dans nos tickets de métro et d’autobus, dans
les étiquettes des hyper-marchés que nous fréquentons, dans nos bulletins de
salaires; il est dans nos poches.
Quelles furent les motivations de ceux qui ont créé et adopté
les motifs qui ornent les premiers billets de banque en euros ? Kalina et nos
grands banquiers européens ont-ils pensé à Simmel ?
Peu importe, après tout. La réalité demeure. La réaction de
l’utilisateur de l’euro témoigne bien que, pour les Européens, il est à la fois
porte et pont.
Il est la porte qui
angoisse, qui ouvre sur l’inconnu, sur un futur incertain, sur un espace si
étendu qu’on en appréhende mal les limites.
A moins qu’il ne soit le pont
qui, réalisant parfaitement la vocation de toute circulation monétaire, unisse
les Européens, favorise la prise de conscience de leur appartenance à un même
espace monétaire, commercial et économique, et soit finalement, pour l’Europe,
une référence dans la recherche de son identité.
*
* *
Bibliographie sommaire
Vladimir Jankélévitch, Revue de métaphysique et de morale, 1925, p. 213-257 et 373-386
(sur la Lebensanschauung, de Simmel).
Comp. Plotin et Bergson.
Jean Rémy, G.S., ville et modernité, Paris,
L’Harmattan, 1995, coll “Villes et entreprises”
Richard Swedberg, Une
histoire de la sociologie économique, Paris, Desclée de Brouwer, 1994,
trad. fr. d’Isabelle This.
“Simmel et les normes sociales”. Actes du colloque “Simmel, penseur des
normes sociales”, Paris 16 et 17 déc. 1993, sous la direction de Jean-Marie
Baldner et Lucien Guillard
“G.S. et les normes sociales”. Actes du colloque “G.S. et les sciences
humaines”, Paris 14 et 15 sept. 1988 sous la direction de Otto Ramstedt et
Patrick Vatier
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Ndr : le Pr G. Poulalion est l'auteur de divers ouvrages, notamment sur la
monnaie, chez Droz (Genève), et sur des penseurs économiques allemands et
suisses (J. Lang, J.-D. Herrenschand...).
______________________
© THÈMES VI/2003
[1] Pour une approche plus complète on pourra se reporter à
Gabriel Poulalion, “L’euro, sous l’éclairage de la sociologie de Georg Simmel”
in Auctores Varii, G.
Poulalion éd., L'Europe contemporaine:
consolidation et ouverture, Paris, L'Harmattan, 1er tr. 2002.
[2] Ces billets sont l'œuvre de Robert Kalina, de la Banque Nationale d'Autriche.
.[3] Brücke und Tür,
Stuttgart, Kœhler Verlag, 1957, plus spécialement la première partie, qui
reproduit un article ayant même titre et paru dans Der Tag en 1909.
[4] Philosophie des
Geldes, Leipzig, Duncker & Humblot, 1900, nlle éd. augmentée 1907, trad. fr. par Sabine Cornille et
Philippe Ivernel, Paris, P.U.F., 1987. La trad. anglaise, sous le titre The philosophy of money, date de 1978
(Londres, Henley et Boston, Routledge & Kegan Paul). En fait, le terme philosophie peut être trompeur pour un
public français: il est à entendre au sens donné par Hegel, qui distinguait
trois catégories de philosophies : la philosophie
de l’esprit objectif , dont relèverait la sociologie, la philosophie de l’esprit subjectif, qui
tiendrait de la psychologie, et la philosophie
de l’esprit absolu, que nous appelons couramment philosophie tout court.
[5] La société est
prise entre une tendance à la continuité et à la cohésion, qui assure son
maintien dans le temps, et une tendance à la discontinuité et à la division,
qui favorise d’autant plus l’individualisme que le groupe sociale s’élargit.
Cf. Auctores Varii, Georg Simmel und die Moderne (sous la
direction des Pr. Dahme et Ramstedt), 1984.
[6] Rappelons que ce mot d’origine latine vient de stare, qui signifie demeurer, rester.
L’institution est ce qui a une certaine permanence.
[7] On appelle ainsi une monnaie définie à partir d’un ensemble d’autres monnaies.
[8] R. Aron affirme dans Leçons
sur l’histoire (Paris, Ed. du Fallois, 1989): “J’ai écrit ma thèse
secondaire sur ceux des philosophes allemands qui se réclament du néo-kantisme [...]
Ces philosophes étaient Rickert, Dilthey, Simmel et Max Weber. Ils avaient en
commun à mes yeux d’appartenir au mouvement historiciste tel que je l’ai
défini, mais, tout en appartenant à la postérité de Hegel, ils refusaient la
philosophie hégélienne de l’histoire. D’autre part, ils voulaient les uns comme
les autres, appliquer à la connaissance historique un mode de réflexion plus ou
moins emprunté à ce qu’avait fait Kant pour les sciences de la nature [...]
Quoi qu’il en soit, ces quatre auteurs ont cherché à fonder l’objectivité de la
connaissance historique” (p. 25).
L’appréciation de R. Aron est aujourd’hui très critiquée.
S’il a eu le mérite de faire connaître le nom de Simmel aux Français, il semble
avoir mal compris sa pensée, dont il affirme qu’elle a évolué au cours du
temps, allant d’un positivisme de jeunesse à une métaphysique après la
cinquantaine. Si la pensée de Simmel n’est jamais figée, celui-ci a toujours
ajouté sans retrancher. Simmel n’a désavoué aucun de ses travaux, sauf peut-être Introduction
à la science de la morale (1892-1893), qu’il jugeait trop proche de la
pensée de Kant.
[9] Cf. article “Simmel” in
Raymond Boudon et François Bourricaud, Dictionnaire
critique de la sociologie, Paris, P.U.F., 2e éd. 1986. D’une façon
générale, la plupart des travaux de Raymond Boudon font référence à Simmel, et
il n’est pas possible d’en faire ici la liste exhaustive.
[10] L’œuvre de G.S.
est varié. On y trouve des livres sur des grands philosophes, tels que Kant,
bien sûr, qui fit l’objet de sa thèse, mais aussi Schopenhauer et Gœthe, des
ouvrages qui relèvent de la philosophie des sciences sociales[10],
des travaux sur l’explication en histoire[10], des essais qui
relèvent de la sociologie individualiste[10], et l’ouvrage
qu’il faut mettre à part La philosophie
de l’argent.
Cet œuvre est
sans unité apparente. Son apport scientifique est double: au niveau de
la méthode (il s’agit de la forme) et
au niveau du contenu (il s’agit de la modernité),
même si, ici, méthode et contenu sont indissociables.
Pour en comprendre le message, il est utile d’en rappeler
rapidement la personnalité et l’œuvre.
Simmel est né à Berlin le 1er mars 1858 dans
une famille de négociants israélites convertis. Il est intéressant de noter que
Bergson, dont la philosophie présentera de nombreuses parentés avec celle de
Simmel, naîtra le 18 octobre 1959: ils
sont donc la même génération. C’est Simmel qui révélera Bergson au public
allemand (notamment dans La tragédie de
la culture).
La famille n’est pas riche, car son père, qui mourra en
1874, a fait de mauvaises affaires. Etudiant à Berlin en 1876, il suit des
cours de philosophie et d’histoire. Il soutient une thèse sur Kant en 1880,
mais on lui refusa l’habilitation(en effet, les pré-rapports, établis en 1883,
étaient favorables, et l’habilitation aurait normalement dû lui être décernée
sans problème; mais Simmel se heurta violemment avec un membre du jury,
Theobald Ziegler; aussi le jury ajourna
la remise du diplôme), qu’il n’obtiendra finalement qu’en 1885.
Simmel se maria avec Gertrud Kinel, qui le seconda (elle
participait activement à ses séminaires scientifiques), et vraisemblablement
c’est à son contact que Simmel s’ouvrit aux problèmes du féminisme. Mais
l’antisémitisme fort à l’époque en Allemagne est sûrement, plus encore que
l’indépendance intellectuelle de notre auteur, une des raisons pour lesquelles
il dut attendre 1914 pour être nommé professeur
ordinaire, et encore ce fut à Strasbourg, petite université aux limites de
l’Empire allemand.
Nommé professeur
extraordinaire (c’est-à-dire non titulaire de chaire) en 1900 à Berlin,
toute tentative pour être intégré à l’Université d’Heidelberg sera vouée à
l’échec, en dépit de l’appui de Max Weber, particulièrement influent à cette
époque. Ce fut le cas, en particulier, en 1908, année durant laquelle Rickert
et Simmel posèrent leurs candidatures à la chaire de philosophie de
l’Université de Heidelberg.
Il reste que, si Simmel attendit sa nomination si
longtemps, il faut peut-être avancer une autre raison: Simmel était très critique
vis à vis de l’empereur Guillaume II, qu’il jugeait trop militariste.
D’ailleurs, si Simmel s’intéressa à de nombreux aspects
de la vie sociale, il refusa de s’intéresser à la guerre et à la sociologie de
la guerre. Cette attitude fut aussi celle de son ami Max Weber, qui, durant la
1re guerre mondiale, s’engagea comme brancardier pour ne pas porter
les armes, notamment contre la France.
Simmel mourra à Strasbourg d’un cancer du foie le 26
septembre 1918.
[11] Le regain d’intérêt actuel pour les idées de Simmel chez
les sociologues contemporains tient peut-être là : elles ne sont pas enracinées
dans un contexte culturel daté.
[12] De là vient peut-être la méfiance de Simmel vis à vis de
la notion de substance. Comme pour
Bergson, il n’y a pas d’état absolu,
qui imposerait sa présence. Il n’y a pas d’état
premier, car tout est relation et échange. La pensée se manifeste dans la
relation et dans l’échange.
Un exemple donné par Simmel peut faire comprendre. Quand
on compare la statuaire grecque à celle de Rodin, on est frappé par la
différence. Chez les Grecs domine la plastique des corps, qui se révèle
substance: la forme du corps est indissociable de sa substance; elle exprime la
supériorité de la forme qui s’inscrit dans une substance; la forme résiste au temps:
d’une certaine façon, elle est intemporelle.
Avec la Renaissance et Michel-Ange, l’âme apparaît
dissociée du corps: le tragique apparaît, car la présentation de l’âme, en
mouvement perpétuel, différent de celui qui caractérise le corps, est faite par
des figures figées, qui sont la négation du mouvement.
La sculpture de Rodin ne s’adresse plus à la substance;
elle décrit l’intériorité humaine, non la plastique des corps. Elle ne retient
que le mouvement, qui caractérise l’intériorité de l’homme.
[13] Sur la Lebensanschauung,
de Simmel, voir Vladimir Jankélévitch, Revue
de métaphysique et de morale, 1925, p. 213-257 et 373-386.
[14] L’inquiétude est une déchirure intérieure: c’est, par
exemple, le fossé entre l’aspiration infinie de l’homme et le caractère fini de
son action. Cela est particulièrement exposé avec netteté dans les pages
consacrées à la culture féminine (“Weibliche Kultur”, Philosophische Kultur, p. 65 et suiv.) et à la coquetterie “Die
Koketterie”, Philosophische Kultur,
p. 104 et suiv.).
[15] En contrepartie, les mesquineries caractéristiques des
petites villes n’existent plus dans la grande ville.
[16] Cf. Jean Rémy, Georg Simmel: ville et modernité,
Paris, L’Harmattan, 1995, Coll. “Villes et entreprises”.
[17] Les deux thèmes sont liés: la grande ville émousse la
sensibilité (qui relève de l’inconscient) et entraîne une prédominance de
l’intellect (qui est adaptable). Aussi l’économie monétaire est plus développée
en ville que dans les campagnes. Cf. Die
Grossstädte und die Geistleben (Les
métropoles et les mentalités), 1903.
D’une façon générale, Simmel s’interroge sur l’influence
sur tous les domaines de la vie sociale moderne des échanges utilisant la
monnaie. Ce type d’échange gomme les différences qualitatives au profit des
différences quantitatives. C’est l’importance du “Combien ?”.
[18] Dans la grande ville, tout est mesuré, compté: l’homme
regarde sa montre constamment. L’individu est obligé de réagir négativement,
c’est-à-dire de refuser de nombreuses
sollicitations. On dit qu’il est blasé
(blasiert).
Le citadin est moderne,
car il a trois caractéristiques principales: 1°/ une attitude blasée
(c’est-à-dire une absence de
réaction face aux stimuli), car les
différences qualitatives sont affaiblies;
2°/ une attitude réservée, qui crée la distance sociale[18]; 3°/ un
sentiment de liberté[18] (c’est-à-dire d’indépendance individuelle), qui entraîne
un étiolement des personnalités (chaque individu est minuscule face à une
machine immense) mais aussi renforce l’interdépendance: ainsi la singularité
dans le vêtement est un moyen d'exprimer ce sentiment de liberté, tout en ne
remettant pas en cause l'appartenance à la société urbaine.
[19] La grande ville est le lieu de la modernité. L'approche scientifique moderne permet de dire que ce
qui importe est moins la substance (population, superficie, etc.) que la
renommée. Rome, Venise, Florence, Berlin, Paris sont des grandes villes, non en
raison de leur taille, mais de leur poids culturel.
[20] Cependant, cette revendication de la liberté
individuelle puise davantage son origine dans le romantisme que dans la philosophie des Lumières. Chez Simmel,
la raison n’est jamais un principe
suprême, qui s’imposerait aux différentes individualités (comme la conscience collective durkheimienne
s’impose aux consciences individuelles). L’universel ne s’impose jamais à
l’individuel (c’est le motif pour lequel la pensée de Simmel s’oppose fortement
à la pensée marxiste). L’individualisme simmélien est romantique par l’affirmation et la réalisation de la personnalité,
qui est une donnée première (aussi la pensée de Simmel est très éloignée de
toute pensée thomiste et scolastique). La catégorie de l’individu romantique se
caractérise davantage par sa spécificité que par sa liberté (c’est la position
du jeune Gœthe, avant qu’il n’évolue vers des positions plus classiques). Chez
Simmel, la rapport entre l’universel et l’individuel s’analyse en termes de
destinées individuelles.
[21] L’ouvrage de Simmel paraît à une époque où l’on
s’interroge sur la société marchande et sur la monnaie. Prenons quelques
exemples: Société et communauté, de
Ferdinand Tönnies (1887) ; E. von Böhm-Bawerk (1887) ; A. Marshall (1890) ; Le capitalisme moderne, de Werner
Sombart (1902) ; L’éthique protestante et
l’esprit du capitalisme, de M. Weber (1904).
Simmel lui-même avait déjà
eu l’occasion de rédiger un certain nombre d’articles sur l’argent: “Zur
Psychologie des Geldes” (1889), “Das Geld in der modernen Kultur” (1896), “Die
Bedeutung des Geldes in das Tempo des Lebens” (1897), “Die Rolle des Geldes in
der Beziehungen des Geschlechter” (1897), “Zur Philosophie der Arbeit” (1899),
“Über Geiz, Verschwendung und Armut” (1899), “Persönliche und sachliche Kultur”
(1900).
[22] Durkheim en fit un compte rendu très critique dans L’Année sociologique 1900-1901, (“G.
Simmel, commentaire sur la philosophie de l’argent”), p. 145 et suiv. Il la
qualifie de “genre de spéculation bâtarde”.
On peut comparer cette appréciation avec celle qu’écrivit
Max Weber: “Georg Simmel, das Sociologist”, Social
Research, 9.I.1972, p. 155-63
(écrite vers 1908). on peut aussi lire avec intérêt: S.P. Altmann,
“Simmel’s philosophy of Money”, American
Journal of Sociology, 9.I. 1903, p. 46-48.
Un commentaire plus récent
est donné par David Laidler et Nicholas Rome, “Georg Simmel’s Philosophy of
Money”, Journal of Economic Litterature,
18 mars 1980, p. 97-105.
[23] Op. cit.
[24] Rappelons que, si certaines affirmations de Simmel font
penser à celles données par Durkheim dans sa thèse sur La division du travail social (1893), les deux projets sont
évidemment, comme nous l’avons déjà souligné,
totalement différents: Durkheim recherche des lois objectives du processus de socialisation, Simmel fait une
grande place à l’intuition, et n’atteint l’universel qu’à partir de l’individuel.
[25] Simmel est, en cela, en accord avec F. Tönnies, dont le
modèle en terme d'opposition entre la communauté
(Gemeinschaft) et la société (Gesellschaft). est très célèbre. Dans la communauté, c'est-à-dire dans le passé, les relations sociales sont
chaudes; dans la société, c'est-à-dire dans le présent, elles sont froides: cela est
dû à l'intellectualisation qui frappe, avec le temps, tous les groupements
humains.
[26] Ou presque, car il "ne peut se défaire d'un reste
de valeur substantielle, non pour des raisons internes découlant de son
essence, mais à cause de certaines imperfections du marché" (Op. cit., p. 166).
[27] Aussi l’argent n’a aucune utilité (seules les
marchandises peuvent en avoir). On peut comparer cette position avec celle de
Menger, pour qui l’argent apparaît comme la véritable
marchandise, puisqu’il reste toujours en circulation.
[28] Cf. André Orléan, “Réflexions sur la notion de
légitimité monétaire”, l’apport de Georges Simmel, p. 19 et suiv., in
“Simmel et les normes sociales”, actes du colloque Simmel, penseur des normes sociales, Paris, 16 et 17 déc. 1993,
sous la dir. de Jean-Marie Baldner et Lucien Guillard.
[29] Paris, P.U.F., 1ère éd. fr. 1972, trad. de la 2de éd.
augm. anglaise, Money, Interest and
Prices,. An Integration of Monetary and
Money Theory, New-York, Harper & Row, 1965.
[30] C'est aussi la position de François Simiand, qui
considère que l'or est la première des monnaies fiduciaires.
[31] Chez Simmel, la monnaie n'est pas du tout un bien supplémentaire,
qui mesure les autres biens, mais il exprime cependant l'interdépendance des
individus.
[32] Op. cit., p. 138. Cf. Alfred Marshall, Money, Credit and Commerce, Londres,
1923. J.
Hicks poursuivra cette discussion dans Value
and Capital, Oxford, 2me éd. 1939.
[33] The Theory of Money and Credit, trad. angl., New
York, 1953.
[34] Op. cit., p. 101. C'est l'auteur qui souligne.
[35] On peut, d’ailleurs, se demander, si l’on n’a pas là une
des principales explications de l’échec du récent référendum danois sur
l’adhésion éventuelle du Danemark à l’espace monétaire unique.