Revue de la B.P.C.                                THÈMES                                                  IV/2011

 

Bibliothèque de philosophie comparée

http://www.philosophiedudroit.org

 

mise en ligne le 19 septembre 2011

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Philosophie et théorie du droit naturel

chez Jean Dabin[1]

 

par Aurélien Dupend (*)

 

 

 

Introduction

 

A celui qui n’aurait l’occasion de ne lire que quelques lignes de l’œuvre de Jean Dabin, on peut conseiller celles qui justifient le titre même de l’ouvrage de 1969 « Théorie générale du droit ». Ces pages, dans leur esprit, synthétisent la position  et la démarche de l’auteur sur les rapports entre droit positif et droit naturel, dans leur élaboration et leur contenu. Mais surtout, cette posture de départ est redéployée dans chacune des problématiques soulevées. Celles qui touchent, selon l’auteur, à la finalité, la fonction, la structure et procédés techniques de construction du droit. Le choix même des termes préjuge d’un traitement spécifiquement théorique sur lequel vient se poser une dimension philosophique[2].

 

Dabin nous explique l’écart entre théorie du droit et philosophie du droit à travers, notamment, la tendance de cette dernière à disserter sur un droit « dépouillé de son aspect technique, sous prétexte d’en mieux atteindre l’essence »[3] . L’ensemble de la justification proposée contient en elle les germes explicatifs de sa démarche ultérieure. Celle-ci agit comme un mouvement global sans être un unilatéralisme méthodologique. C’est la notion d’objet, de chose qui est fondamentale ; surtout ce à quoi elle renvoie à partir de ce qu’elle est. Ainsi, Dabin nous dit : « à l’effet que la philosophie du droit ne risque de perdre le contact avec son objet immédiat pour se dissoudre dans la philosophie pure, nous avons choisi […] l’intitulé de théorie générale du droit »[4]. Mais, et c’est là un trait caractéristique de son œuvre, Dabin vise un juste milieu, un équilibre par lequel les donnés modernes s’incorporeraient dans un tout selon une direction imprimée. D’une part, il précise que cette théorie doit être entendue comme une exploration en profondeur, vraiment philosophique du concept de droit. On remarque au passage les liens opérés entre théorie, philosophie et concept, qui sont eux-mêmes établis en fonction d’une grille de lecture théorique[5]. D’autre part, la prise en compte de l’objet ne se réduit pas totalement à l’objet lui-même comme unité. A ce titre, la position de Del Vecchio sur la philosophie du droit comme branche de la philosophie doit être bien comprise, c’est-à-dire non dans le sens où elle emporterait le corollaire que le nombre des branches de la philosophie serait égal à celui des objets qui se prêtent à une réflexion philosophique[6].

 

On est donc dans la prise en compte d’un objet sans se limiter à l’objet, c’est-à-dire en référence à un être, mais sans rentrer spécifiquement dans un discours sur l’être. On se situe effectivement sur un terrain théorique non totalement fermé sur lui-même horizontalement car innervé de considérations sociologique, politique et économique. De ce point de départ découle une approche critique, qui sera la même tout au long de son œuvre, relative à la tension entre deux modes de pensée : une théorique et une philosophique. La jonction de deux domaines à partir de ce qui apparaît et non de ce qui est. D’où des articulations entre les notions, construites sous les méthodes théoriques. Autrement dit, d’un point de vue d’une théorie, l’œuvre est structurée sur un niveau unique où les données sont extirpées de leur milieu pour celui d’un plan qui les égalise dans un ordre des valeurs. La philosophie, selon son souhait, peut s’intégrer dans le droit positif au profit d’un usage pratique. Mais elle perd sa substance par la même occasion puisque, par principe, elle est rétive à couper la valeur des valeurs, autrement dit leur être[7].

 

Les inspirations multiples des écrits de Dabin, par lesquelles se retrouvent les autorités positives, naturelles, religieuses et politiques, correspondent à la reproduction, en quelque sorte, des tensions que connue l’Europe à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle. Plus particulièrement, et pour marquer l’importance d’un centre intellectuel tel que Louvain, c’est le moment de réceptions multiples entre le positivisme[8], les institutionalismes français et italien[9], les résurgences kantienne et hégélienne, les mouvements réalistes et pragmatiques américains, les théories antiformalistes[10] ou le renouveau scolastique. Ce dernier apparaît notamment sous la forme thomiste[11] dont les études ont vivifié la pensée de Dabin.

 

La présence de la pensée de s. Thomas d’Aquin est nette dans chacun des domaines étudiés : traits distinctifs de la règle de droit, caractères de la règle de droit, contenu du droit, élaboration de la règle de droit, droit naturel et justice[12]. Pourtant on peut s’étonner de la faible présence d’un Francisco Suarez dont l’influence semble, malgré tout, plus prégnante. La proximité entre Suarez et Dabin est bien plus prononcée, déjà par l’orientation vers des buts pratiques[13], par le choix d’opter pour des solutions intermédiaires, d’équilibre entre des principes. Comme le dit Michel Villey : « c’est un peu de cette façon que j’imagine Suarez opérant son travail de mélange de la philosophie de Saint Thomas avec celle de Scot ou d’Occam ; mais un mélange où, quant au fond, le nominalisme prédomine »[14]. Chez Dabin, on a bien un vocabulaire thomiste mais dont le sens s’en détache au profit d’un trans-positivisme qui semble réduire l’être à un être statique[15]. L’être est ce qui existe réellement et actuellement[16], il n’y a plus en lui d’inclination dynamique. « Il n’y a plus en lui la valeur mais la valeur et le bien sont des qualités qui se surajoutent à l’être »[17]. Dans son ouvrage de 1969, une seule référence est faite à Suarez[18] à propos des gradations proposées entre principes premiers et les couches successives des préceptes seconds.

 

 

Les différents droits naturels

 

L’expression « droit naturel » nécessite des précisions pour comprendre son sens véritable. C’est une notion floue qui n’a pas connu d’unité tout au long de l’histoire car il n’est pas un droit naturel sur lequel tous les auteurs se seraient accordés avec enthousiasme au cours des siècles[19]. Bien au contraire. Les plus contempteurs du droit naturel pourraient bien dire qu’il y a eu autant de versions différentes du droit naturel qu’il y a eu d’auteurs dans l’histoire des idées. Cette remarque se vérifie si on énumère les différents jusnaturalismes : réaliste, idéaliste, fondés sur la nature des choses ou celle de l’homme, chrétien, transcendant, immanent, logique voire à contenu variable. Devant la diversité de références qu’implique le droit naturel, on peut très bien s’interroger sur la réelle utilité de cette notion. Cette pièce de musée doit-elle rester dans l’ombre comme le souligne Paul Amselek ou en avons-nous besoin ? Ce doute sur le droit naturel est partagé par un grand nombre de positivistes qui se sont lancés dans de nombreuses attaques sans pour autant réussir à repousser cette vague qui revient imperturbablement là on avait tenté de l’en extraire. Hans Kelsen voit le droit naturel comme un anarchisme idéal et Roscoe Pound le compare à une simple fiction. Malgré tout, force est de constater que le positivisme, principal opposant au droit naturel, n’a pas su répondre à la question lancinante du fondement du droit. De là, certains auteurs ont tenté de lier ces deux systèmes avec plus ou moins de réussite dans un courant qualifié de transpositiviste, où l’on retrouve principalement Georges Ripert, Paul Roubier et Jean Dabin.

 

Pour Dabin, le droit naturel « dérive de la nature des choses – en l’espèce, de la nature humaine » , « c’est dans la nature humaine, spirituelle et corporelle, dans la chair et dans l’esprit de l’homme que se trouve gravée la loi de sa conduite, les principes directeurs de toute son activité »[20]. De plus, il précise que « dans l’homme, doué de raison, la loi naturelle se confond avec la raison elle-même »[21]. Si on y ajoute le tableau du christianisme en arrière plan, on obtient une première esquisse du positionnement de Dabin. Suivant Sertillanges[22], Dabin relie la nature et la raison mais sans limiter l’une par l’autre. De ceci découlent deux remarques. D’une part, l’unité de la nature de l’homme apparaît, ce qui lui donne une dimension supplémentaire[23]. D’autre part, la raison occupe une place primordiale sans forcement correspondre à la position thomiste initiale, du fait de l’évolution terminologique issue d’un nominalisme puis d’un cartésianisme. Sur ce point, Heinrich Rommen est plus incisif du fait même d’en référer à l’être comme point de départ. Respectant une chronologie dans l’ordre des termes, Rommen indique que « le droit naturel dépend de la philosophie de l’être, de la métaphysique. C’est pourquoi tout essai qui vise à donner un fondement rationnel au droit naturel doit s’appuyer sur les rapports essentiels de l’être et du devoir, du réel et du bien »[24].

Autrement dit, Dabin a construit une théorie quasi-ouverte, lui offrant une certaine hauteur. Mais, se maintenant dans une théorie, il ne s’interroge pas sur l’être des notions dont il use telles que la raison, la morale. Il use de préconceptions, sans les mettre devant un tribunal critique.

 

 

Ontologie

 

En débutant une recherche à partir d’une ontologie, ce n’est plus le droit naturel qui est en question mais les mécanismes logiques qui conditionnent un certain type de lecture de l’être et donc des choses. Et ce, dans un certain cadre où les notions s’interprètent et se comprennent relativement les unes aux autres. La grille de lecture s’apprécie selon le subjectivisme, l’objectivisme, le réalisme ou l’idéalisme. Le mode employé pour lire l’être se redéploie dans toutes les définitions et justifie la structure du droit. Dès lors, partir d’un sens du droit naturel qui vise la nature de l’homme sans préciser les mécanismes logiques qui impliquent une direction, une fin, c’est adopter une méthode descriptive de l’apparence des notions puisqu’elles ne peuvent véhiculer que l’image d’un cadre (une définition) sans direction. Dans ce cas, le droit tel qu’il est peut tout de même être atteint, correctement décrit, mais il ne l’est presque que par contingence plutôt que pas nécessité.

 

Certes, Dabin emploie le langage de l’être : « tandis que, dans le droit naturel, le devoir-être (sollen) de la règle est fondamentalement lié à l’être (sein) qui porte tout être humain vers l’accomplissement de son bien final naturel »[25]. De même, la nature humaine est considérée comme identique en tout homme, que ses indications ont valeur universelle et immuable dans son essence[26]. Reprenant un langage thomiste, Dabin parle également de matière (hule), d’inclination, de substance[27]. Cependant, l’articulation des notions entre elles, sous l’angle de la théorie, n’est, à notre sens, qu’une des étapes propres à révéler l’authenticité du droit naturel. Il n’en demeure pas moins que les références doctrinales de l’auteur comblent pour bonne partie ce manque. On pense notamment à Coïng et Fechner pour le renouveau allemand de la valeur comme dépassement de la forme. De même, Viktor Von Cathrein, Alfred Verdross et Johannes Messner comptent parmi ses influences. Pour la France, on évoquera notamment Maritain, qui, dans le cadre de la nature de l’homme, assoit une ontologie et poursuit l’homme jusqu’à la personne. Mais finalement, ce constat n’appelle pas consécutivement un reproche immédiat car, en un sens, il évite l’écueil de déterminations finales erronées. Il se maintient sur un certain plan, celui qu’il avait défini dès l’entrée de son ouvrage.

 

Si un discours ontologique n’est pas présent chez l’auteur, un certain dynamisme de l’être est présent[28]. Il ne se contente pas d’un être statique, même si toutes les conséquences n’en sont pas tirées - ce qui réduit la portée de la critique de Villey. Ainsi, concernant la nature de l’homme, Dabin ne se limite pas à une vision réduite de la raison et critique même le droit naturel moderne qui tend à se fonder uniquement sur la raison comme moyen d’atteindre le droit naturel ; de cette « raison abstraite qui travaille sur un homme abstrait »[29].

 

Pourtant ce dynamisme de l’être est en partie réduit dans le cadre de la considération de la règle de droit puisque « le droit n’est ni ce qui est juste, ni le droit subjectif, mais la règle de droit »[30]. Autrement dit, la justice se dissocie du droit et n’apparaît plus comme l’essence du droit mais plutôt comme une qualité. La question quid est devient celle de qualis est[31]. La justice, vertu constante de rendre à chacun ce qui est le sien, est une mesure qui n’est plus dans le droit mais à côté du droit. Sur ce point Javier Hervada a montré le rapport entre droit et justice : « il existe une relation entre le juste - le droit - et la loi. La nature de la loi nous montre cette relation : la loi est une règle, mot qui signifie la même chose que norme ; et une règle est une mesure. La loi est règle du juste, du droit »[32].

Dabin, suivant un mouvement antérieur, dissocie le droit et le juste et ajoute que contrairement à la justice, la règle de droit réclame une obéissance matérielle du sujet sans nécessité d’adhésion intérieure. Ce sont les prémisses d’une dissociation encore plus grande dont l’aboutissement est déjà ancien, comme chez Duns Scot pour qui l’action devient bonne parce qu’elle est commandée. Dabin ne va pas jusque là mais son approche en contient les germes.

 

Traditionnellement, la juste mesure, medium entre l’excès et le défaut, est l’objet de deux voies : l’une mathématique, l’autre dialectique. Ainsi, l’art du juriste consisterait à établir une règle de droit conduisant à une certaine justice. Or le traitement théorique des données tend à privilégier une approche mathématique, typique des calculs de performances du droit dans un milieu donné au moyen d’appréciation fondées sur des ordres de grandeurs. Elles « saisissent quelque chose de l’être comme un rêve »[33]. La dialectique, au contraire, remonte vers un principe opérant ; elle « s’occupe de la génération vers l’essence »[34].

 

 

Les types de règles juridiques

 

Pour Dabin, la validité prend une importance au moins égale au juste dans la règle de droit d’où une tendance formaliste sans que la validité ne soit écartée pour cause de désobéissance. La justice ne doit pas être mal comprise. Elle est d’abord une vertu morale[35] et ne saurait être réduite à une justice juridique. Cette dissociation, qui fait écho à celle du droit moral et du droit juridique[36], fonctionne comme pivot du débat sur la notion de « droit » entre Carré de Malberg, Duguit et Hauriou. Hauriou, en opposition avec l’idée de Carré de Malberg - pour qui le droit dérive uniquement de l’État - distingue droit de la liberté primitive droit de l’État. En fait, pour Dabin, ce droit de la liberté primitive correspond au droit moral. Abandonnant cette distinction au profit d’une différenciation entre droit commun et droit disciplinaire, Hauriou tente encore de justifier la « pré-existence » d’une partie du droit qu’il fonde sur la sociabilité de l’homme. Dabin conteste cette position qui, à son sens, exclue la communauté étatique ainsi que l’outillage technique du droit[37].

La technique juridique d’élaboration des règles de droit est au centre de l’œuvre de Dabin. On la retrouve partiellement dans sa critique notamment faces aux règles normatives et constructives de Duguit qu’Henri de Page rapproche du donné et du construit de Gény[38]. Dabin précise que « si les règles normatives impliquent voie de droit, c’est-à-dire construction, et les règles constructives une certaines façon de procéder, c’est-à-dire norme, la distinction s’évanouit »[39].

 

Droit naturel moral – droit naturel juridique

Avant de se pencher sur le contenu du droit naturel, il faut s’attarder sur la possibilité offerte à l’homme de pouvoir connaître et appréhender le droit naturel. La loi naturelle ne ressort pas de l’analyse rationnelle mais davantage de la connaissance par l’évidence, d’une connaissance immédiate[40]. Sur cette idée, s. Thomas parle d’une connaissance par inclination, mode particulier de connaissance, qui diffère de la connaissance simplement rationnelle, inapte à saisir seule la loi naturelle. La connaissance par inclination est  « une connaissance obscure, non-systématique, vitale, qui procède par expérience tendancielle ou « connaturalité » et dans laquelle l’intellect, pour former un jugement, écoute et consulte l’espèce de chant produit dans le sujet par la vibration de ses tendances intérieures »[41]. C’est de cette manière que la conscience de chacun pourra progresser et s’affiner[42]. Tous n’ont pas cette vision des choses. Ripert, par exemple, y voit un exercice quelque peu stérile[43]. Dabin, lui,  ne voit de difficulté dans cette recherche que si l’on se méprend sur ce qu’est le droit naturel et notamment si l’on recherche « le contenu d’un droit naturel juridique qui n’existe pas »[44].

La morale est un des points sur lequel Dabin insiste le plus[45]. Pour le Professeur de Louvain, ce qu’on a toujours demandé au droit naturel, ce sont des principes de conduite morale[46]. Il précise que le droit naturel est bien la loi morale prise dans la totalité de ses matières, sans en excepter la partie institutionnelle, mais limitée aux indications de la nature. Celle-ci est le fondement en attente des développements procurés par la loi morale positive et par le travail scientifique des moralistes[47].

Pour Dabin, il n’existe pas de droit naturel juridique. En effet, une caractéristique du droit positif est la coercition qu’il impose par le biais des organes étatiques. Or le droit naturel n’est pas le droit positif. Il ne contient pas de système de contrainte « naturelle » au-delà de toute référence à une force supérieure qui s’imposerait. Le centre névralgique de l’étude et de l’apport de Dabin est la distinction entre droit naturel juridique et droit naturel moral, opérée par Gény dans Science et technique en droit positif[48]. Pour Dabin, il n’y a de droit juridique que muni de contrainte publique. Par conséquent, accolés l’un à l’autre, les deux épithètes « juridique » et « naturel » tendent fatalement à s’exclure[49]. L’auteur étend même sa critique contre l’hypothèse d’un droit naturel spécifiquement juridique de Hauriou, séparé de la justice elle-même, pour lequel le droit naturel ne devient qu’un idéal achevé de juridisme[50].

 

Un droit naturel juridique implique davantage une règle créée par l’homme visant des choses utiles à la vie. La conception utilitariste prend le pas dans une sorte de droit idéal pour le développement économique ou, en tout cas, matériel de l’homme. Ce sens matérialiste va de pair avec la déviation moderne du mot « nature » qui se perd dans un sens où toute finalité est effacée. Le droit naturel implique avant tout le juste et non uniquement l’utile et le contingent. C’est une déviation subtile qui s’est produite dans les consciences, en même temps que le positivisme. La recherche d’un droit « parfait » a poussé Dabin à interpréter le droit naturel comme un droit idéal - mais d’un idéal subjectif impliquant relativité. Ce  droit naturel « idéal » connaît donc autant de définitions que de personnes, où se mêle le juste, l’utile et l’agréable. Ainsi, certains ont recherché, non pas un ensemble de principes généraux, mais des règles précises et idéales aussi bien qu’universelles, applicables à des cas précis[51]. Bref, on peut presque apercevoir dans cette conception un « Code du droit naturel » écrit dans un langage juridique[52]. Dabin observe que dans cette optique « le droit naturel des moralistes est devenu le droit idéal des juristes »[53]. Sur ce point, il va critiquer Stammler pour prouver que la confusion opérée par une modification du langage conduit à favoriser les amalgames et les contresens. Cette argumentation se retrouve également vis-à-vis de l’expression « droit naturel à contenu progressif »[54] de Renard. C’est un « contenu progressif » qui se rapporte à une vision purement juridique et non pas morale. Pour Dabin, le contenu des premiers principes est toujours le même en droit naturel ; il est moral. Mais son contenu – ses applications comme préfère le dire Dabin à la place de contenu – est variable. Bref, ces déterminations contingentes sont contenues dans le droit naturel, mais n’en forment point le contenu. L’erreur de Renard serait ainsi de vouloir s’approcher d’un droit naturel juridique inexistant, de tenter de mettre des déterminations contingentes dans le contenu même du droit naturel, d’où les difficultés auxquelles il doit faire face[55].

Ainsi, le droit naturel est vu par certains auteurs comme général et n’offrant que des principes inutilisables tels quels, pour la plupart d’entre eux, et nécessitant des règles humaines pour les cas précis. Le droit naturel fait référence à des principes de droit, en fait, des principes de morale et de politique[56]. A la question : « le droit naturel est-il le principe directeur de la morale ou celui du droit ? »[57], Dabin conclut que le droit naturel se confond avec la loi morale. Selon Villey, le droit naturel de Dabin ne sert que d’orientation pour le droit, il est le fil rouge que l’on doit suivre, mais il n’est pas du droit[58]. Dabin répondra en retour que le droit naturel de Villey n’est qu’une simple méthode.

On le voit, Dabin oriente inlassablement de droit naturel vers la morale. En cela, il approuve le chemin pris par Ripert qui, lui aussi, tend à critiquer l’idée d’un droit naturel juridique. Cependant, Ripert va plus loin en jetant le doute sur la morale également et, par voie de conséquence, indique un doute sur tout droit naturel moral. En cela, Dabin s’oppose au motif que ce serait « contester l’aptitude de la raison humaine à discerner des règles morales les plus élémentaires »[59]. Les conséquences de l’existence d’un droit naturel moral au détriment d’un droit naturel juridique ont une influence importante sur le contenu même du droit naturel. En effet, le droit naturel juridique n’existant pas, on est dans l’impossibilité d’y voir le moindre principe premier. L’exercice s’avère beaucoup plus simple si l’on se réfère à la moralité[60].

S’attacher à rechercher un droit naturel juridique conduit invariablement à rechercher un droit idéal en tant qu’il s’accorde avec notre volonté et pas seulement avec le juste. Ceci laisserait place à toutes les dérives issues des erreurs de notre raison. Alors que s’en remettre à la moralité, c’est faire appel à la connaissance par inclination, seule véritablement apte à nous éclairer sur les principes premiers.

Dabin accepte l’idée d’un droit naturel politique qu’il fonde sur le caractère politique de l’homme. Ce droit naturel politique se situe en amont de toute société politique, mais reste plus ou moins soumis au droit naturel moral puisque ce dernier touche l’humain dans sa totalité. Malgré tout, le droit naturel politique annonce un ensemble d’institutions tournées vers un bien public à atteindre. Ainsi, lorsque Gény se demande quelle est la base de l’Etat, Dabin soutient qu’il n’est nul besoin d’un quelconque droit naturel juridique car le droit naturel politique suffit à légitimer l’Etat. De même, à la question de savoir comment agir face à des lois injustes, Dabin évoque le droit naturel politique associé à une technique d’élaboration du droit[61].

 

Cette distinction entre droit naturel juridique et droit naturel moral résulte, à notre sens, de ce choix initial d’une théorie qui place arbitrairement les choses sur un même plan fixe, car elle se contente de l’objet, de sa définition mais sans approfondir jusqu’à une essence. Si Dabin vise un contenu - la morale - il ne démontre pas le processus de constitution de ce contenu, c’est-à-dire le mouvement qu’implique la nature et l’être sous cette nature avec les différentes lectures possibles de cet être qui permettent de déterminer les choses - justice, État, règle de droit - et leur valeur inhérente.

 

 

Droit positif

 

Pour Dabin : « la matière propre de la science juridique n’est pas l’idéal de justice, mais la règle positive »[62]. Par cette affirmation, Dabin montre tout l’intérêt qu’il accorde à la science juridique et à la distinction entre idéal de justice et règle positive. Bref, sa théorie se veut applicable dans une société imparfaite, c’est-à-dire non la caricature d’une société. Il voit une société en mouvement, autrement dit réelle, où l’idéal sociétaire est envisagé mais seulement après avoir pris la société telle qu’elle est. Par suite, est envisagée une théorie valable dans une société qui a besoin de lignes directrices et non dans ces sociétés utopiques qui, si l’on raisonne correctement, n’ont pas besoin de théorie. Ces dernières sont figées dans une évolution continue, régulière et réfléchie au contraire des sociétés « vivantes » dont la croissance est discontinue, soumise aux méandres de l’histoire et surtout confrontée à divers excès. Néanmoins, c’est bien la société de type occidentale qui est envisagée notamment avec un fondement chrétien en arrière plan. Ceci qui pourrait laisser sceptique quant à l’application d’une telle théorie dans des pays soumis à d’autres influences religieuses[63].

 

Pour pallier cette relativité dans les mouvements humains, la méthode positive constitue une enveloppe solide, apte à encadrer le hasard impalpable auquel sont soumises les sociétés. Et, ce qui fait la qualité d’une théorie, ce sont sa cohérence et son harmonie. L’importance du droit positif est la mise en lumière de l’élément sous-jacent qu’est l’ordre d’une société. L’homme étant un être social et rationnel, plus que d’un ordre, on parlera d’un ordre social. Le droit positif se doit de réguler les rapports des hommes entre eux pour éviter tout conflit de nature à créer un trouble néfaste pour le bon fonctionnement de la société. On retrouve  Hauriou pour qui « le droit est une sorte de conduite qui vise à réaliser à la fois de l’ordre social et de la justice »[64]. Cet ordonnancement social montre ici la grande valeur donnée à la communauté qui seule peut permettre le développement de chacun dans son individualité. Sur ce point, pour Dabin, une obéissance est due au droit positif car c’est la condition sine qua non de la bonne marche d’une communauté. Ainsi, il n’est pas possible d’y échapper par absence de conviction quant à la légitimité du droit posé[65]. L’un des intérêts que porte Dabin au droit positif est dû à son efficience. En effet, la règle posée doit trouver à s’appliquer dans la société malgré les résistances et les ruses de ceux qui veulent s’y soustraire[66]. Ainsi, la règle positive doit être claire, précise, rigoureuse pour pouvoir être appliquée et s’imposer à tous, au besoin par des sanctions, dans le but de maintenir l’ordre social.

 

 

Les contraintes liées à l’élaboration technique du droit

 

Comme nous l’avons déjà évoqué, Dabin place le droit positif au centre des débats. Pour lui, la règle juridique est un construit qui est l’objet d’une technique[67], autrement dit, le droit positif n’existe pas en dehors d’une activité créatrice de l’homme[68]. Le sens du mot « technique » doit être pris, non en tant qu’ensemble de procédés, mais comme résultat dont la technique serait au service[69]. Ainsi, Dabin est quelque peu gêné sur le terme de « technique » lui-même qui ne lui sert que pour s’opposer au mot « science »[70].   La technique favorise une construction raisonnable du droit, car il estime que « la détermination du contenu du droit […] relève […] de la prudence politique, plus spécialement encore de la prudence juridique »[71].

Ce rapport entre le donné et le construit, Dabin critique principalement les thèses de Duguit et de Gény. Ce dernier adopte une position nuancée en admettant « que donné et construit se mélangent et s’entrecroisent pour fournir à la vie juridique toutes les directions nécessaires »[72]. Or Dabin nous dit : « à notre avis, ni l’une ni l’autre [les thèses de Duguit et de Gény] ne peuvent être retenues, ce qui nous amènera à la conclusion que le droit – le droit positif – n’est pas construit seulement pour partie, mais pour la totalité »[73]. Cependant, il ne renie pas toute idée d’un donné et surtout d’un donné du droit naturel.

Cette vision des choses est assez logique au regard de la position qu’adopte Dabin sur le travail du juriste. Le juriste a un rôle à jouer dans l’élaboration du droit et il ne peut pas être passif comme le postule une « doctrine de tout repos »[74] affirmant que le droit serait donné.

Toujours dans sa logique de rejet d’un droit naturel juridique, Dabin condamne l’hypothèse d’un donné juridique qui apparaîtrait à travers le prisme du droit naturel. Or le droit naturel est seulement constitué de principes généraux qui doivent être précisés au moyen du travail approfondi des juristes. Et si ce donné est assimilé au droit naturel, d’autres auteurs y verront plutôt le droit juste[75], le droit transpositif[76], le droit suprapositif[77] ou les faits normatifs[78]. Quoiqu’il en soi, le droit positif est construit.

 

Pour élaborer le droit, il faut des autorités compétentes. Dabin relève que « le droit est essentiellement subordonné à la science sociale et à la politique »[79]. Mais il faut veiller à l’emploi de la terminologie car cette affirmation peut être grave de conséquences. Tout dépend, en effet, du sens que l’on va donner au mot « droit ». En tout cas, pris dans une acception erronée, cela peut conduire à des dérives positivistes en offrant à la règle de droit un simple fondement volontariste reflétant l’hégémonie d’un pouvoir. Néanmoins, on peut échapper à cela en précisant que la référence au politique et au social sous-entend non le droit mais l’élaboration du droit qui est effectivement « subordonné » au législateur, entendu comme le Parlement, c’est-à-dire un organe politique. Mais, même dans cette hypothèse, le politique n’est pas totalement libre car lorsque l’on crée du droit, c’est dans le respect du droit déjà existant.

L’autorité compétente pour construire ce droit doit répondre au but qu’est le bien commun. C’est ce bien commun qui est visé et indique la direction à suivre malgré les nombreux autres critères de construction de l’ordre juridique. Le droit doit se conformer au bien commun ; ce dernier doit lui-même être en accord avec la morale : « Il n’y a pas de bien public contre la morale, parce que la morale est la loi de l’homme et que le public est composé d’hommes »[80]. Si le droit peut subir des atteintes dans son élaboration pour des raisons de praticabilité, tel n’est pas le cas de la morale qui perdrait toute sa substance. De toute façon, il ne serait pas pertinent d’enserrer la morale dans le cadre d’une technique d’élaboration comme celle que peut connaître le droit. En effet, le droit demande des règles praticables et efficientes notamment au regard de la contrainte. Or la contrainte, telle que le perçoit le droit, n’est pas envisageable pour la morale qui ne connaît pas de contrainte physique mais une simple obligation en conscience, ce qui fait d’ailleurs sa force dans son domaine.

Se pose donc le problème de l’intégration de la morale dans le droit positif. Toute la morale ne peut être contenue dans le droit positif car imposer une contrainte physique à un précepte moral peut lui faire perdre toute sa valeur. L’individu agirait à ne pas subir de contrainte physique plutôt que d’agir dans le but de se perfectionner intérieurement. Une dichotomie s’opère progressivement dans laquelle le respect tient à la forme de la loi et non plus à son contenu. Ainsi, Dabin en conclut qu’ « en définitive, le problème des rapports entre le droit et la morale trouve sa réponse dans la formule suivante : des règles de la morale le juriste retiendra celles dont la réception par le droit se révélera en fait, dans les circonstances, utile au regard du bien public, praticable au regard de l’outillage technique du droit »[81].

De ceci, on ne peut que donner son accord. En effet, quelle pertinence peut-on accorder à un droit qui ne s’applique pas ? Cependant, une dimension supérieure est insuffisamment exploitée. Sous l’angle d’une ontologie, l’élaboration du droit positif se fait au regard de ce qui est nécessaire, c’est-à-dire à partir des essences. Ces essences, n’impliquant pas un déterminisme, permettent de se présenter sous différentes apparences formelles et ce, sous un même contenu. Dès lors, c’est dans des formes positives qu’il faut faire jaillir le droit le plus approprié et le plus utile. Ainsi, on évite l’écueil d’un pragmatisme ou d’un utilitarisme détaché d’une conception traditionnelle du droit. C’est une ontologie qui n’empêche ni l’utile ni le praticable. Sans cette précision, c’est l’impossibilité de se rattacher à l’essence même du droit - le juste - dans le cadre du droit naturel. La position de Dabin est donc bien celle d’une théorie servant des notions comme concepts, lesquels doivent être articulés selon leur objet et non selon l’être de leur objet qui caractérise une nécessité incarnée.

 

Il s’agit dorénavant de connaître les critères présents lors de l’élaboration du droit positif : opinion publique, « faisabilité », efficience potentielle ou encore coût. On se rend compte que si la prudence est mise en avant lors de toute création du droit, Dabin ajoute comme également essentiel le critère de l’efficacité. Dans cette optique, la praticabilité du droit passe par une définition suffisante qui offrira une certaine sécurité juridique. L’exercice est difficile car il demande à la fois souplesse et rigueur à la règle de droit. Ceci permettant d’appliquer la règle de manière large sans pour autant la rendre inefficiente ou incomplète par un excès de généralité ; d’où la condition nécessaire d’une certaine précision[82]. Parmi les critères qui importent, on compte celui de l’opinion publique. Celle-ci fait référence, de manière générale, à un ensemble de concepts dont il faut tenir compte : la psychologie populaire, la nécessité, l’opportunité, la légitimité de l’intervention, le sens et le contenu de la réglementation, la détermination des moyens de contraintes préventifs ou répressifs[83]. Une loi doit être tolérée par l’opinion publique car dans le cas contraire, la loi provoquerait un trouble contraire à l’ordre justement souhaité par la loi. Par conséquent, un refus de nature à provoquer un trouble doit conduire le législateur à s’incliner s’il est impossible d’agir différemment. Néanmoins, Dabin n’est pas en faveur d’un abandon de sa tâche par le législateur, et il nous dit : « ainsi, la réaction de l’opinion n’appelle, de la part du juriste, aucune soumission nécessaire. […] le juriste a le droit et le devoir d’affronter une opinion publique égarée, et même parfois de songer à la vaincre, avant que de l’avoir convaincue ! Que s’il lui arrive de céder ou de transiger, ce ne sera pas parce que l’opinion serait souveraine, mais pour le seul motif qu’elle aurait la force – et en attendant le jour de la revanche »[84].

 

 

Le bien commun temporel

 

La recherche du bien commun est d’une importance capitale dans la compréhension de la théorie du Professeur de Louvain. Celui-ci distingue d’ailleurs la communauté de la société par le fait que cette dernière regroupe des individus associés dans la recherche d’un but commun, alors que dans une communauté les individus ne partagent que certains traits communs dans leur existence. Ainsi le bien commun trouve à se réaliser dans et par la société politique[85].

Cette recherche d’un bien commun n’est pas contemporaine de Dabin, elle possède son propre vocabulaire et ses références. Il n’est pas question de sous-estimer son caractère essentiel. Par exemple, pour le Baron d’Holbach, « l’apathie, l’indifférence pour le bien public ne peuvent être des vertus que dans les esclaves ; elles n’en sont pas pour l’homme de bien qui doit s’intéresser  au bonheur de sa patrie »[86]. Dans ce cas, on ne peut s’empêcher de réfléchir à ce qu’est ce bien commun et vers quoi il tend. Francis Bacon imprimera dans l’idée de bien commun le bonheur des citoyens[87], Pufendorf y verra le bien du peuple[88], tandis que Locke privilégiera la liberté[89]. Par ces visées divergentes, on comprend que l’on est en présence d’une notion floue et multivoque qui demande à être précisée. Ainsi, Dabin explique qu’il existe un bien commun politique qui s’attache particulièrement au bien de la société. On trouve également un bien commun humain se rattachant au bien commun politique et érige l’homme en fin[90]. L’homme dont on parle n’est pas pris en compte parce qu’il appartient à tel groupe social ou tel autre, car le bien public vise le public en général, sans discrimination ou réduction des individus face au bien commun[91]. En cas contraire, on ne pourrait plus parler de bien public mais plutôt de bien privé avec les dérives inégalitaires inhérentes à la primauté de ce dernier. Il s’agirait d’une situation où la partie contenue dans un tout prétendrait se faire passer pour ce tout. Si le bien commun apparaît comme une finalité à poursuivre, le droit est un instrument à son service et ne saurait être utilisé à des fins privées. Chez Dabin, la soumission du bien particulier au bien commun est nette[92]. Mais il ne faut pas se méprendre sur ce bien commun, qui n’est pas le bien de l’Etat[93] ; et c’est la raison pour laquelle on parlera davantage d’un bien public que d’un bien politique, expression tendant à laisser un doute dans l’esprit des individus[94]. La forme étatique n’est pas une fin en soi, c’est un moyen nécessaire de parvenir au bien public. Ce dernier prend tout son sens lorsqu’il constitue la direction à suivre pour les lois. Celles-ci seront qualifiées de justes si elles sont guidées par le bien public. Déjà avec Aristote, est « juste ce qui sert l’intérêt commun »[95].

Malgré tout, lorsqu’on parle de bien commun, il est difficile de s’accorder sur un même contenu car de nombreuses références variées peuvent entrer en ligne de compte. Ainsi, le bien commun peut concerner les domaines économique, moral, intellectuel, physique, individuel, collectif et international.

 

Dans le cadre d’une société, le bien commun est l’occasion de nombreux débats qui contextualisent la pensée de Dabin. Ce bien commun, vu comme un vivre ensemble, passe par un espace public démocratique selon Habermas qui développe sa thèse de la démocratie procédurale par une délibération systématique. Axel Honneth, son élève, issu de la 3e génération de l’école de Francfort, porte une critique sur cet espace public et « met en doute la possibilité même d’accession des expériences et des sentiments d’injustices au débat démocratique »[96]. Chez Rawls, le « voile de l’ignorance » constitue la méthode d’objectivité par un assentiment global dans un équilibre entre égalité et liberté. La théorie rawlsienne s’est vue critiquée par Ronald Dworkin, Michael Walzer ou encore Amartya Sen[97]. C’est surtout l’opposition des thèses communautariennes[98], multiculturelles[99] et libertariennes[100] qui montrent la difficulté d’une ligne commune, propre à répondre à tous les enjeux d’une société.

Moins sous l’angle politiste et davantage sous l’ancrage d’une théorie du droit et d’une philosophie du droit, l’œuvre de Dabin s’inspire de la pensée allemande[101] ; ce qui caractérise ses multiples références à des courants dont les inspirations sont diverses, bien que rattachables à un noyau commun. La tendance phénoménologique de Coïng apporte au droit naturel une nouvelle coloration dans laquelle il replace les valeurs au centre, dans un inspiration schélérienne - on pense notamment à l’éthique matériale des valeurs ; valeurs qui sont des qualités ontiques - et où la notion de « situation type »[102] relativise l’immutabilité du droit naturel tel qu’on le trouvait chez Von Cathrein. En somme, Dabin se situe entre les deux car la morale catholique est une source qui ne saurait changer en soi mais peut s’adapter au contexte social, historique et étatique. De même, des rapprochements peuvent être effectués avec des penseurs Josef Fuchs[103] ou le suisse Arthur F. Utz[104]. Quant à sa postérité, l’œuvre de Dabin s’est exportée jusqu’au Japon avec Akira Mizunami de Fukuoka, qui s’inspirera également de l’Autrichien Messner[105], à l’instar de Taketoshi Nojiri, Hiroshi Takahashi, Ryosuke Inagaki, Johannes Kazutoshi Sugano et Hideshi Yamada.

 

Dabin nous dit que : « le bien commun en soi n’est qu’une abstraction. Chaque peuple a son bien commun particulier »[106]. Néanmoins, « le bien commun aura beau être conçu de la façon la plus relative et la plus immédiatement pratique, il reste que l’idée de bien commun implique finalité et appelle, dès lors, une opinion sur le problème des fins de l’homme »[107]. Cette finalité est en partie morale, ce qui rejoint ses développements précédents sur toute l’importance de la morale dans le droit naturel.

Il existe des rapports asymétriques entre la morale et le bien commun car leur existence se situe à des degrés différents. Ainsi, l’ordre juridique va se calquer en fonction du bien commun temporel mais la morale aura comme point de mire le perfectionnement de l’homme, qui passe certes par le bien commun mais le dépasse. De là, on peut en déduire que si le droit naît par l’entremise du bien commun, tel n’est pas le cas de la morale. Par contre, le bien commun ne peut passer outre la morale car il en est tributaire. Si le bien public s’écartait de la morale, il ne serait plus bien public puisqu’il « n’y a pas de bien commun sans moralité »[108]. Le bien commun censé servir l’homme ne répondrait plus à sa vocation s’il décidait d’emprunter un chemin immoral voir même amoral en politique car la politique concerne l’homme et l’homme est régi au moins intérieurement par la morale.

 

Au-delà du bien commun temporel se situe le bien commun spirituel. On ne peut pas vraiment dire que l’un est supérieur à l’autre sans quoi on risquerait de s’acheminer vers une forme d’exclusivité avec pour conséquence la négation implicite et subtile de l’un ou de l’autre. L’homme est esprit et matière, il est donc important de considérer tout le champ de son être. Plutôt que d’établir une terminologie basée sur la supériorité, il faut davantage parler d’une différence de degrés. Ainsi, les notions de temporel et de spirituel existent sur des plans différents où chacun vise l’homme dans une partie spécifique de son être. Le bien commun spirituel désigne les valeurs morales - religieuses - qui vont conduire l’homme vers sa perfection d’être. Ici, sont mises en exergue les valeurs religieuses qui concernent la personne dans son intériorité, en opposition avec les valeurs plus matérielles de l’ordre temporel. Le bien commun spirituel va nourrir non pas le corps mais l’esprit. Si la gestion du bien commun temporel ressort de la compétence de l’État, il n’en va pas de même avec le bien commun spirituel pour lequel l’État n’a pas de titre particulier visant à s’en occuper. Le rôle de l’État est simplement protecteur, car le politique ne saurait d’aucune manière vouloir contrôler l’esprit des hommes[109]. Cette idée ne doit pas faire l’objet d’une interprétation erronée visant à rendre toute religion indépendante dans le mauvais sens du terme, c’est-à-dire hermétique. Cette dérive est celle des sectes qui s’excluent volontairement de la société. Une religion est un partage entre les hommes dans le cadre d’une société. Dès lors, on ne saurait exclure la religion de toute dimension sociale et le bien public religieux trouvera à s’appliquer dans le cadre du bien public. Et ce bien commun spirituel ne sera pas du ressort de l’État mais celui d’une autre institution : l’Église[110]. Si « l’État doit s’abstenir d’imposer un système de pensée et de conduite dont il serait l’inspirateur »[111], il n’est pas évincé totalement car il se doit de collaborer avec l’Église d’une part, en réunissant les conditions temporelles aptes à garantir un milieu favorable au domaine spirituel, d’autre part, en protégeant le spirituel des attaques potentielles. Et cette protection ne doit pas revêtir un caractère étouffant, autrement dit, lorsqu’il n’y a pas d’atteinte au spirituel, l’État ne doit pas tomber dans le zèle sous prétexte d’une potentielle atteinte future, ce qui cacherait en fait un moyen détourné, mais non moins performant, de contrôle. L’État doit être au contraire protecteur et non contrôleur. Bref, comme le dit Dabin, « le problème des rapports entre l’État, gardien du bien public temporel, et l’Église, responsable du bien spirituel public et privé, se résout par une distinction des domaines et des compétences certes, mais aussi par une entraide hiérarchisée en vue de la réalisation du bien total, spirituel et temporel, des individus membres des deux sociétés »[112].

 

 

Importance de la morale catholique

 

Dans son ouvrage La philosophie de l’ordre juridique positif, Dabin, réserve une partie non négligeable à la morale catholique. Il la voit comme un moyen de « préciser, de compléter et de perfectionner les données générales et abstraites du droit naturel », et ce, en privilégiant la morale catholique aux moralistes catholiques. Ainsi, réside l’intérêt de la morale catholique. Puisque le droit naturel est trop général, la morale catholique se propose d’offrir des règles précises et utilisables par chaque homme dans le cadre de sa vie. Comme le droit positif a pour objet de venir préciser, compléter le droit naturel, on remarque donc que la morale catholique et le droit remplissent les mêmes fonctions, ce qui les lie indéniablement. Dabin souhaite introduire dans le droit positif des éléments de la morale catholique. Celle-ci prend ses sources dans la loi naturelle en tant que donnée naturelle mais également dans les Écritures et notamment l’enseignement du Christ qui apparaît dans le Nouveau Testament. Dieu est intervenu pour apporter aux hommes la loi positive révélée, qui s’accorde avec la loi naturelle mais la rend accessible à la compréhension humaine. De même, le Décalogue offre la connaissance concrète de certains principes de la loi naturelle[113].

Pour Dabin, il ne faut pas se tromper en qualifiant la morale chrétienne de moralisme. Ce serait un contresens car ce n’est pas le simple effort moral dans la conduite de la vie qui serait recherché. Au contraire, ce n’est pas la morale qui est mise au premier plan, c’est Dieu dans toute son étendue, c’est le don de Dieu. La morale catholique, sans s’opposer à la morale naturelle, a modifié l’ordre des vertus. Si d’une part, Aristote mettait en avant les vertus morales de prudence, de courage, de justice et de tempérance, d’autre part, les vertus théologales de foi, d’espérance et de charité prennent désormais le pas en ce qui concerne les rapports avec Dieu. Dabin acquiesce quant à la compatibilité entre la morale catholique et la morale naturelle. Ainsi, les règles de la morale catholique gravitent autour du droit naturel en l’enrichissant d’un donné supplémentaire et divin, lui ouvrant les portes d’un niveau supérieur. Mais c’est toujours la personne qui sert de pivot. La morale du Christ reste au niveau de la nature humaine. Le Christ, étant donné la nature de l’homme, ne s’en est point séparé. D’où, par exemple, la qualification d’humanisme chrétien ou de naturalisme chrétien de la morale thomiste. L’avantage indéniable de la morale catholique, pour Dabin, est qu’elle est le fruit d’une longue maturation au cours des siècles qui l’a conduit à poser des règles précises et ayant un fondement variable. Et ce fondement a toute son importance car il va permettre aux individus de comprendre la règle et d’y adhérer dans leur for intérieur. Cette adhésion intérieure marque la réussite d’une règle qui saura trouver son efficience. Elle sera praticable. Toute l’importance que donne Dabin à la méthode d’élaboration du droit coïncide ici, car ce qui est demandé, c’est un droit positif trouvant à s’appliquer dans toute son étendue. Toute la force de la morale catholique réside dans l’absence de concurrence réelle. Alors que la morale catholique peut être appliquée dans l’instant, tel n’est pas le cas de ses concurrents qui n’en sont encore qu’aux promesses. C’est en cela que Dabin voit la supériorité de la morale de l’Église catholique. La compétence approuvée par Dabin est celle de l’Église dans sa doctrine officielle. Elle découle des textes des Papes, des conciles et de manière générale de toutes les sources qui sont incluses dans le dogme officiel. En conséquence, on peut exclure les tendances annexes non officielles de certains moralistes catholiques.

On peut se demander ce qu’apporte de nouveau la morale catholique par rapport à n’importe quel autre type de morale. En fait, pour Dabin, la morale catholique vient embrasser la morale naturelle et ne cherche nullement à l’évincer ou à s’y opposer. La morale catholique approuve la morale naturelle mais la fait également aller plus loin en y insérant la référence à Dieu. La morale naturelle apparaît donc conserver toute sa valeur et sa consistance et ce même si l’ordre des vertus s’en trouve bouleversé. Dabin, qui se situe dans la mouvance néo-thomiste, doit faire face à un contexte social différent de celui qui existait à l’époque de Saint Thomas. Si, à cette époque, la morale religieuse était forte, tel n’est plus le cas dans nos sociétés contemporaines laïcisées. Par suite, le droit ne s’accorde pas toujours avec la morale, comme ce pouvait être le cas au 13e siècle. Au contraire, il arrive souvent qu’il y ait opposition forte - on pense notamment aux questions les plus sensibles de l’homosexualité et de l’avortement. Se pose donc la question de savoir si la vision dabinienne peut s’adapter à une époque actuelle ayant tendance à remettre facilement en cause les dogmes semblant être en décalage par rapport au vécu des citoyens[114].

 

Le qualificatif « transpositif » caractérise de manière pertinente le « droit » de Dabin, dont les analyses et descriptions résultent d’une logique théorique intégrant en son sein une approche philosophique. De là, tout dépend de la prise de position initiale dans une critique de son œuvre. D’un point de vue philosophique, le sous-jacent marque une profondeur réelle et compense le premier degré de lecture - celui-ci limité à l’apparaître plus qu’à l’être - tout en considérant que l’apparaître est une première perception nécessaire pour poursuivre une étude sur l’être. Au théoricien, la formule de l’œuvre apparaîtra comme résultant d’un bon sens très inspiré, même si non exempte des reproches classiques d’une pensée qui a pris le risque de lier un idéalisme néo-kantien et un réalisme néo-thomiste. En ce sens, Akira Mizunami[115] a éclairé certains points fondamentaux notamment par comparaison-opposition avec Kelsen dans le cadre de la critique de l’interprétation de Joseph L. Kunz[116].

 

(*) ATER et doctorant, Centre de Philosophie du Droit, Université Montesquieu Bordeaux 4.

 

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© THÈMES, Revue de la Bibliothèque de philosophie comparée, IV/2011, mise ligne le 19 septembre 2011

 

 

 

 

 



[1] Cet article reprend les thèmes du mémoire Le droit naturel chez Jean Dabin – entre droit positif et jusnaturalisme, Bordeaux, 2007

[2] Sur la distinction entre philosophie et théorie, cf. TRIGEAUD J.M., Humanisme de la liberté et philosophie de la justice, éd. Biere, 1985, p.14-21

[3] DABIN Jean, Théorie générale du droit, Dalloz, Paris, 1969, p.9, n°9

[4] ibid., p.10

[5] Ce qui signifie que le philosophique est encadré dans la théorie, d’où la constitution de liens qui se séparent d’une approche proprement philosophique et aboutissent en dernière analyse a des divergences voire des oppositions dans les déterminations finales. Cette méthode, ici appliquée sans rigidité forcée, se retrouve déjà chez  l’historien de Göttingen Gustav Hugo. Sur cet auteur, cf. TRIGEAUD J.-M., op. cit., p.15

[6] DABIN, op. cit., p.9

[7] DABIN, op. cit., p.9: « […] dans la plupart des considérations ou traités de philosophie du droit, on trouve beaucoup plus de philosophie que de droit ». Ceci marque peut-être l’incapacité à percevoir le procédé philosophique qui vise l’être avant de viser des objets. Celui qui vise directement l’objet sans référence à l’être de l’objet s’oublie dans l’apparaître et les abstractions mal maîtrisées.

[8] Notamment avec Auguste Comte

[9] Hauriou et Santi Romano

[10] Gény, Saleilles, Ripert, Gierke, Duguit, Hauriou - nous reprenons le classement proposé par FASSO Guido, Histoire de la philosophie du droit, LGDJ, Paris, 1976

[11] Sans rentrer dans l’histoire du thomisme au 19e-20e siècle, on notera en particulier les efforts de Lepidi, de Van Weddingen, du Cardinal Mercier, de Maurice de Wulf et des jésuites De San, Castelein et Van der Aa

[12] DABIN, op. cit., p. 13 : sans être thomiste ou néo-thomiste, Dabin estime que s. Thomas a fournit des matériaux et arguments dans l’édification d’une théorie du droit encore valable aujourd’hui.

[13] VILLEY Michel, La formation de la pensée juridique moderne, PUF, 2006, p.348

[14] ibid., p.353

[15] Le sort que réserve Dabin à l’être est plus complexe puisque justement – suivant sa distinction entre philosophie et théorie – il l’encadre entre une théorie qui tend à rendre l’être statique et une philosophie qui perçoit son dynamisme

[16] VILLEY, op. cit., p.354

[17] VILLEY, op. cit., p.354

[18] VILLEY, « Dimensions religieuses du droit », APHD, 1973, n°18, Bible et philosophie gréco-romaine de Saint Thomas au droit moderne : « Personne n’ignore qu’au 16e siècle les écoles du monde catholique, dominicaines et jésuites, les grandes universités, surtout celle de Salamanque, tentèrent un retour à Salamanque, tentèrent un retour à Saint Thomas. La Somme Théologique fut prise pour manuel de théologie ; alors éclorent des commentaires de l’œuvre de Saint Thomas, dont encore aujourd’hui s’abreuvent la plupart des « néothomistes ». Il est remarquable que Rommen, Recasens-Sichez, Legaz y Lacambra, Ambrosetti (sans parler de Klug), même ces représentants laïcs de la doctrine catholique du droit naturel, ont tous commencé par écrire un livre sur Suarez. »

[19] Comme le dit G. Renard dans Le droit, l’ordre et la raison : « la cause du droit naturel a eu moins à souffrir de ses détracteurs que de ses maladroits amis », p.XI

[20] DABIN Jean, La philosophie de l’ordre juridique positif, Sirey, Paris, 1929, p.260

[21] ibid., p.262

[22] SERTILLANGES, La philosophie morale de Saint Thomas d’Aquin, 2e éd., Paris, Alcan, 1922, p.147 : « on n’obéit à la nature qu’en se conduisant selon la raison, puisque la raison est la caractéristique de l’homme et que la nature veut de chaque être qu’il soit lui-même »

[23] On la retrouve d’ailleurs chez G. Renard, E. Janssens et O. Lottin

[24] ROMMEN Henri, Le droit naturel, histoire-doctrine, Paris, 1945, p.180

[25] DABIN, Théorie générale du droit, Dalloz, Paris, 1969, p.322-323

[26] ibid., c’est nous qui soulignons

[27] ibid., p.328 ; Mais il ne va pas aussi loin qu’un TAPARELLI D’AZEGLIO Luigi, Essai théorique de droit naturel basé sur les faits, tome premier, Tournai, H. Casterman, 1875, p :34. Celui-ci montre bien le mouvement de l’être : « les mots nature, faculté, expriment une tendance à produire un acte »

[28] Cf. p.2, note 15

[29] DABIN, La philosophie de l’ordre juridique positif, Sirey, Paris, 1929, p.272

[30] DABIN, Théorie générale du droit, Dalloz, Paris, 1969, p.8

[31] LALLOT Jean, Ildefonse Frédérique, Catégories, éd. Du Seuil, 2002, p.284 - en ce sens, la quadripartition des étants d’Aristote permet de justifier une position différente selon ce qui est dans un sujet et ce qui se dit d’un sujet

[32] HERVADA Javier, Introduction critique au droit naturel, éd. Biere, 1991, p.120

[33] BRUN Jean, Platon, PUF, Paris, 1996, p.44

[34] Ibid.

[35] DABIN, Théorie générale du droit, Dalloz, Paris, 1969, p.347

[36] Cf. infra, p.6

[37] DABIN, La philosophie de l’ordre juridique positif, Sirey, Paris, 1929, p.18

[38] Dabin estime que chez Gény « le donné ne constitue pas encore la norme juridique : celle-ci n’existera qu’autant que le donné sera construit »

[39] DABIN, op. cit., p.21

[40] JANKELEVITCH, Le je-ne-sais-quoi et le presque-rien, éd. Du Seuil, Paris, 1981

[41] MARITAIN, L’homme et l’Etat, PUF, Paris, 1953, p.84

[42] DABIN, op.cit., p.270

[43] RIPERT, La règle morale dans les obligations civiles, LGDJ, 1949, p.418

[44] DABIN, op. cit., p.312

[45] En ce sens, Dabin s’inspire de Viktor Von Cathrein, mais ne reste pas autant que lui dans un discours sur la morale, et accorde à la contrainte étatique une portée beaucoup plus importante notamment dans l’existence de la règle de droit

[46] DABIN, Théorie générale du droit, Dalloz, Paris, 1969, p.330

[47] DABIN, Théorie générale du droit, Dalloz, Paris, 1969, p.333

[48] GENY, Science et technique en droit positif, tome IV, Sirey, 1924,  p. 217 : « En dépit de quelques oppositions, plus tapageuses que solidement fondées, on admet, à peu près unanimement, l’existence de semblables règles [de droit naturel objectif, indépendantes de toutes positivité] dans le domaine purement moral. Mais si l’on fait intervenir la sanction extérieure provenant de la contrainte sociale, ce qui nous place exactement sous l’angle juridique, la question apparaît plus délicate. Elle se ramène exactement à savoir, s’il existe une ‘loi naturelle’ dictant impérieusement à l’homme des règles qui dussent, pour avoir toute leur portée utile, être susceptible d’une coercition effective »

[49] DABIN, La philosophie de l’ordre juridique positif, Sirey, Paris, 1929, p.305

[50] Ibid., p.307

[51] La critique vaut pour Ripert par exemple qui demande au droit naturel une certitude mathématique

[52] DABIN, op. cit., p.271

[53] DABIN, op. cit., p.271

[54] RENARD, Le droit, l’ordre et la raison, 4e conférence, Sirey, Paris, 1927

[55] DABIN, La philosophie de l’ordre juridique positif, Sirey, Paris, 1929, p.312 : « c’est ce qui explique le malentendu signalé par G. Renard (Le droit, la logique et le bon sens, Appendice, pp.402-403) entre les juristes et la philosophes. Si M. Baudin, philosophe et théologien, s’étonne qu’après sa profession de foi philosophique, M. Renard puisse encore tenir pour redoutable le problème du droit naturel, c’est parce que M. Baudin parle du droit naturel moral, tandis que M. Renard vise un droit naturel juridique »

[56] DABIN, Théorie générale du droit, Dalloz, Paris, 1969, p.340

[57] ibid.

[58] VILLEY, Leçons d’histoire de la philosophie du droit, 2e éd., Paris, 1962, p.294

[59] DABIN, La philosophie de l’ordre juridique positif, Sirey, Paris, 1929, p.309

[60] ibid., p.312

[61] DABIN, Théorie générale du droit, Dalloz, Paris, 1969, p.329 ; voir également GENY, « La laïcité du droit naturel », in AphD, 1933, n°3-4, p.8 note 1

[62] DABIN, Théorie générale du droit, Dalloz, Paris, 1969, p.4

[63] Il n’empêche que la pensée de Dabin a fait école jusqu’au Japon

[64] HAURIOU Maurice, Précis de droit constitutionnel, 2e éd., Paris, 1923, p.58

[65] DABIN, La philosophie de l’ordre juridique positif, Sirey, Paris, 1929, p.83

[66] ibid., p.80-81

[67] DABIN, Théorie générale du droit, Dalloz, Paris, 1969, p.300

[68] ibid., p.160

[69] HAURIOU, Précis de droit constitutionnel, 2e éd., Paris, 1923, p.61

[70] DABIN, op. cit., p.301

[71] DABIN, op. cit., p.301

[72] GENY, Science et technique en droit privé positif, Paris, Sirey, 1921, t.3, 3e partie

[73] DABIN, La philosophie de l’ordre juridique positif, Sirey, Paris, 1929, p.177

[74] DABIN, Théorie générale du droit, Dalloz, Paris, 1969, p.164

[75] Stammler

[76] Burdeau

[77] Nawiasky

[78] Gurvitch

[79] DABIN, op. cit., p.378

[80] DABIN, Théorie générale du droit, Dalloz, Paris, 1969, p.378

[81] ibid., p.385

[82] DABIN, op. cit., p.289 : « quoi que l’on fasse, quoi que l’on souhaite, toujours la définition juridique restera plus ou moins approximative, expéditive et sommaire. Saisir les phénomènes dans leur complexité et dans leur continuité, logique ou historique, a fortiori pénétrer l’essence des choses n’est pas et ce sera jamais le fort du juriste, parce que sa tâche n’est pas d’établir des définitions scientifiquement correctes, mais d’élaborer des règles applicables, et que la praticabilité du droit veut des définitions relativement simples, aptes au maniement ».

Cette position est restrictive. Elle sous-estime la recherche des juristes et sa capacité à distinguer le nécessaire et le contingent, le statique et le dynamique.

[83] DABIN, La philosophie de l’ordre juridique positif, Sirey, Paris, 1929, p.225

[84] ibid., p.239

[85] ibid., p.159

[86] D’HOLBACH, Principes naturels de la morale et de la politique, t.1, p.322-323 dans une préoccupation pragmatique sous le signe d’une tendance empiriste

[87] BACON, Essai d’un traité sur la justice universelle, trad. Vauzelles, Paris, Warée, 1824

[88] PUFENDORF, Droit de la nature et des gens, trad. Barbeyrac, rééd. Caen, 1987, livre VII, chap. IX, §3

[89] LOCKE, Le second traité du gouvernement : essai sur la véritable origine, l’étendue et la fin du gouvernement civil, Paris, PUF, 1994

[90] DABIN, op. cit., 1929, p.159-160

[91] DABIN, Théorie générale du droit, Dalloz, Paris, 1969, p.218

[92] DABIN, La philosophie de l’ordre juridique positif, Sirey, Paris, 1929, p.158

[93] Cf. TRIGEAUD J.-M., Eléments de philosophie politique, Biere, 1993, p.125 et suiv. (« L’ordination du bien commun au respect de la personne dans la philosophie politique thomiste »)

[94] DABIN, Théorie générale du droit, Dalloz, Paris, 1969, p.218-219

[95] ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, VIII, 11, 1160a13

[96] RAULET Gérard, La philosophie allemande depuis 1945, Armand Colin, 2006, p.334

[97] NAY Olivier, Histoire des idées politiques, Armand Colin, 2004, p.500 et suiv.

[98] Alasdair MacIntyre, Michael Sandel, Amitaï Etzioni

[99] Charles Taylor, Michael Walzer, Will Kymlicka

[100] Robert Nozick, Noam Chomsky

[101] Von Cathrein, Verdross, Coïng et Fechner

[102] Entendue comme des constances de situations où l’homme évolue

[103] FUCHS Josef, Lex naturae – Zur Theoloie des Naturrechts, Patmos, 1955

[104] Sûrement moins proche de Dabin que ne l’est Fuchs, on relève cependant certains points spécifiques de l’auteur : la conscience juridique de la société dans sa spontanéité comme élément de la loi naturelle ; le problème d’une justice considérée comme un équilibre, une synthèse, tout en étant donné par la nature ; la place de l’homme dans l’invention d’un système d’ordre (avec une prudence nécessaire) ; les prescriptions minimum et maximum du législateur face à l’hostilité de l’opinion publique ; le rapport entre droit positif et droit naturel

[105] Comme Dabin d’ailleurs

[106] DABIN, La philosophie de l’ordre juridique positif, Sirey, Paris, 1929, p.162

[107] ibid., p.164

[108] ibid., p.193

[109] DABIN, Doctrine générale de l’Etat, Paris, Sirey, 1939, p.49

[110] ibid., p.49, 50

[111] ibid., p.47

[112] ibid., p.52

[113] DARBELLAY Jean, La réflexions des philosophes et des juristes sur le droit et le politique, éd. universitaire de Fribourg, 1987, p.55 ; VERDROSS Alfred, Abendländische Rechtsphilosophie, Wien, 1958, p.58

[114] On rappelle pourtant son influence jusqu’au Japon, dont la culture diffère fortement de celle de la Belgique

[115] Nous renvoyons à l’article d’Akira MIZUNAMI, Dabin et Kelsen. On soulignera notamment : le caractère sociétaire du droit, la notion formelle du droit et la définition pratique, la norme juridique générale, la raison d’être de la règle juridique, le rapport entre être et devoir-être

[116] Mélanges en l’honneur de Jean Dabin, Tome 1, théorie générale du droit, Paris, Sirey, 1963